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CAN

coursier, un canon de 33 à 34 livres de balle, qui est logé sur l’avant de la galère ; pour tirer par-dessus l’éperon. La charge de poudre d’un canon, est environ la moitié du poids de son boulet. Il faut rafraîchir le canon après une trentaine de décharges, avec deux pintes de vinaigre qu’on mêle avec quatre pintes d’eau, & qu’on met dans l’ame du canon, après avoir bien bouché la lumière. Sans cette précaution, le canon seroit en danger de se crever, ou de s’éventer. Les pièces qu’on appelle de la nouvelle invention, ou à l’Espagnole, ont une concavité, ou chambre au fond de l’ame, qui fait qu’elles poussent plus loin le boulet, & avec moins de poudre que les autres ; elles font aussi plus courtes. Il y a des pièces de canons qu’on appelle folles, parce qu’elles n’ont pas l’ame bien droite, ce qui est cause que le boulet ne va jamais droit où l’on vise. C’est la faute du Fondeur. Il y a des pièces absolument tortues. Tous les Politiques de l’une & de l’autre Religion, conseilloient à Henri le Grand de ne plus différer à se faire Catholique. Ils lui disoient que de tous les canons, le canon de la Messe étoit le meilleur pour réduire les villes de son Royaume : ils le supplioient de s’en vouloir servir ; & à leurs prières ils ajoutoient des menaces de l’abandonner, & de se retirer chez eux, parce qu’ils étoient ennuyés de se consumer à son service. Péréfix. Un brave homme qui a de l’expérience, dit que le canon est la plus épouvantable machine que la rage des hommes ait pu inventer pour s’entre-détruire, & n’en va pas moins droit où il doit aller. Bussy.

Les canons des vaisseaux sont montés sur des affûts semblables aux affûts des mortiers ; ils sont aussi plus pesans de métal que les canons dont on se sert sur terre parce qu’on les charge quelquefois de boulets à deux têtes. Il y a sept différens calibres pour les canons des vaisseaux de France, savoir, 36 livres de balle, ou 24, ou 18, ou 12, ou 8, ou 6, ou 4, quand les canons sont de fonte ; mais quand ils sont de fer, le calibre n’est que depuis 18 livres de boulet jusqu’à quatre. Suivant l’Ordonnance de 1689, il n’y a que le vaisseau Amiral, & le Vice-Amiral, ceux du premier rang, & ceux du second & du troisième, quand ils sont commandés par l’Amiral, & le Vice-Amiral, ou un Lieutenant Général, qui aient tous les canons de fonte sans aucun mélange de canons de fer. Toutes les pièces de canons dont on se sert en France sur mer, sont ou renforcées, ou légitimes, ou moindres : les renforcées sont celles qui ont à la culasse plus d’un calibre d’épaisseur ; les légitimes sont celles qui ont trois parties égales de diamètre ; les moindres sont celles qui n’ont pas le diamètre de l’ame, ou bien le calibre proportionné à l’épaisseur du métal.

Il y a dans l’Artillerie trois genres de canons, savoir, le canon entier, que l’on nomme canon royal & canon de batterie. Il est fort bon de 1000 à 1200 pieds de distance. Les canons du second genre se peuvent mêler avec les batteries ; mais leur vraie fin est pour ruiner de loin les défenses, battant de 12 à 1500 pieds les Cavaliers & parapets ; & avec le ¼ & le ⅛ de canon, on défend la fortification, battant de loin les approches, les batteries, plates-formes & redoutes de, l’ennemi. Le troisième genre est le plus propre pour les batailles rangées, c’est pourquoi on les appelle pièces de campagne. Elles sont très-propres pour défendre la fortification, & particulièrement contre les approches des ennemis. À ce troisième genre l’on peut aussi rapporter les pièces de Cavalot. Voyez Cavalot.

