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pourroit les appeler une prose cadencée. Annibal Caro a traduit l’Enéide de Virgile en vers déliés. Il y a encore d’autres vers Italiens qu’on nomme déliés ; mais ils sont astreints à quelque chose de plus difficile que la rime finale ; car au lieu de rimer à la fin, comme c’est l’usage dans les langues vivantes d’Europe, dans ceux-ci la fin d’un vers rime avec le milieu du suivant.

Menando un giorno gli agnl prejjo un fiume,
Vidi un bel lume, in mezzo di quell’onde.
Sannaz.

Il y en a qui appellent ces sortes de vers, vers à rimes enchaînées ; ce nom leur convient mieux que celui de vers déliés. Nous appelons en François ces sortes de vers, vers à rimes bâtelées. En voici un exemple, tiré de Marot.

Quand Neptunus, puissant Dieu de la Mer,
Cessa d’armer, caraques & galées. &c.

DÉLIÉES. s. f. pl. Terme de chasse. Ce sont les fumées bien mâchées que nous appelons en terme de chasse, bien moulues.

☞ DELIENNES. (Fêtes) Voy. Délies.

DÉLIER, v. a. Oter le lien, défaire ce qui lie quelque chose. Solvere, exsolvere. Délier les pieds & les mains d’un criminel attaché à un poteau. Délier un faisceau de verges, une gerbe, un fagot.

Du Cange dérive ce mot de distigare, qu’on a dit dans la basse Latinité dans la même signification. Voy. les Acta Sanctor. Mart. T. II. p. 210. A.

Délier, terme du grand Art. Délier un corps, ou le corps, c’est le dissoudre, le pourrir, le rendre liquide, mou, fluide, coulant, de dur qu’il étoit. Solvere, dissolvere, putrefacere.

Délier, se dit figurément en choses spirituelles. Solvere. Jésus-Christ a donné pouvoir à S. Pierre & à ses successeurs de lier, ou de délier, d’absoudre, ou de refuser l’absolution. Délier d’une maladie, dans l’Evangile, signifie, la guérir. On dit de celui qui parle bien & facilement, qu’il a la langue fort déliée. Voici le jour qui rompt mon silence, & qui délie ma langue. Ablanc.

Dès que notre esprit se délie,
Tout chez nous se tourne en poison,
Le premier instant de raison ;
Est en nous, quoique l’on publie,
Le premier accès de folie. P. du Cerc.

Délié, ée, part,

DÉLIES. s. f. Fêtes qui se célébroient à Athènes en l’honneur d’Apollon. Delia, orum. La principale cérémonie de cette tête étoit une Ambassade des Athéniens à l’Apollon de Délos, ou bien un pèlerinage qu’ils y faisoient faire tous les cinq ans ; ils choisissoient pour cela un certain nombre de Citoyens, qu’on chargeoit de cette commission, & qu’on appeloit pour cela Déliastes, Δηλιάσται, ou Théores, Θεωροί, c’est-à-dire, les voyans, ceux qui vont voir. Le Chef de l’Ambassade ou de la députation, s’appeloit Archithéore, Ἀρχιθέωρος. On y joignoit quatre personnes de la famille des Céryques, Prêtres descendans de Mercure, qui demeuroient à Délos toute l’année pour y servir dans le Temple. Toute cette députation partoit sur cinq vaisseaux, sur lesquels on portoit tout ce qui étoit nécessaire pour la fête & les sacrifices. Celui qui portoit les Déliastes, ou Théores, étoit appelé Déliade, Δηλιάς, ou Théoride ; les quatre autres vaisseaux sacrés qui l’accompagnoient se nommoient le Parale, l’Antigonide, la Ptolémaïde & l’Ammonide. Quelques-uns disent que le Parale & la Déliade, sont le même vaisseau : d’autres les distinguent. Il en est aussi qui disent que la Déliade, étoit le vaisseau même sur lequel Thésée, vainqueur du Minotaure, avoit ramené les jeunes Athéniennes qui devoient être sacrifiées à ce monstre.

