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d’envie de me conter sa déconvenue. Madame de Sév. Ce mot est encore bon dans le style badin.

DÉCORATEUR. s. m. Homme expérimenté dans le dessein, la Peinture, l’Architecture, la Sculpture, la Perspective, qui invente, ou qui exécute, & dispose des ouvrages d’architecture peinte, comme pour les arcs de triomphe, les fêtes publiques, les décorations pour les balets, Comédies, Canonisations, les Pompes funèbres & autres spectacles. Scenæ instructor. Décorateur de l’Opéra, de la Comédie.

DÉCORATION. s. f. Ornement dans les Eglises & autres lieux publics : ce qui décore un bâtiment, un arc de triomphe, &c. au dehors, au dedans. On le dit principalement des ornemens d’Architecture, de Peinture, de Sculpture. Scenæ apparatio, exornatio, apparatus, choragium. Les ordres d’Architecture contribuent beaucoup à la décoration ; mais il faut que les parties que ces ordres renferment, aient les proportions & les ornemens convenables, sans quoi l’ordre le mieux exécuté apporteroit de la confusion plutôt que de la richesse. Fel. Les Echevins doivent appliquer leurs soins à la décoration de la ville.

On le dit pareillement de la scène des théâtres. Les Opéra, les pièces de machines, doivent changer plusieurs fois de décorations, conformément au sujet. Les Anciens avoient de deux sortes de décorations pour leurs théâtres ; l’une s’appeloit versatilis, tournante ; elle avoit trois faces, qu’on présentoit suivant le besoin les unes après les autres ; l’autre s’appeloit ductilis, coulante ; elle consistoit à faire paroître une nouvelle décoration en tirant ou faisant couler celle qui étoit devant. Cette sorte de décoration de théâtre est en usage aujourd’hui, & apparemment avec plus de succès que chez les Anciens qui étoient obligés de tirer un rideau quand ils faisoient quelque changement de décoration, au lieu que chez nous le changement se fait en un moment, & presque sans qu’on s’en apperçoive.

On appelle décoration de jardin, l’ordonnance de toutes les pièces qui composent la variété d’un Jardin, & en rendent l’aspect agréable.

☞ On peut encore appeler décoration, les ornemens qui contribuent à embellir un jardin, les figures, les vases, les canaux, les cascades, les treillages, &c. Enfin les changemens de scènes occasionnés par les différentes fleurs des trois saisons, du printemps, de l’été & de l’automne appartiennent encore à la décoration des jardins.

Décoration, se dit aussi dans un sens un peu figuré. Apparatus. La dévotion est une bienséance de la vieillesse, ou de la mauvaise fortune, c’est un changement de décoration & de théâtre. De Vill.

Il se dit aussi, par rapport aux personnes, des marques d’honneur & de dignité. Le Roi avant que de l’envoyer en Ambassade, l’a fait Chevalier de l’Ordre, pour lui donner une décoration.

DÉCORDER. v. a. Détortiller une corde, séparer les cordons qui la composent. Funem retexere. On a décordé ce cable.

Décorder les moules, terme de Perruquier. C’est lorsque les cheveux ont été suffisamment cuits dans le four, ôter les ficelles qu’on avoit mises sur les moules pour assujettir les cheveux, & les empêcher de se défriser. Encyc.

Décordé, ée. part. pass. & adj. Retextus.

DÉCORE. s. f. Vieux mot. Illustration, décoration, gloire, honneur. Decus, honor, gloria.

DÉCORER. v. a. Orner. Décorer une ville, un théâtre. Exornare. On le dit pareillement des théâtres, des places & autres lieux publics. On le disoit autrefois des personnes. Cette Dame étoit décorée de toutes sortes de vertus. En ce dernier sens il est hors d’usage.

On le dit encore des personnes en parlant des Titres, des Dignités qu’on leur confère pour les honorer. La Pairie décore bien une maison. Le cordon bleu décore bien un Gentilhomme, Acad. Fr.

Décoré, ée. part.

DÉCORIR. v. n. Vieux mot. Couler. On dit aussi décorer dans le même sens.

DÉCORTICATION. s. f. Terme de pharmacie. C’est l’action d’ôter l’écorce ou la peau d’une racine, d’un fruit, d’une sémence, ou de telle autre chose semblable. Decorticatio. Dict. de James.

☞ DÉCORUM. s. m. Terme latin dans son origine, mais depuis si long-temps naturalisé en France, que nous ne devons plus le regarder comme étranger. C’est une qualité du beau qui paroît en être, surtout dans les mœurs, le charme le plus frappant, c’est-à-dire, la décence qui doit y régner, la convenance, l’accord, l’harmonie, le juste assortiment de tous les traits qui le composent, par rapport aux circonstances des temps, des lieux, des personnes. Ainsi il embrasse toute la vie humaine, toutes les conditions, tous les états, tous les âges, tout ce qui nous convient actuellement, & tout ce qui peut nous convenir dans toutes les autres situations où nous nous trouvons placés.

☞ On confond ordinairement ce qu’on appelle décorum dans les mœurs, avec ce qu’on appelle honnête. Ciceron lui-même avoue que la distinction en est subtile, qu’elle se trouve plutôt dans la pensée que dans la chose même. Decorum cogitatione magis a virtute potest quàm re separari. Mais en approfondissant un peu ces deux idées, on y apperçoit des différences, qui, pour être délicates, n’en sont pas moins réelles.

☞ Nous entendons par l’honnête en morale, une parole ou une action qui est de sa nature conforme à la raison ou à la loi naturelle.

☞ Nous entendons par décorum la convenance de cette parole ou de cette action, à la personne, au temps, au lieu, à toutes les circonstances qui l’accompagnent.

☞ Ainsi par honnête nous entendons proprement quelque chose d’absolu. C’est la substance du beau dans les mœurs, laquelle est toujours la même pour toute sorte de personnes.

☞ Nous entendons au contraire par décorum quelque chose de relatif. C’est un assemblage de bienséances, d’attentions ou d’égards, qui se peuvent diversifier à l’infini, selon les différens rapports que nous pouvons avoir dans la société les uns avec les autres.

☞ Pour nous former de ces deux objets des idées encore plus distinctes, dit le P. André, ou du moins plus sensibles, on peut dire que l’honnête est dans la conduite, comme le dessein dans le tableau ; & le décorum, comme la distribution convenable des couleurs : que l’honnête est dans les mœurs, comme la beauté des tons dans la Musique, & le décorum, comme les accords bien assortis d’une pièce musicale : que l’honnête est dans une action, comme le vrai des pensées dans un discours ; & le décorum, comme la justesse ou l’élégance de l’expression : enfin, que l’honnête est comme le fond ou la matière du beau moral ; & le décorum, comme la forme ou la façon qu’on lui donne pour paroître avec toutes les grâces qui lui conviennent.

☞ Quand on parle ici de bienséances, on n’entend pas ces bienséances arbitraires, dont chaque peuple s’est formé un cérémonial à sa mode, mais ces bienséances essentielles commandées à tous les hommes par la voix de la nature, & dont l’exacte observation fait le plus beau spectacle de la société. Elles donnent de la grâce aux vertus les plus austères : elles rendent vertueuses les actions les plus indifférentes : elles couvrent même en patrie l’horreur des plus vicieuses, en y conservant jusque dans le vice un air de respect pour la vertu. C’est l’application constante à les bien observer dans sa conduite qui fait proprement ce qu’on appelle un honnête homme : c’est au contraire l’ignorance ou le mépris des égards qu’elles nous prescrivent qui nous fait donner un nom bien différent. Nous sommes dans le monde comme sur un théâtre, où le