Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
CHA

au peuple à supporter les charges de l’Etat. Durant la guerre on est obligé de mettre de nouvelles charges, de nouvelles impositions. Les propriétaires des maisons sont obligés aux charges de ville, qui sont boues, lanternes, pauvres, logemens de soldats, fortifications, &c.

Charge, signifie encore ☞ figurement en matière criminelle, les preuves, les indices qui résultent des informations & autres pièces du procès contre un accusé. Dans ce sens il est employé au pluriel. Examiner les charges. On a porté les charges & informations au Greffe, c’est-à-dire, les actes qui contiennent la plainte de la partie, & les dépositions des témoins. On dit qu’un accusé prend droit par les charges, lorsqu’il est sur de son innocence ; qu’il n’y a point de preuve contre lui ; & qu’il s’en rapporte au dire des témoins, qu’il n’est point besoin de lui confronter. L’Ordonnance veut qu’on entende les témoins à charge & décharge, pour être contre l’accusé.

Charge, signifie souvent une dignité, un office qui donne pouvoir & autorité à quelqu’un sur un autre. Munus, dignitas, magistratus. Il y a des charges seulement utiles par les revenus, les émolumens qui y sont attachés ; & d’autres qui sont honorables par les fonctions & par le rang qu’elles donnent. Les charges de Chancelier, de Premier Président, sont les premières charges du Royaume. Il y a quatre principales sortes de charges : celles de la Maison du Roi ou des Princes, comme Grand Chambellan, Grand-Maître de la Garderobe, des Cérémonies : celles de l’armée, comme de Maréchal de Camp, Mestre de Camp, de Capitaine, d’Enseigne : celles de Robe, ou de judicature, comme de Conseiller, de Greffier : & celles de Finances, comme Intendant, Contrôleur, Trésorier, Receveur, & Payeur. On dit qu’un homme est en charge, pour signifier qu’il exerce une charge qu’il en fait actuellement les fonctions. Magistratum, munus exercere : qu’il est hors de charge, quand le temps de son exercice est expiré ; & cela se dit particulièrement des magistratures & des dignités électives, & non perpétuelles. Defunctus magistratu. On dit, exercer une charge en titre, quand on en a les provisions ; Exercere magistratum cum jure obtentisque ad eam rem tabulis, & par commission, lorsque la charge n’a point de titulaire, ou qu’il est interdit ou absent. Cum delegatâ potestate aliquo munere defungi, ou absentis aut mortui partes implere. On dit, être pourvu d’une charge en survivance, quand on a droit de l’exercer après la mort ou en l’absence du titulaire. Designari successorem alteris muneris. Il y a aussi des charges municipales, ou des charges de ville qu’on obtient par élection ; & des charges de Communautés.

La vénalité des charges, qui se pratique en France n’a été en usage dans aucune République, & ne trouve point d’exemple ailleurs. Il semble que les charges doivent être la récompense du mérite, & qu’on les doit proposer comme un prix qui serve d’aiguillon à la vertu, & qui anime au travail. On hasarde à remplir les charges de personnes incapables, en n’y admettant que ceux qui ont de quoi les acheter. C’est, disoit un Ancien, comme si dans un vaisseau on faisoit quelqu’un Pilote pour son argent.

L’argent seul au Palais peut faire un Magistrat. Boil.

