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DÉCOCTION. s. f. Breuvage médicinal, fait d’une ou de plusieurs plantes ou autres drogues que l’on fait bouillir ensemble pour en tirer le jus. Decoctum, decoctura. Les potions, les teintures, les apozèmes, &c. sont des décoctions.

☞ On appelle aussi décoction, l’eau dans laquelle on fait bouillir les herbes, les racines, les fleurs, &c. pour servir à divers usages. Faire infuser du senné dans une décoction de chicorée : faire une décoction pour un lavement.

DÉCOËFFER ou DÉCOIFFER, v. a. Oter la coëffure. Une femme de chambre décoëffe sa maîtresse. Capitis tegmen tollere. Cette femme est décoëffée, elle ne veut parler à personne.

Décoëffer signifie souvent déranger la coëffure, mettre les cheveux en désordre. Perturbare capillos mulieris. Le vent l’a toute décoëffée.

☞ On dit, en parlant de deux femmes qui se prennent aux cheveux en se querellant, qu’elles se sont décoëffées l’une l’autre.

☞ On a dit autrefois, en parlant des hommes, se décoëffer, pour dire ôter son chapeau pour saluer.

Se Décoëffer ou décoiffer. Outre le sens propre qui signifie, ôter sa coëffe ou sa coëffure, ôter son chapeau, il se dit figurément pour, Se détacher de quelqu’un, se défaire de la passion qu’on avoit pour lui, des liaisons qu’on avoit avec lui. Abjicere, nuncium remittere. Se décoëffer de quelqu’un, se déprendre. Il est du style familier.

Je ne m’en peux décoëffer,
Je pense que c’est un enfer,
Dont jamais je ne sortirai. Marot.

On dit aussi en débauche, Décoëffer les bouteilles, pour dire, les boire, les vider. Lagenam exsiccare. Proprement décoëffer une bouteille, c’est en ôter le bouchon & la filasse qui l’enveloppe. Resignare.

Décoëffer. Terme d’Artificier, qui signifie, ôter le couvercle qu’on avoit mis sur l’amorce d’un artifice, pour empêcher que le feu ne s’y introduisît trop tôt.

Décoëffé, éer. part.

DÉCOIGNOIR. s. m. Terme d’imprimerie. C’est une pièce de bois faite en forme de coin, qui sert à serrer & desserrer les formes. Cuneus.

DÉCOLLATION. s. f. Action par laquelle on coupe la tête. Ce mot n’est guère en usage que pour exprimer le martyre de St Jean-Baptiste.

☞ On le dit même plus souvent de la fête qu’on célèbre en mémoire de son martyre que du martyre même. Dies sacra quâ capitis B. Joannis-Baptistæ aliscissi memoria recolitur.

☞ On le dit de même des tableaux dans lesquels la tête de S. Jean- Baptiste est représentée séparée du tronc. Tabelli amputatum B. Joannis-Baptistæ caput exhibens, repræsentans.

DÉCOLLEMENT. s. m. Action par laquelle on décolle, ou une chose collée se détache. Reglutinatio. La menuiserie de placage a cela d’incommode, qu’elle est sujette au décollement.

Décollement. Terme de Charpenterie. Entaille pratiquée du côté de l’épaulement, pour dérober la mortoise. Ainsi faire un décollement, un tenon, c’est en couper une partie du côté de l’épaulement, afin qu’étant moins large on ne voie pas la mortoise ; cette mortoise demeurant cachée par l’endroit où l’on a fait le décollement. Tenuatio cardinum a lateribus.

DÉCOLLER, v. a. Couper la tête à quelqu’un par autorité de Justice. Caput amputare, abscindere. On décolle les Gentilshommes qui ont fait des crimes capitaux. Il n’est pas si usité que couper la tête, ou couper le cou.

Mon pere à l’injustice autrefois immolé,
Quoique innocent fut décollé,
Disoit l’autre jour à Lycante,
Ergaste dont le pere avoit été pendu.
Lycante, après l’avoir de sang froid entendu,
Lui répondit, la corde étoit donc bien tranchante. Le Brun.

