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CAN

n’a pas les couleurs si vives, ni si belles que le mâle. Ils se nourrissent de racines de plantes aquatiques, de vers, & autres insectes qu’ils rencontrent dans les eaux, ou auprès des eaux. Scaliger écrit qu’ils mangent des animaux venimeux, comme les couleuvres, les crapauds, &c. Il y en a plusieurs espèces dont nous parlerons en leur place. Voyez au mot Cane.

Le canard domestique qu’on nourrit près des moulins est peu estimé, & on l’appelle bartoteur ; parce qu’il trempe toujours son bec dans la bourbe. Les canards sauvages volent en troupe l’hiver sur les étangs, & sentent la poudre de fort loin. On les appelle autrement oiseaux de rivière. La chair des uns & des autres est humide, visqueuse, phlegmatique, excrémenteuse, & on ne la digère pas aisément. La graille de canard ne laisse pas d’être bonne dans la Médecine. Elle amollit, digère & résout. On s’en sert particulièrement pour les douleurs, tant internes qu’externes de côté, des jointures, & dans une intempérie froide de nerfs.

Willougby dit, dans son Ornithologie, que le sang des canards pris tout chaud, combat toute sorte de venin ; peut-être est-ce pour cette raison que Mithridate en faisoit son ragoût, & qu’il le faisoit mêler avec tous les alimens qu’il prenoit. Archigenes, De Comp. Medic. Secund. loc. Lib. 5, cap. 4 compte les canards domestiques entre les viandes qui conviennent le mieux à l’estomac. Caton étoit de même sentiment ; &, si l’on en croit Plutarque, il en faisoit manger à ceux de sa famille qui étoient malades, & il se vantoit que par ce seul régime, il avoit toujours maintenu sa famille, ses domestiques & lui-même en santé.

Les canards sauvages sont beaucoup meilleurs au goût, & plus sains que les domestiques. Il n’y a cependant que l’estomac qui en est bon. On le coupe en petites tranches longues, que quelques uns appellent des aiguillettes. Les Anciens, par un goût fort différent du nôtre, y ajoutoient aussi la tête, comme il paroît dans Martial, Lib. XIII, epigr. 52.

Gesner dit qu’en Allemagne on ne voit aucun canard sauvage qu’en hiver, non plus qu’en France, & qu’au contraire il s’en trouve en Italie pendant toute l’année, principalement dans les Etats de Ferrare, de Venise, de Ravenne & de Mantoue, où il y a beaucoup d’eau. Gesner s’est trompé pour ce qui est de la France. Les rivières, les étangs en sont couverts dans cette saison. Le fait est constant pour plusieurs provinces, comme le Nivernois, le Gâtinois, le Berry, le Maine, &c.

On dit qu’il y en a une prodigieuse quantité à la Chine, & que les habitans ne les tuent & ne les challent point, parce qu’ils mangent toutes les mauvaises herbes des blés & du riz, sans toucher au bon grain. Voyez sur cet oiseau Pline, Liv. XXV. c. 2, Gesner, De Avibus, Lib. III. Aldrov. Ornithol. Liv. XIX, c. 19, & 24, Nonius de re Cibaria, Lib. II, c. 33. Voyez Cane.

Les plumes des canards servent à remplir les lits & les coussins, & sont plus fines & plus douces que celles d’oie.

Il y a une espèce de canard appelé Petit plongeon ou Coltée. Voyez Petit Plongeon.

Canard se dit aussi d’un chien qui a le poil épais & frisé, qui va à l’eau, & qu’on dresse à aller après les canes. Canis villi spissioris ac crispi. On les appelle aussi barbets.

On dit proverbialement, donner des canards à quelqu’un, pour dire, lui en faire accroire, ne lui pas tenir ce qu’on lui avoit promis, tromper son attente. Decipere, illudere aliquem.

On se sert des canards privés qu’on appelle en Normandie traîtres, pour prendre des canards sauvages : & on appelle figurément, canard privé, un homme aposté pour en attirer, pour en attraper d’autres. Acad. Fr,

Bois canard se dit des pièces de bois floté qui, au lieu de floter comme les autres, tombent au fond des ruisseaux. Tignum aquis immersum. Les Marchands ont quarante jours pour faire pécher leurs bois canards.

