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CON

publique son ancienne liberté. On conspiroit souvent contre les Empereurs Romains.

Du rang que vous tenez, confus, désespéré,
Pour vous en dépouiller j’ai cent fois conspiré.

☞ On dit activement conspirer la perte, la mort de quelqu’un. Il semble qu’ils aient conspiré la ruine de l’Etat.

☞ Ce verbe employé absolument se prend toujours dans un sens odieux pour désigner un complot formé contre le Souverain, contre l’État, contre les personnes publiques. On fut averti que l’on conspiroit dans telle ville, dans telle province.

☞ On le dit neutralement dans un sens figuré des choses qui concourent, qui contribuent au même effet. Tous les événemens semblent conspirer à la gloire du Souverain, au bonheur de l’État.

Jettez les yeux sur cette Province, que la guerre & la sécheresse ont désolée, en sorte que le ciel & la terre semblent avoir conspiré sa ruine. Fléch. C’est à la Cour que les passions s’excitent, & conspirent toutes contre l’innocence. Id. Toutes choses conspiroient à la fortune du Cardinal de Richelieu ; tout conspiroit à son avancement. Les vœux du peuple conspirent à la gloire de leur Prince.

Je vois que la sagesse elle-même t’inspire :
Avec mes volontés ton sentiment conspire. Racine.

Tout conspire, Madame, à mon contentement. Mol.

Conspiré, ée. part.

CONSPUER, v. a. cracher sur quelqu’un. Conspuere, spuere in aliquem. Et au figuré mépriser quelqu’un d’une façon marquée. Il n’est d’usage que dans le style burlesque.

CONSPUÉ, ÉE. adj. & part. Couvert de crachats, sifflé, méprisé, mocqué. Pour consoler le Poète conspué du mauvais accueil du Parterre, il lui donne deux mille écus de pension, & lui en passe le contrat chez un Notaire. Observ. sur les Ecrits mod. Il est à propos de remarquer que ce mot n’est point de l’Auteur de Gil-Blas, quoiqu’il se trouve dans l’extrait qu’on donne ici du IVe Tome. Il faut dire aussi, pour la justification de l’Auteur des Observations, qu’il l’a mis en italique. Au reste, il n’est pas du bel usage, & ne peut passer que dans le style familier.

Et tout leur saoul l’ayant berné, hué,
Croquignolé, soufleté, conspué. R.

CONSTABLE. s. m. Nom d’homme. Constabilis. S. Constable, Abbé de Cave, près de Salerne, mourut l’an 1124.

CONSTAMMENT. adv. d’une manière certaine & indubitable. Certissimè, indubitanter, haud dubiè. Il est constamment vrai que le tout est plus grand que sa partie.

Constamment, signifie aussi, d’une manière uniforme, invariable, toujours égale, & qui ne change point. Constanter. Le soleil achève son cours constamment en 365 jours.

C’est aux gens mal tournés, c’est aux Amans vulgaires,
A brûler constamment pour des beautés sévères. Mol.

Il signifie aussi, avec fermeté. Les Martyrs ont enduré constamment les cruautés des Tyrans.

CONSTANCE. s. f. qualité, force de l’ame que les circonstances ne font point changer de disposition. Voyez Fermeté.

M. de La Chambre dit que la constance est une passion simple, qu’il définit un mouvement de l’appétit, par lequel l’ame s’affermit, & se roidit pour résister aux maux qui l’attaquent. Constantia, animi firmitas. La constance des Stoïciens les empêchoit d’avouer que la douleur fût un mal. Un coup si capable d’abattre les plus grands courages, n’ébranla point sa constance. P. d’Orl. Il y a plus de constance à user sa chaîne, qu’à la rompre. Mont. Possidonius, que Cicéron appelle le plus grand des Stoïciens, souffrit aussi impatiemment qu’un homme du Vulgaire, & la goutte fut l’écueil de sa constance. S. Evr. Le mépris de la mort dans Pétrone n’étoit point la constance forcée de Sénèque, qui a besoin de s’animer par le souvenir de ses préceptes. S. Evr. La constance de ces illustres Payens qui sembloient mépriser la mort, venoit non d’une force vertueuse, mais d’un stratagême de l’amour propre, qui occupoit leur esprit de toute autre chose.

Redoublez vos efforts ; le temps, votre constance
De vos profonds ennuis vaincront la violence.

Les anciens avoient fait de la constance une Divinité qu’ils représentoient sur leurs médailles sous la figure d’une femme en habit militaire, le casque en tête, une pique à la main gauche, & portant la droite jusqu’à la hauteur du visage, en élevant un doigt, ou bien elle tient la pique de la main droite, & une corne d’abondance de la gauche.

Constance signifie, persévérance dans le bien, dans quelque attachement, dans l’exécution d’un dessein ou d’une résolution. Ce n’est pas assez que d’entreprendre de grands desseins, il les faut poursuivre avec constance ; & ne se point rebuter par les premiers revers. Cette femme n’a pas accoutumé de lasser la constance de ses Amans, ni de les faire mourir de désespoir. Balz. L’attachement à la Religion qui prend le nom honorable de constance pour la bonne cause dans un parti, s’appelle opiniâtreté dans le mauvais parti. Vous avez éprouvé ma constance par vos rigueurs, & vous m’avez fait faire mes preuves de fidélité. B. Rab.

La constance, & la foi, ne sont que de vains noms
Dont les laides, & les barbons,
Tâchent d’embarrasser la jeunesse crédule. Des-Houl.

La constance est une chimère
Qui ne fait qu’amortir les plus ardens désirs. Vill.

☞ La constance, dit M, l’Abbé Girard, empêche de changer, & fournir au cœur des ressources contre le dégoût & l’ennui d’un même objet : elle tient de la persévérance & fait briller l’attachement.

☞ La stabilité empêche de varier, & soûtient le cœur contre les mouvemens de légèreté & de curiosité, que la diversité des objets pourroit y produire : elle tient de la préférence & justifie le choix.

☞ La fermeté empêche de céder, & donne au Cœur des forces contre les attaques qu’on lui porte : elle tient de la résistance, & répand un éclat de victoire.

☞ Les petits maîtres se piquent aujourd’hui d’être volages, bien loin de se piquer de stabilité dans leurs engagemens. Si ceux des femmes ne durent pas éternellement, c’est moins par défaut de constance pour ce qu’elles aiment, que par défaut de fermeté contre ceux qui veulent s’en faire aimer.

Constance est aussi un nom propre de femme, que plusieurs Princesses ont porté, non-seulement de la famille de Constantin, mais en France & en Espagne. Constantia. On retient aussi souvent le mot latin Constantia. L’Impératice Constantia étoit femme de Licinius, & sœur de Constantin,