Dans le temps de la République Romaine les charges étoient conférées par l’élection du peuple. Les Empereurs s’étant emparés du droit du peuple, nommoient seulement les Grands Officiers ; & ces Grands Officiers nommoient les Officiers inférieurs, qui dépendoient de leurs charges. Le même ordre fut observé en France. Le Roi par l’avis de son Conseil nommoit les premiers Officiers de la Chambre des Comptes & des Finances. Les Baillifs & les Sénéchaux étoient aussi pourvus directement par le Roi. Mais les Officiers inférieurs étoient choisis par les Comtes ou par les Ducs, & par les Officiers supérieurs. Jusqu’à François I, le Chancelier avoit droit de pourvoir à toutes les charges sans gages, ou dont les gages n’excédoient point vingt-cinq livres. Par une Ordonnance de Charles VI de l’an 1440, il y fut réglé que les Officiers du Parlement & autres de Justice, seroient nommés par le Parlement même, en présence du Chancelier ; & ceux des Finances par la Chambre des Comptes. Pendant que les Anglois occupoient la France, ils introduisirent la collation, la nommination arbitraire du Roi. Après qu’ils furent expulsés, l’on inventa sous Charles VIII un expédient entre la nommination absolue du Roi & l’élection ; c’est que le Parlement & la Chambre des Comptes nommeroient trois personnes, & que le Roi choisiroit celui qu’il lui plairoit de préférer. Ce partage équitable entre le Roi & les Sujets, a subsisté jusqu’à la vénalité des charges. Elle commença du temps de Louis XI, par le besoin d’aquitter les dettes de Charles VIII, son prédécesseur.

Au XIVe siècle, toutes les Charges de Judicature étoient censées vacantes par la mort du Roi. Louis XI, pour se concilier l’amitié des Officiers du Royaume, fit en leur faveur une Ordonnance, par laquelle il leur assuroit leurs Charges pour toute leur vie, déclarant qu’elles ne seroient jamais vacantes que par leur mort, ou en cas de forfaiture, ou par leur démission volontaire. P. Daniel, T. II, p. 1455. Louis XII rendit vénales les Charges qu’on appeloit Offices Royaux, qui n’étoient point de judicature. Id. T. II, p. 1671 & 1672. Ce fut en 1515, à l’occasion de la guerre d’Italie, que François I entreprenoit, que les Charges de judicature commencèrent à devenir vénales en France. A la vérité Louis XII, pressé par la nécessité de l’Etat, avoit déjà vendu quelques Offices ; mais c’étoit dans le dessein de remettre les choses sur l’ancien pié, dès qu’il auroit la paix ; & il avoit excepté de ce nombre les Magistratures de Justice : le Chancelier Duprat fut auteur de cette innovation. Voyez le P. Daniel dans François I, Tom. III, p. 8.

Je pourrois vous faire voir S. Augustin dans une sainte horreur des Charges, & regardant comme un fardeau redoutable ces dignités qu’on recherche avec une ambition séculière. Flech. Une téméraire jeunesse se jette d’ordinaire sans étude & sans connoissances dans les Charges de la Robe. Id. La principale chose qui soutient les hommes dans les grandes Charges, d’ailleurs si pénibles, c’est qu’ils sont sans cesse détournés de penser à eux. Pasc. Combien d’ames oisives qui n’apportent d’autres préparations à leurs Charges, que celle de les avoir desirées, pour satisfaire leur orgueil & honorer leur paresse ? Flec.

☞ Quoiqu’on donne indistinctement le nom de Charges à toutes sortes d’Offices, parce qu’en effet tout Office est une Charge, il ne faut pourtant pas confondre ces mots.

Charge est un nom général qui comprend d’autres emplois distingués des Offices, en ce qu’on les exerce sans provisions, & seulement pour un temps : au lieu que pour les Offices, il faut des lettres du Prince qui en assurent le titre aux Officiers pendant leur vie.

☞ Ainsi les Charges des Parlemens & des autres Compagnies supérieures, celles des Présidiaux, Bailliages & Sénéchaussées, sont des Offices ; au lieu que les Charges Municipales, comme d’Echevins, de Consuls, &c. ne sont pas des Offices, parce que ceux qui y sont appelés ne les exercent que pour un temps, & sans autre titre que celui de leur élection.

☞ Les Commissions que le Roi donne sont une autre espèce de charges : quoiqu’on ne leur en donne pas le nom, elles en ont en effet le caractère, qui est de revêtir d’un emploi public. Les Am-