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BLE

1707. Il y en avoit un tas dans le magasin, qui avoit dix toises dans un sens, sur cinq à six de l’autre, & environ deux pieds de hauteur ? on n’y avoit point touché depuis. La date de l’année qu’on le serra étoit encore gravée dessus. Le Roi, M. le Dauphin & les Seigneurs qui ont passé par Metz, ont mangé du pain de ce blé. Une des choses qui contribue le plus à la conservation du blé, c’est la croûte qui se forme sur toute la superficie, de l’épaisseur d’un doigt & demi. On se promenoit sur celui de Metz sans que cette croûte obéît. On a vu à Sédan un magasin taillé dans le roc & assez humide, dans lequel il y avoit un tas de blé très-considérable depuis 110 ans. Il étoit revêtu d’une forte croûte, dure, épaisse d’un pied, formée de la germination des grains extérieurs de la superficie. Sous cette croûte se trouva un blé d’un grain assez gros, beau & bon, & l’on en fit du pain qui se trouva excellent.

A Châlons il y a des greniers où l’on conserve le blé 30 ou 40 ans. On choisit le plus beau blé, & du meilleur cru qu’il est possible. Après l’avoir travaillé, on en fait un tas aussi gros que le plancher le peut porter. On met ensuite trois pouces de haut de chaux vive en poudre très-fine sur tous les tas également ; puis avec des arrosoirs on humecte cette chaux, qui forme avec le blé une croûte ; les grains de la superficie germent, & poussent une tige d’environ un pied & demi de haut ; l’hiver la fait périr, & l’on n’y touche point que quand la nécessité y oblige ; alors on trouve le blé aussi beau que s’il n’avoit que deux ans. Voyez l’Hist. de l’Acad. des Sciences de 1708.

Marmol, Liv. III, ch. 60, dit que dans la ville de Miatbir, en Afrique, c’est-à-dire, cent puits, il y a plusieurs puits taillés dans le roc, où les habitans serrent leur blé ; qu’il s’y conserve plusieurs années sans se gâter ; qu’on en a trouvé de 80 ans, qui étoit aussi sec & aussi bon que si on n’eût fait que de l’y mettre.

Les mesures dont on se sert communément en France pour mesurer le blé, sont, le muid, le setier, le minot, le boisseau, le demi-boisseau, le quart, &c le demi-quart de boisseau, le litron, & le demi-litron. Toutes celles qui sont au-dessous du boisseau, ne servent guère pour le blé. On mesure en quelques endroits par bichets au lieu de boisseaux ; au Mans par charges, qui sont de 12 boisseaux ; à Sédan par quartels ; à Dijon par quarranches, quarraux, bichots & hémines ; à Metz par quarts, à Rennes par mines ; à Aix par charges ; à Avignon par hermines ; à la Fère par mancots. On divise aussi quelquefois les mesures des arides en pintes. Voyez le Traité de la Police de M. de la Mare, Liv. V, Tr. VIII, ch. 2. L’explication de toutes ces mesures se trouvera chacune à sa place.

Par des essais faits à Paris en différens temps par les Magistrats, & avec beaucoup d’exactitude, on a trouvé en 1432 que,

La mine de blé froment François pesoit 113 l. 2. onces.
La mine de blé froment de Neubourg 110 l.
Le setier de blé méteil 220 l. 5 quarterons.
Après la mouture, la farine
Des deux mines de blé froment pesa 221 1. 2 onces.
Du setier de méteil 216 l. 3 quarterons.
Etant mesurés, la farine
Du setier du blé froment donna 16 boisseaux combles.
Du setier de méteil 16 boiss. combles
& un ras.
En 1466 on trouva que la mine
Du meilleur blé froment pesoit 108 livres.
Du moyen 105 l.
Le minot de seigle 55 l.
Etant moulue, la farine
De la mine du meilleur blé froment pesa 102 l.
Du moyen 99 l. 6 onces
Du minot de seigle 49 l. 3 quarterons.
Et donnèrent de farine
La mine du meilleur à tout le son 8 boisseaux.
Du moyen à tout le son 8 boisseaux.
Le minot de seigle 8 boisseaux demi-quart.
La mine du meilleur blutée au bluteau à blanc est revenue nette à 8 boisseaux,
La mine du moyen par le bluteau à fenêtre est revenue nette à 8 boisseaux.
Le minot de seigle par un bluteau à bis est revenu à 2 bois. 1 q. & dem.
Le son des mines de froment riflé & recoupé revenu net en gruaux, mis avec la farine de seigle à 1 boisseau & demi.
Etant pétris & boulanger, on fait

