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BIE

temporels. Malheur à celui qui usurpe le bien d’autrui. Qui confisque le corps, confisque les biens ; pour dire, que tous les biens des condamnés au supplice, ou au bannissement perpétuel, appartiennent au Fisc. On dit qu’un homme s’oblige corps & biens ; pour dire, qu’outre ses biens qu’il hypothèque, il s’oblige personnellement, & se soumet encore à demeurer en prison, faute d’exécuter ce qu’il promet. On dit aussi, séparer de corps & de biens ; pour dire, faire jouir une femme de son bien propre, & la séparer de son mari, tant à l’égard du lit que des biens.

On appelle un Curateur aux biens vacans, celui qu’on nomme pour défendre une succession abandonnée, où il n’y a point d’héritiers.

On appelle Cession de biens, une renonciation qu’un débiteur fait en Justice à tous ses biens, qui pour cela étoit autrefois obligé de porter un bonnet vert. Il faut qu’une caution donne un état de ses biens & facultés. Thémistocle disoit : j’aime mieux pour ma fille un homme qui ait besoin de bien, que du bien qui ait besoin d’un homme. Ablanc. Il faut savoir mépriser les richesses, les hommes, & tous ces autres biens en apparence, qui ne passeront jamais pour de véritables biens dans l’esprit du sage. Boil. Le bien contribue beaucoup à affermir les hommes dans la vertu au lieu que la pauvreté est une tentation continuelle. Le Mait. Sans le bien, la Grandeur des Grands n’est que bassesse, & c’est l’instrument le plus nécessaire à leur fortune. Id. On dit par manière de proverbe, tous biens sont communs, & n’y a moyens que de les avoir, mais il faut qu’ils soient légitimes. Loisel.

Etant nés pour jouir d’une gloire infinie,
Lui préférer des biens qui durent un moment,
C’est une espèce de manie,
Qui va jusqu’à l’enchantement. L’Ab. Tetu

Les biens se divisent 1°. en meubles, mobilia ; & en immeubles, immobilia. 2°. En propres, avita, paterna, hereditaria ; en acquêts, alio quam hæreditatis jure acquisita, adopta ; & en conquêts, à viro & uxore stante societate acquisita. 3°. En droits réels, jura realia ; & en droits personnels, jura persionalia, quæ personas afficiunt. 4°. En nobles, nobilia, immunia ; & en roturiers, non immunia.

Les biens adventifs, adventitia, sont ceux qui procèdent d’ailleurs que de successions de pere ou de mere, d’ayeul ou d’ayeule.

Les biens du Domaine de la Couronne, ad siscum spectantia, ne peuvent être aliénés à perpétuité, si ce n’est par échange : ils peuvent être vendus à la faculté de rachat perpétuel.

Les biens dotaux, dotalia, sont ceux qui procèdent de la dot, & dont l’aliénation n’est pas permise au mari.

Les biens paraphernaux, paraphernalia, sont ceux desquels la femme donne la jouissance à son mari, à condition de les retiter quand il lui plaît.

Les biens prospectifs, prospectitia, sont ceux qui viennent de la succession directe.

Les biens réceptifs, receptitia, étoient ceux que les femmes pouvoient retenir en pleine propriété, pour en jouir à part, à la différence des paraphernaux & des dotaux.

Les biens vacans, vacantia, sont ceux qui se trouvant abandonnés, soit parce que les héritiers renoncent, soit parce que le défunt n’a point d’héritiers.

Bien, se dit aussi pour signifier un héritage particulier. Fundus. Ce Gentilhomme a un beau bien dans telle Paroisse ; pour dire, un beau domaine, un grand territoire, un bon revenu.

Bien, se dit aussi des fruits des héritages. Fructus, fruges. La gelée est bonne pour les biens de la terre, & fait mourir la vermine. Les Rogations sont instituées pour prier Dieu pour les biens de la terre.