Les Déliastes qui montoient ce vaisseau, étoient couronnés de laurier. Quand ils étoient arrivés ils offroient d’abord un sacrifice à Apollon. Après le sacrifice, de jeunes filles dansoient autour de l’autel une danse nommée en Grec Γέρανον, & dans laquelle par leurs mouvemens embarrassés, & la manière dont elles figuroient ensemble, elles représentoient les tours & les détours du labyrinthe. Quand les Déliastes revenoient à Athènes, le peuple alloit au-devant d’eux, & les recevoit avec de grandes acclamations & de grands cris de joie. Ils ne quittoient point leur couronne que toute leur commission ne fût finie ; & alors ils alloient la consacrer à quelque Dieu dans son temple. La Déliade qui les portoit étoit aussi couronnée, & c’étoit par-là que toute la fête commençoit ; le Prêtre d’Apollon couronnoit la pouppe de ce navire. Tout le temps que duroit l’allée & le retour, & toute la cérémonie, s’appeloit les Délies & pendant tous ces jours-là les loix défendoient d’exécuter aucun criminel, privilège singulier de cette fête d’Apollon, & que n’avoient pas même celles de Jupiter, car Plutarque remarque que ce fut un jour consacré à Jupiter qu’on fit prendre à Phocion le poison auquel il avoit été condamné, & l’on attendit au contraire trente jours pour le donner à Socrate, parce que c’étoient les Délies. Voyez Thucydide, L. III. Jul Pollux, L. VIII. c. 9. sect. 26. Franc. Rossæus Arch. Attic. L. VII. c. 2. Sam. Petit. Comment. in Leg. Attic. L. I. Tit. 2. Paschal. Coron. L. IV. c. 18. & 19. Meursius Lexic. Suicerus, Θεωρός

Thucydide, L. III. p. 243. de la seconde édition d’Henri Estienne, dit que ce fut pendant l’hiver de la sixième année de la Guerre du Péloponèse que les Athéniens firent les Délies, après avoir expié l’Ile de Délos, & en avoir ôté tous les tombeaux, & ordonné que personne n’y naîtroit & n’y mourroit dans la suite, mais que l’on transporteroit tous les moribonds dans une petite Île appelée Rhénie, qui touche presque à Délos. Long-temps avant ce temps-là les Ioniens & les Insulaires voisins de l’Ionie faisoient des espèces de Délies ; c’est-à-dire, des fêtes & des jeux semblables aux Ephésies, qu’ils célébrèrent dans la suite. Il y avoit des combats gymnastiques & de poësie, ou de musique. Thucydide, à l’endroit que j’ai cité ci-dessus, en parle d’après Homere.

DELINÉATION. s. f. Représentation, description qu’on fait d’une chose avec de simples lignes, avec de simples traits. Delineatio. Ce plan n’est pas encore en sa perfection, ce n’est que sa première délinéation. Délinéation d’une place.

DÉLINQUANT. adj. employé substantivement. Terme de Palais. Qui a commis quelque délit. Noxæ reus, delicti reus. Il est du devoir d’un Magistrat d’être sévère à punir les délinquans.

Délinquant, se dit aussi en Droit Canon & en Théologie Morale. Il y auroit de l’indiscrétion dans le zèle, si l’on employoit les censures, lorsque des avis charitables, ou des défenses réitérées sous peine de quelque moindre châtiment, seroient capables de contenir les personnes dans leur devoir, ou de réduire les délinquans. Confer. d’Ang.

DÉLINQUER. v. n. Commettre quelque délit, contrevenir à la loi. Delinquere, peccare. Un Procureur qui a délinqué, qui a prévariqué en sa charge, doit être puni. Il ne se dit qu’au Palais.

DÉLIOT. s. m. C’est un petit bonnet de cuir blanc, dont les vélineuses couvrent le bout de leur pouce, pour travailler au point de France. On se sert du déliot comme on se sert du dé à coudre, excepté que le déliot se met au pouce, & en couvre environ autant qu’en emporte l’ongle. Il sert à pousser l’aiguille à vélin, qui est si fine, que le cul en entreroit dans la chair sans cette précaution.

DELIRE. s. m. Terme de Médecine. Egarement d’esprit causé par quelque maladie le délire consiste dans un exercice dépravé de l’entendement & de la mémoire. Voyez Folie, démence, manie. Delirium,