La mine du meilleur, sept douzaines de petits pains blancs, de quinze onces en pâte, pour revenir à douze onces cuits.

La mine du moyen, deux douzaines de petits pains bourgeois, de dix-neuf onces en pâte, pour revenir à seize onces cuit, & vingt-deux grands pains bourgeois de trente-sept onces en pâte, pour revenir à trente-deux onces cuits.

Le minot de seigle & gruaux, vingt-deux grands pains bis appelés brode, de quatre livres & demie en pâte, pour revenir à trois livres cuits.

On fit en 1477, un pareil essai, où tout revint à peu près au même.

Au dernier qui fut fait en 1700, la mine du plus beau blé froment, fut trouvée peser cent dix-huit livres. Etant moulue elle produisit huit boisseaux & demie de farine, pesant ensemble cent seize livres. La farine ayant été blutée, rendit trois boisseaux & un quart de fleur pour le pain le plus blanc. De la seconde farine, deux boisseaux & un quart ; & il resta de son, quatre boisseaux trois quarts. Ce qui fait en tout dix boisseaux & un quart. Ayant été pétrie, & le poids du levain qui y avoit été ajouté ayant été ôté, on en fit,

Pain mollet, quarante, pesant en pâte chacun cinq onces & demie, & ensemble deux cent vingt onces.

Pain à la Reine, six, pesant en pâte chacun cinq onces & demie, & ensemble trente-trois onces.

Pain à la Ségovie, sept, pesant en pâte chacun cinq onces & demie, & ensemble trente-huit onces & demie.

Pain de Chapitre, vingt-six, pesant en pâte chacun six onces & demie, & ensemble cent soixante-neuf onces.

Pain façon de Gonesse, quarante-huit, pesant en pâte chacun six onces & demie, ensemble trois cent douze onces.

Pain bis blanc, soixante-sept, en pâte chacun dix onces, & ensemble six cent soixante-dix onces. Poids total 1442 onces & demie, ou quatre-vingt dix livres, deux onces & demie.

Après la cuisson.  
Le pain molet pesa chacun 4 onces.
Le pain à la Reine chacun 4 onces.
Le pain à la Ségovie chacun 4 onces.
Le pain de Chapitre chacun 5 onces.
Le pain façon de Gonesse chacun 5 onces.
Le Pain bis blanc chacun 8 onces.

Poids total, mille cent cinquante-huit onces, ou soixante-neuf livres, quatorze onces.

Voyez le Traité de la Police de M. De la Mare, Commissaire qui présidoit à cet essai, Liv. V, Tit. XIV, 18.

Il y a plusieurs Îles de l’Amérique où il ne vient point de blé. En France, le blé doit être semé avant l’hiver, c’est-à-dire, le froment & le seigle. Si on le seme après l’hiver, il pousse à l’ordinaire, mais les épis n’ont point de grains, sont vides. Mais si on fauche cette herbe, & qu’on fasse paître les bestiaux comme dans un pré, qu’ensuite on laisse passer l’hiver dessus, l’année suivante elle portera abondamment, & comme si on l’avoit semée tout de nouveau. Cela arriva ainsi en 1709, & 1710, aux portes de Bourges & en d’autres endroits de Berry, & ailleurs encore, où l’on sema des blés au Printemps qui suivit l’hiver de 1709, dont le froid extraordinaire fit périr les blés.

On dit proverbialement, crier famine sur un tas de blé, quand un avare se plaint de la misère du temps,