Décoller, en termes de Jardinage, se dit d’un arbre dont la tige a été séparée du pied à l’endroit où la greffe étoit appliquée, soit par une altération que la sève y auroit causée, en ne trouvant plus de dispositions à monter du sujet dans cette greffe, soit par quelque autre accident. Les Jardiniers disent, cet arbre est décollé. Cette greffe se décolle, c’est-à-dire, se sépare de son sujet. Le vent a décollé toutes les greffes qui avoient poussé avec force, ainsi que les bourgeons des arbres étêtés.

DÉCOLLER, v. a. se dit encore de l’amputation que l’on fait d’une certaine portion d’un tuyau dont on fait une plume à écrire. On taille la pointe de la plume, suivant qu’elle le doit être ; on coupe le petit bout, & ensuite on la décolle, afin que la quantité d’encre que l’on prend soit visible, & qu’on n’y en laisse qu’autant qu’il en faut pour qu’elle ne tombe pas sur le papier.

Ce mot, en ce sens, vient de la préposition de, qui, dans la composition, signifie division, séparation ; & collum, le cou.

Décoller, signifie aussi séparer une chose collée. Deglunitare, reglunitare. L’humidité décolle les images qui sont collées contre les murailles. La menuiserie de placage se décolle à l’humidité & à la chaleur, quand on y approche du feu.

Décoller. Terme de Billard. Il a deux sens : 1o. Il se dit de la bille lorsqu’elle se détache de la bande, qu’elle s’en éloigne. On décolle une bille en la frappant d’une autre. 2o. Il signifie s’éloigner par-dehors de la bande du billard. Les joueurs disent souvent à ceux qui les voient jouer, de décoller, c’est-à-dire, de leur laisser le tour du billard libre. Décollez le billard.

Décollé, ée. part.

Ce mot, au second sens, vient du grec κόλλα, selon Nicod. On a dit aussi en Latin decollatio. Ménage.

☞ DÉCOLLETER, v. a. Découvrir la gorge. Nudare. Il y a des femmes qui aiment à se décolleter.

DÉCOLLETÉ, ée. part. Qui a la gorge ou la poitrine trop découverte. La modestie ne permet pas aux femmes d’être décolletées. Ah ! il y avoit là une immodeste Sabine, décolletée, qui… si ces nudités-là sont scandaleuses pour la jeunesse. Regnard. Retour imprévû, Sc. 17. à la fin.

DÉCOLLEUR. s. m. Nom en usage sur les vaisseaux qui vont à la pêche des morues, pour signifier celui des Matelots dont l’emploi est de couper la tête des morues aussi tôt qu’elles ont été pêchées.

DÉCOLORER, v. a. Faire perdre de la couleur. Decolorare, Colorem alicujus rei eluere, diluere. L’Epouse dit dans le Cantique : Ne prenez pas garde à mon teint ; le soleil m’a décolorée, m’a fait perdre de ma blancheur.

Décoloré, ée. part. Decoloratus, decolor. Qui a perdu sa couleur. Fruit décoloré ; lèvres décolorées ; fleurs décolorées.

DÉCOMBRES. s. m. pl. Pierres, plâtras, gravois qui demeurent après qu’on a fait ou démoli un bâtiment, ou après qu’on a fouillé des terres. On le dit particulièrement des moindres matériaux de la démolition d’un bâtiment, pierres, plâtras, recoupes, &c. qui ne sont de nulle valeur. Rudera. On se sert des décombres pour combler, ou élever un terrein, ou pour affermir les aires des chemins. La police ordonne de les enlever sur le champ pour ne point embarrasser les rues.

☞ On appelle aussi Décombres & vidanges d’un attelier, tous les copeaux & petits bouts de bois qui proviennent de la coupe & du travail des bois.

Décombres signifie aussi ce qu’on tire de dessus une carrière pour trouver la bonne pierre ; & ç’a été la première signification de ce mot.