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les Perses, & qu’il n’y a rien dans le monde de plus vîte que ces sortes de Messagers. Il ne paroît pas cependant qu’ils courussent, car ils ne changeoient de cheval qu’au bout du jour. Cyrus, dit Xénophon, examina ce qu’un cheval pouvoit faire de chemin par jour ; & à chaque journée de cheval il fit bâtir des écuries, y mit des chevaux & des gens pour en avoir soin. Il y avoit aussi dans chacune de ces postes un homme qui, quand il arrivoit un courier, prenoit le paquet qu’il apportoit, montoit sur un cheval frais, & tandis que le premier se reposoit avec son cheval, il alloit porter les dépêches à une journée de là, où il trouvoit un nouveau cavalier qu’il en chargeoit, & ainsi de même jusqu’à la Cour. Hérodote dit précisément la même chose des Perses en général ; ainsi c’étaient plutôt des messagers que des couriers. Les Perses appeloient cette sorte de course Ἀγγαρήιον, Angareium, peut-être de כגר qui en Hébreu signifie diffluxit, diffudit, effudit se. Ces couriers alloient jour & nuit.

Il n’est pas sûr que les Grecs ni les Romains, avant Auguste, aient eu de ces sortes de postes réglées ; mais il est sûr qu’ils ont quelquefois couru en changeant ainsi de chevaux ; témoin Gracchus, dont parle Tite-Live, L. XXXVII, c. 7, & Vibullius, dont parle César, De Bello Civili, L. III, c. 11. Auguste fut le premier qui établit des postes réglées ; mais on couroit en char. On courut ensuite à cheval, comme il paroît par Socrate, L. VIII. de son Hist. Eccl. c. 19. Il y avoit des chevaux publics entretenus pour cela : & il parle d’un courier nommé Palladius sous Théodose, qui alloit de Constantinople aux confins de la Perse en trois jours, & revenoit de même. C’étoit faire environ 60 lieues par jour. Je ne trouve point en quel temps ces couriers à cheval commencèrent dans l’Empire Romain.

Les couriers des Turcs changent aussi de monture, mais en prenant le cheval frais du premier qu’ils trouvent en chemin, & le contraignant de prendre à la place le leur qui est recru. Chalcond. L. IX, c. 14.

Au lieu de couriers, on s’est servi & on se sert encore de certains animaux pour porter des nouvelles. Un Roi d’Egypte avoit, dit-on, une corneille dressée à porter ses lettres où il vouloit. En Orient, à Tyr, à Alep, on se sert de pigeons. Voyez le voyage du P. d’Avril, & ci-dessus au mot Alexandrette. D’autres se sont servis d’un chien, d’autres d’hirondelles. Voyez Pline, L. X, c. 24, 33 & 55, & Osorius, Hist. Lusit. L. III.

Courier, Cursor, se trouve aussi quelquefois dans le moyen âge pour coureur, gens que l’on envoie devant loi pour découvrir les chemins, ou examiner s’ils sont sûrs, & quelquefois pour un laquais, un valet de pié. Voyez le Glossaire de Cédrenus par Fabrot, au mot Κούρσωρες.

Courier s’est aussi dit autrefois pour Cellérier, dit de S. Julien, dans son Origine des Bourguignons, apparemment parce que son devoir étoit de courir & aller çà & là pour les affaires temporelles, tandis que les autres étoient tranquilles à l’office.