Le premier genre de canon tiré de 800 à 1100 pieds, perce en terre nouvellement remuée ou sable reposé, entre 18 & 22 pieds ; en terre ferme, grasse & rassise, de 10 à 14 pieds ; en argile battue & serrée, entre 9 & 12 pieds ; en terre à potier ou couroy affermie & séche, entre 7 & 10 pieds ; dans les murailles créteuses ou de brique nouvellement cuite, murailles de tuffe, de tirasse de plâtre, de pierre de ponce, la balle y entre de 4 à 6 pieds, & le plus souvent elle ressort toute entière 80 ou 100 pieds en arrière. Dans les murailles de pierre de marbre bâtard ou de chaux, comme pierres de Namur & autres plus dures, comme carreaux de grais ou pierres fermes tenant du caillou, ou bien jaspe, la balle perce entre 3 & 4 pieds seulement, mais elle poudroie & concasse la muraille environ la longueur de trois de ses diamètres tout à l’entour au coup ; & en telles pierres dures la balle s’éclate, si ce n’est que le fer fut extrêmement bon, alors la balle s’aplatit d’un côté comme un pain. De la Fontaine.

De toutes les différentes espèces de canons, le canon royal est celui qui tient le premier lieu. Il porte un boulet de 48 livres pésant, avec 24 livres de poudre commune. Le canon de batterie porte 33 livres de balle, au plus. Le demi-canon ou coulevrine porte 24 livres de balle ; la bâtarde porte 36 livres, la moyenne 24 ; le faucon 10 livres ; le fauconneau 5 liv. Il y a encore d’autres pièces qui ne sont pas en usage, comme le dragon, le basilic, la sirène, &c. Idem. Le même Auteur varie ensuite sur ces noms, & dit : le gros canon entier, 48 livres de balle ; le canon de batterie, dit canon royal, 33 livres de balle ; le demi-canon 24 liv. de balle, la coulevrine de France 18 à 20 livres de balle ; un quart de canon de 12 liv. de balle ; ⅛ de canon 6 livres de balle ; de canon ou fauconneau de France 3 liv. de canon ou robin de France 1 livre ½. Un canon ordinaire revient à deux mille écus, sans affutt, & à 6660 liv. avec l’affut. M. Pelisson, Lett. Histor.

L’Abbé de Choisy dit avoir vu à Siam un canon long de 52 pieds & de 180 de bale, qui porte de but en blanc jusqu’à sept lieues.

Les premiers canons étoient une tôle de fer, pilée, cerclée & reliée de fer, dont la forme conique s’évasoit depuis la culasse jusqu’à la bouche. À la Chine les canons étoient autrefois de bois, & même de deux pièces, qu’on unissoit avec des liens de fer.

Ce mot vient de Canone, Italien, augmentatif de canna, à cause que le canon est long, droit & creux comme une canne. Ménage.

Canon, se dit aussi de l’artillerie en général. On a pris le canon & le bagage des ennemis. On dit qu’une place ne s’est rendue qu’à la vue du canon, qu’elle a attendu le canon, qu’elle a souffert le canon, selon la résistance qu’elle a faite : & on dit figurément, quand une chose est difficile à obtenir, qu’on ne l’aura qu’avec le canon. On dit une lumière de canon. Foramen per quod ignis à tergo immittitur. Canon. L’ame du canon. Tormenti cavum, canalis. Un canon renforcé sur la culasse. Postica & extrema tormenti pars. L’embrasure du canon. Apertæ tormentis displodendis fenestrœ. Un affut de canon. Lignea compages tormentum sustinens. Pointer le canon. Tormentum aliquo dirigere. Plonger le canon, le tirer en bas. Tormentum è superiori parte in inferiorem displodere. Enclouer, démonter le canon. Tormentum æneun clavo obstruere. Une volée de canon. Tormenti emissio. Le canon de cette batterie étoit bien servi.

Isaac Vossius dit que la langueur d’un canon ne doit pas être de plus de 13 pieds, & qu’une plus grande longueur empêche l’effet du canon, non pas à cause que le boulet est poussé hors du canon, avant que toute la poudre soit enflammée, comme quelques-uns croient, mais parce que le boulet est repoussé en dedans du canon par l’air qui y rentre avec impétuosité, lorsque la flamme est éteinte. Pendant les siéges de Rose & de Gironne en 1694, on entendoit très-distinctement de Rieux le canon qui se tiroit contre ces places ; en sorte que le Jour & l’heure qu’on cessa de l’entendre, fut, comme on l’apprit ensuite, celui qu’elles se rendirent l’une & l’autre. D’où il s’ensuit qu’on entend le canon de 40 lieues loin, au travers même des montagnes : car il y a 40 lieues de Rieux à Gironne, & les Pyré-