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bition qui fait les Héros, il y a peu de distance à celui qui fait des Usurpateurs & des Tyrans. P. Dan. Un Ministre d’Etat, pour laisser à ses créatures l’idée de la bassesse d’où il les tire, ne les fait monter que par degrés. S. Evr. Parvenir des emplois les plus bas aux plus élevés, c’est monter par degrés.

Ainsi que la vertu le crime a ses degrés. Racine.

Il faut aller de degré en degré. Gradatim. Pour venir au dernier degré de perfection, au plus haut degré d’honneur, de gloire, de vertu, de réputation. A quel haut degré de perfection l’éloquence de la Chaire n’a-t-elle point été portée de nos jours ? M. Dacier.

Mais dans l’art dangereux de rimer & d’écrire,
Il n’est point de degrés du médiocre au pire. Boil.

Il y a plusieurs degrés de gloire dans le Paradis, plusieurs degrés de peine dans l’Enfer. Le zèle se mesure par les degrés d’empressement que l’on a pour ramener les Hérétiques dans le sein de l’Eglise. On ne demande pas le degré le plus éminent d’évidence pour la révélation. Chacun raisonne selon le degré de compréhension & de capacité qu’il a reçu de Dieu. Id. Les vertus chrétiennes sont autant de degrés pour monter au ciel.

DEGRES MÉTAPHYSIQUES. Terme de Philosophie. On entend par-là les différentes propriétés ou perfections d’une même chose, & on les appelle degrés, parce que l’on monte de la plus simple & la plus générale, à la plus parfaite & la plus composée, qui renferme toutes les précédentes. Par exemple, Etre, substance, vivant, animalité, rationabilité. Gradus Metaphysici. On demande en Philosophie quelle distinction il faut admetre entre les degrés Métaphisiques. Les Scotistes répondent qu’il y a entre ces perfections une distinction formelle. Les Thomistes prétendent qu’elles ne sont distinguées que virtuellement, & les Nominaux qu’elles ne le sont que mentalement & par la raison. Question frivole, abandonnée aujourd’hui aux Irlandois.

On appelle aussi degrés de Jurisdiction, les Tribunaux dont on peut appeler à un autre. Jurisdictionis gradus. Il y a trois degrés de jurisdiction Seigneuriale, la basse, la moyenne & la haute justice. Voyez JUSTICE.

☞ On n’appelle point de la basse justice à la moyenne, on va droit à la haute ; ce qui est une exception de la règle qui veut que tout appel soit porté gradatim, au Juge supérieur non omisso medio.

☞ A l’égard des appellations interjettées des sentences du moyen justicier, elles vont conformément à la règle ordinaire, à la haute justice.

☞ Ainsi pour parvenir au Juge Royal, il ne peut y avoir que deux degrés de jurisdiction au plus.

☞ Il y a aussi trois degrés de jurisdiction Royale : savoir

☞ Celui des Châtelains, Prévôts Royaux ou Viguiers.

☞ Celui des Baillifs, Sénéchaux ou Présidiaux

☞ Et celui des Parlemens qui jugent souverainement & en dernier ressort les appellations desdits Baillifs & Sénéchaux-

☞ Il y a quatre degrés de jurisdiction Ecclésiastique ; celui de l’Evêque, celui de l’Archevêque, celui du Primat & celui du Pape.

☞ Il faut nécessairement passer d’un degré au suivant, gradatim & non omisso medio : de l’Official de l’Evêque à celui de l’Archevêque, de celui-ci au Primat, & du Primat au Pape ; excepté quand l’appel est interjeté comme d’abus : car il arrive directement, & sans moyen, au Parlement. Voy. appel comme d’abus. Il y a encore des cas particuliers où l’on n’est pas obligé de passer par ces quatre degrés de jurisdiction Ecclésiastique, par exemple lorsque les Evêques ou Archevêques sont immédiatement soumis au Pape.

☞ De plus on ne va pas toujours depuis l’Evêque jusqu’au Pape : car, quand il y a trois sentences définitives, qui sont conformes en jurisdiction Ecclésiastique, on n’en peut plus appeler.

Degré, se dit aussi, dans les Universités, des Lettres qu’on donne à quelqu’un pour lui permettre d’enseigner, après qu’il en a été jugé capable, ou plutôt, du pouvoir & du rang qui lui est conféré par ces lettres. Le degré de Maître ès Arts, de Bachelier, de Licentié, ou de Docteur ; ces trois derniers se donnent en Théologie, en Droit Civil & Canon, & en Médecine, qui sont les Facultés supérieures. Pour le degré de Maître ès Arts il faut avoir étudié deux ans en Philosophie. Pour le degré de Bachelier en Droit Civil, ou en Droit Canon, cinq ans. Pour celui de simple Bachelier en Théologie, six ans. Pour le degré de Docteur, ou de Licentié en Droit Civil, en Droit Canon ou en Médecine, sept ans ; & pour le degré de Docteur, ou de Licentié en Théologie, dix ans. Celui qui a acquis l’un de ces degrés doit obtenir des Lettres de l’Université où il les a pris.

☞ On confond assez souvent deux expressions qui signifient pourtant des choses bien différentes, avoir des grades, & avoir des degrés. Avoir des grades, c’est en France, avoir droit à certains Bénéfices en vertu du temps des études faites dans une Université, où l’on a reçu le titre de Maître ès Arts & avoir des degrés, c’est être de plus Bachelier, Licentié, ou Docteur.

Degré, en termes de Jurisprudence, se dit de la distance entre parens, ou des générations suivant lesquelles on compte la proximité, ou l’éloignement des parentés & alliances. Cognationis gradus. Grégoire le Grand fut le premier qui défendit les mariages jusqu’au septième degré. Les Canonistes ont long-temps maintenu cet usage. Le II. Concile de Latran sous Innocent III. a restraint la prohibition des mariages au quatrième degré inclusivement. L’ordonnance a permis les récusations & les évocations jusqu’au quatrième degré de parenté & d’alliance inclusivement, c’est-à-dire, jusqu’aux enfans des cousins issus de germains, & en matière criminelle, jusqu’au cinquième degré. Un père & son fils sont parens au premier degré. On se règle par la supputation Canonique pour les mariages & pour les récusations. Le Droit Civil compte les degrés de parenté autrement que le Droit Canon. Le Droit Civil compte les degrés par le nombre des personnes qui sont sorties d’une même souche, ensorte que chaque personne qui en est issue fait un degré : mais avec cette différence, qu’en ligne directe l’ordre commence par le premier degré, ainsi le père & le fils sont parens au premier degré ; mais en ligne collatérale l’on ne compte point de premier degré. Deux frères ne sont parens qu’au second degré, parce que le père, qui est la tige commune, fait le premier degré. Le Droit Canonique garde la même règle en ligne directe ; mais en ligne collatérale une génération ne fait qu’un degré. C’est le Pape Grégoire le Grand qui commença à compter les degrés autrement que le Droit Civil. Les frères sont au premier degré, & les cousins germains au second ; au lieu que le Droit Civil met les frères au second, & les cousins germains au troisième ; par conséquent deux degrés du Droit Civil n’en font qu’un selon le Droit Canonique. On suppute même entre deux personnes qui ne sont pas dans une égale distance, par celle qui est la plus proche ; comme entre l’oncle & la nièce, quand il s’agit d’un mariage. Ils sont du premier au second degré. Sous le premier degré est compris le second, & le troisième sous le second, ensorte que, ne pouvant épouser la mère, on ne peut épouser la fille. Le premier degré imprimant cette répugnance au second, c’est comme si ces degrés rentroient les uns dans les autres. On dit absolument,