CANARDER. v. a. Tirer sur quelqu’un un coup d’arme à feu avec avantage d’un lieu où l’on est à couvert, comme par une guérite, derrière une haie, &c. Fœtam glande fistulam in aliquem displodere. Les ennemis nous canardaient à travers ces palissades.

☞ CANARDÉ ÉE. part.

CANARDIERE. s. f. Petit lieu couvert préparé dans un étang, ou marais, où le Chasseur se cache pour tuer beaucoup de canards, par le moyen d’un canard privé & des rets saillans. Tuguriolum ex ramis arboris.

Canardière signifie aussi une guérite ou une autre pièce que l’on construisoit autrefois dans les châteaux, & d’où l’on pouvoit tirer en sûreté.

CANARIE. Canaria. Île d’Afrique dans la mer Atlantique, vis-à-vis le Royaume de Maroc. C’est la principale des Îles qu’on nomme Canaries ; elle est entre celle qu’on nomme Forteventura, & celle de Ténériffe. Elle est ronde, & peut avoir 40 lieues de circuit. Maty.

Canarie. Canaria. La Capitale de l’Île Canarie, s’appelle aussi Canarie, & a donné apparemment son nom à toute l’Île. Elle s’appelle encore par les Espagnols Ciudad de las Palmas, c’est-à-dire, la ville des Palmes. Canarie est située sur la côte orientale de l’Île de Canarie. Elle a un Parlement, ou Audience de toutes les Canaries, & un Evêché fondé en 1485, & suffragant de Séville. Maty.

Canaries. Canariæ, Fortunatæ insulæ. Ce sont des Îles fameuses dans l’Antiquité sous le nom d’Îles fortunées. Elles sont dans l’Océan Atlantique, vis-à-vis la côte du Bilédulgerid, entre les 26e & 28e degrés 30 min. de latitude Nord ; & entre les premier & 7e de longitude. Les Anciens n’étoient point d’accord sur le nombre de ces Îles, comme l’a remarqué Vossius dans sa 3e note sur le ch. 10e du IIIe Livre de Mela. Il y en a sept principales, dont cinq se suivent en cet ordre du Levant au Couchant ; Forteventura, Canarie, Ténériffe, l’Île de Gomer, & celle de Fer, au nord de laquelle est celle de Palme. L’Île Lancelotte est au nord de la Forteventura. Les Canaries furent découvertes environ l’an 1342. L’air des Canaries, quoique très-chaud, est fort sain, & le terroir très-fertile, sur-tout en sucre & en vins que nous nommons vins de Canarie.

Il semble que nous fassions aussi ce nom adjectif : car nous disons les Canaries, & les Îles Canaries ; nous dirions des Canaries s’il étoit substantif, comme nous disons l’Île de Sicile, de Malte, de la Grande Bretagne, de Sardaigne, &c. non pas l’Île Sicile, l’Île Malte, &c. Les Îles Canaries sont très-peuplées, tant de naturels du pays que d’Espagnols qui en sont les maêtres. Les richesses de l’île de Ténériffe la rendent la plus considérable de toutes les îles Canaries, Lettr. Edif. Rec. XI. p. 94.

On met encore au nombre des Canaries quelques petites Îles désertes qui sont au nord de la Lancelotte, & les Salvajes, qu’on peut appeler les Petites Canaries.

M. Corneille écrit que l’on dit que ces Îles ont été nommées Canaries par les Espagnols, à cause de l’île de Canarie, la plus considérable de toutes, dans laquelle ils trouvèrent quantité de chiens, lorsqu’ils en firent la première découverte, Can, en Espagnol, voulant dire un chien. Mais ajoute-t-il, cela n’est pas vrai, puisque le nom de Canarie étoit connu fort long tems auparavant. En effet, Pline, Liv, ch. 32, d’après Juba, dit que l’une des Îles fortunées s’appelle Canarie, Canaria, à cause de la quantité de chiens d’une grandeur extraordinaire que l’on y trouve, & dont deux avoient été amenés à Juba ; ce qui ne laisse pas d’avoir sa dif-