Courier étoit aussi une charge dans la maison des Prélats séculiers, & cette charge étoit considérable, comme on en peut juger par la qualité de ceux qui la possédoient. Correarius, Conrearius, Courrerius. Gui de Rossillon étoit le courier de la ville de Vienne l’an & 1337 ; & l’Archevêque Bertrand de la Chapelle ayant interdit Sibond de Clermont de l’Office de Mistral, il commit pour en faire les fonctions le même Gui de Rossillon. Jean Feucherand l’étoit l’an 1382, & Pierre de Bufferent l’an 1385. Les fonctions du courier étoient de tenir la main à l’exécution des ordres & des réglemens de l’Archevêque. Le courier avoit beaucoup de part au gouvernement, car il tenoit lieu de Bailly pour l’Archevêque, & dans une transaction faite entre Bertrand, Archevêque d’Embrun, & Gui XIII, Dauphin, le courier de l’Archevêque est opposé au Bailly du Dauphin, nommé le premier, & appelé Juge comme lui. Dans un Registre des Archives de la ville de Vienne, le courier est appelé Vicegérent, Correarius, seu Vicegerens. Le courier en effet étoit Lieutenant de l’Archevêque au temporel de l’Archevêché. La qualité en est donnée dans un Registre à Antoine, Seigneur de Grollée, qui est appelé Noble & puissant homme. Nobilis & potens vir Dominus Antonius à Groloa, Miles, Correarius Viennæ, locum tenens Domini Archiepiscopi in temporalibus. Les Princes laïcs avoient aussi leur courier. Guyonnet de Tochelon étoit courier de la Cour temporelle de Vienne l’an 1516 pour l’Archevêque, & Renaud de Morel pour le Dauphin. Enfin cette charge, quoique divisée, a duré avec honneur jusqu’au XVIe siècle ; car l’an 1510, Pierre de Martel, Gentilhomme d’ancienne noblesse, l’exerçoit encore dans Vienne. Il est vrai qu’insensiblement ce qu’elle avoit d’éclat s’est éteint après lui. Chorier, Hist. du Dauph. L. XI, p. 864.

En un mot courier est le nom que l’on a donné aux Procureurs ou Intendans des Evêques, Abbés, Prieurs & Communautés Ecclésiastiques. Il est encore en usage dans ce sens à la Grande-Chartreuse, où celui qu’on nomme le courier est proprement le Procureur de la Maison. Valbonnet, Mem. pour l’Hist. du Dauphiné, Disc. V, c. 4.

Il y a lieu de croire que l’Officier de l’Evêque nommé Conrearius, sive Courrerius, n’est point différent de celui qui se présente en plusieurs endroits du Consulaire de l’Église de Grenoble, sous le nom de Procurator Episcopi. Id.

Le Courier étoit le second Magistrat de la ville de Vienne ; l’Official en étoit le premier : celui-ci avoit la connoissance des matières qui appartenoient à la Juridiction Ecclésiastique ; & le courier exerçoit la Juridiction purement laïque & temporelle. Tous deux étoient établis par l’Archevêque, & leur autorité étoit une émanation de la sienne. Id, Tom. II, p. 208.

L’emploi de cet Officier ne se bornoit pas à veiller aux intérêts de ceux qui l’avoient commis, il faisoit quelquefois les fonctions de Juge, ou même celles de Procureur Fiscal. Valbonnet, ibid.

M. le Président Valbonnet, à l’endroit cité, écrit que c’étoit en qualité d’Abbé de S. Bernard de Romans, que l’Archevêque de Vienne avoit un Courier qui exerçoit sa Juridiction dans la ville ; que ses fonctions étoient fort limitées, & ne consistoient presque qu’à tenir la main à l’exécution des Jugemens, & à la punition des criminels après leur condamnation ; à quoi se rapportent assez celles de Vicegérent, ou de Lieutenant de l’Archevêque pour le temporel ; qui étoient des titres que le courier mettoit quelquefois dans ses qualités, comme on l’a vû ci-dessus. Dans le procès que l’Archevêque de Vienne eut à la Cour du Pape en 1339 contre le Dauphin Humbert, il prétend que ce sont encore des droits de son courier, d’informer de toutes sortes de crimes, & de faire mettre les criminels dans ses prisons, d’établir des gardes pour la sûreté de la ville, & d’avoir inspection sur tout ce qui regardoit la Police.

Le courier de l’Evêque de Grenoble avoit une autre prérogative. Il pouvoit convoquer l’arrière ban & les milices, & faire mettre les habitans de la ville sous les armes au nom de l’Evêque, comme il paroit par une assignation donnée au crieur public en 1337. Valbon.

Il y avoit aussi un courier entre les Officiers de Justice de l’Archevêque & du Chapitre de Lyon, & cette charge y étoit aussi considérable, puisque l’on ne trouve que des Gentilshommes qui l’aient exercée. Ils avoient aussi leurs couriers dans leurs principales terres. Ces couriers avoient leurs Lieutenans. Cet office étoit annuel. Voyez le P. Ménestrier, Hist. de Lyon, p. 339 & suiv.