Bien, en Physique & en Morale, se dit encore de tout ce qui accommode nos affaires, de tout ce qui nous est utile, de tout ce qui nous peut procurer quelqu’avancement, de tout ce qui regarde notre intérêt & notre profit, ou qui conserve ou rétablit notre santé. Bonum, commodum, utilitas. Cet homme étoit ruiné, la succession de son oncle lui a fait tous les biens du monde. Ce Seigneur fait du bien à ses domestiques. Les avis de ce Magistrat vont toujours au bien public, mais d’un air farouche. S. Evr. Un ambitieux ne voulant du bien qu’à lui seul, tâche de persuader qu’il en veut à tous, afin que tous lui en fassent. La Br. Les gens vains regardent ceux à qui ils ont fait du bien comme leurs débiteurs, & comme leurs inférieurs. S. Evr. En amour, un peu d’absence fait grand bien. Rab. Un remède pris à propos fait grand bien.

Bien, se prend aussi pour plaisir, joie. Gaudium, voluptas, lætitia. Tous les maux que j’ai soufferts, n’égalent pas le bien de l’avoir vue. Voit. C’est la condition humaine d’être assujettie à des révolutions du bien au mal, & du mal au bien. Flech.

Bien, se dit aussi pour faveur, grâce, bienfait, bon office, Beneficium favor, gratia. Ton amour est un bien qui m’est justement dû. Main. Votre Majesté ne se seroit pas grand tort, si elle me faisoit un peu de bien. Scar. Je lui ferai tant de bien, disoit Henri IV en parlant d’un homme qui ne l’aimoit pas, que je l’obligerai à m’aimer. Vous m’avez fait un grand bien par vos avis.

Bien, se prend encore pour louange. Laus. Cet homme est obligeant ; il dit du bien de tout le monde. Chacun dit du bien de son cœur, & personne n’en ose dire de son esprit. Rochef. Ne parler de personne ni en bien, ni en mal. Voit.

Bien, se dit aussi de ce qui regarde la vertu, l’honnêteté, la valeur. Probitas, virtus. On dit, les gens de bien, des gens de bien ; pour dire, des gens vertueux, bons chrétiens. Ce Prélat est un grand homme de bien. On exhorte les autres à faire le bien, il suffisoit de le proposer à cette Princesse. Flech. Nul ne fait le bien pour le bien : tous les hommes ont leurs vues. Gom. Nous sommes portés au bien ou au mal, selon les premières impressions que nous recevons. S. Evr.

Je souffrirois plutôt l’affront du cocuage,
Que d’être le mari de ces femmes de bien.
Dont la mauvaise humeur fait un procès sur rien.

Mol.

Cet étranger a bonne mine, il sent son bien. Corneille a dit d’un homme brave, tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien, pour dire, d’un homme généreux.

Bien. Avantage. On appelle biens du corps, la santé, la force : biens de l’esprit, les talens : & biens de l’ame, les vertus. Les biens de l’ame sont préférables aux biens de l’esprit ; & les biens de l’esprit sont préférables à ceux du corps. Acad. Fr. Comme il y a bien & mieux, il y a aussi mal & pis ; c’est-à-dire, que comme il y a plusieurs sortes de biens, les uns plus grands que les autres ; il y a aussi des maux plus grands les uns que les autres.

Bien, se dit aussi figurément pour science, lumière, connoissance , & généralement pour tous les avantages de l’esprit. Dotes ingenii, animi bona. Ce Philosophe égaloit les richesses des Rois par les biens de l’esprit. S. Ev.

Bien, se dit aussi en plusieurs phrases adverbiales, & alors il se prend pour beaucoup, ou pour sagement, ou pour commodément, ou pour justement. Multùm, prudenter, commodè, rectè. Ainsi on doit rapporter à l’une ou à l’autre de ces quatre significations les exemples qui suivent comme, il y a bien à profiter auprès de vos Docteurs. Pasc. Il feroit fort bien de se taire. Voit. Quand on est bien, il s’y faut tenir. Elle mérite bien cela. Mol. Bien marque aussi quelquefois la capacité, le pouvoir de faire une chose, comme quand on dit, ferez-vous bien cela ? Je le ferai bien. Je m’acquitterai bien de cette commission. Bien se dit aussi pour, véritablement, à la vérité : Il est bien en chemin, mais il n’est pas encore arrivé. Bien a encore plusieurs autres significations qu’on peut voir dans les exemples suivans, & qui se rapportent plus ou moins à ce qu’on a déjà dit. Cela va de bien en mieux. Cet homme est fort bien dans ses affaires. On dit qu’un homme est bien mal ; pour dire, qu’il est dangereusement malade. Sa maladie le tourne en bien. Il boit & mange bien. Il est