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DEP

Avez-vous dépouillé cette haine si vive ? Racine.

Dépouillez cette rigueur qui rend votre beauté farouche. Voit. En me dépouillant autant que je le puis de l’intérêt poëtique, pour juger plus sainement de la question. De la Motte.

Dépouiller. Terme de Sculpteur, & de Mouleur en plâtre. Dépouiller une figure moulée, c’est ôter toutes les pièces du moule qui environnent cette figure & qui ont servi à la former.

Dépouillé, ée. part. Il a les significations du verbe.

On dit proverbialement, jouer au Roi dépouillé, non seulement au propre, quand on joue à un jeu qui a ce nom, dans lequel on dépouille pièce à pièce celui qu’on a fait le Roi du Jeu, mais aussi au figuré, quand plusieurs personnes se joignent pour en ruiner une autre & la dépouiller de son bien.

DÉPOURVOIR. v. a. Dégarnir, ôter les provisions, les choses nécessaires à la subsistance d’une place, d’une maison, d’une personne. Nudare, spoliare. Ce verbe n’est guère en usage qu’au participe, & quelquefois à l’infinitif. Un Gouverneur ne doit point laisser dépourvoir sa place, en laisser ôter les hommes & les munitions. Cette maison noble est pauvre, & dépourvue des choses nécessaires à la vie. Cette veuve affligée est dépourvue de tout secours, d’amis & d’argent.

Dépourvu se dit souvent en choses morales. Destitutus. Il est pris comme participe & adjectif. Il faut être bien dépourvu d’esprit, de sens, de jugement, pour commettre une telle faute. Il étoit dépourvu de conseil, quand il a fait cette transaction. Souvent on est dépourvu de mémoire, elle quitte les gens au besoin. Jamais on n’est dépourvu de la grace, de l’assistance divine, quand on veut bien y coopérer.

Au Dépourvu. adv. A l’improviste, par surprise, lorsqu’on n’est pas pourvu des choses nécessaires, Ex improviso. Un Gouverneur de place ne doit point se laisser assaillir au dépourvu. La basse-cour de ce Gentilhomme est bien garnie, on ne le peut prendre au dépourvu quand on arrive chez lui.

DÉPRAVATION. s. f. Dérèglement du goût, des mœurs, ou de la doctrine. Depravatio, corruptio. La dépravation de notre raison est la cause de nos erreurs. Chacun accuse son siècle de dépravation. La postérité de Seth fut fidelle à Dieu malgré la dépravation du temps. Boss. Il y a quelques gens qui trouvent ce mot un peu vieux, quand il s’agit de mœurs & de doctrine, mais, comme des auteurs assez approuvés s’en servent, on ne peut pas le rejeter.

Dépravation se dit en Médecine de la lésion notable de l’économie naturelle du corps humain, & plus particulièrement, lorsque l’exercice des fonctions se fait sans régle, & sans conformité à l’état naturel. Il y a de la dépravation dans le goût, lorsqu’on se sent de la répugnance pour les alimens ordinaires, & qu’on se sent porté à manger des choses qui sont nuisibles, ou peu propres à nourrir.

DÉPRAVER. v. a. Pervertir, corrompre le goût, les mœurs, ou la doctrine. Depravare, corrumpere. Il s’est dépravé le goût à force de boire. C’est un homme capable de dépraver toute la jeunesse. Il avoit du génie pour l’éloquence, mais la lecture des mauvais Auteurs lui a dépravé le goût. Plusieurs maladies rendent le goût dépravé. La jeunesse est maintenant fort insolente & fort dépravée. Les Infidèles mènent une vie brutale, & aussi dépravée que leur doctrine. Dieu les a livrés à l’égarement d’un esprit dépravé & corrompu. Port-R.

Dépravé, ée. part. & adj. Depravatus, corruptus. Mille gens qui se piquent d’érudition font voir un goût dépravé, lorsqu’il s’agit de porter leur jugement sur une pièce d’esprit.

DÉPRÉCATIF, ive. adj. Terme de Théologie, qui n’est d’usage qu’en cette phrase. Forme déprécative, qui se dit de la manière d’administrer quelques-uns des Sacremens en forme de prière. Deprecativus. Chez les Grecs la forme d’absolution est déprécative, étant conçue en ces termes, que Dieu vous absolve : au lieu que, dans l’Eglise Latine, on dit en forme déclarative, je vous absous. L’Ac.

☞ DÉPRÉCATION. s. f. Deprecatio. Terme de Rhétorique. Figure par laquelle l’Orateur souhaite du bien ou du mal à quelqu’un. Cette dernière par laquelle on souhaite qu’il arrive du mal, s’appelle proprement imprécation.

☞ C’est encore une instante prière faite avec soumission pour obtenir le pardon d’une faute.

☞ DÉPRÉCIER. v. a. mettre une chose ou une personne au-dessous de son prix. Elevare, pretium minuere. Pourquoi cherchez-vous à déprécier ce qui m’appartient.

Déprécié, ée. part.

DÉPRÉDATEUR. s. m. Voleur, pilleur, qui commet des malversations. Montfaucon, où tant de concussionnaires, déprédateurs de Finances, & autres insignes criminels ont été punis… Médailles sur la Régence. Il ne tient qu’à vous, dit Démosthène aux Athéniens, de réprimer la déprédation de vos finances, en punissant d’une façon exemplaire les déprédateurs. M. Rollin.

DÉPRÉDATION. s. f. Terme de Palais & de Droit. Pillage fait avec dégât, malversations commises dans l’administration d’une succession, dans une exploitation de bois, dans un partage, dans une distribution de deniers, &c. Prædatio, expilatio. Dans cet inventaire il s’est fait une déprédation visible, chaque héritier a pillé de son côté. Dans les directions de créanciers, il arrive souvent des déprédations ; les directeurs les plus puissans se font payer au préjudice des autres. Quoique ce mot ne soit pas des plus usités, on s’en peut fort bien servir en certaines occasions, où l’on veut dire quelque chose de plus significatif que ruine, que vol, que pillage. Après la déprédation de tant de maisons régulières, les peuples se trouvent chargés d’impôts. Mauc. Les traités de paix qui subsistoient entre les deux couronnes n’empêchoient pas les hostilités, ou les déprédations maritimes, qu’on déguisoit ensuite sous divers prétextes. Larrey, Edouard VI. p. 736.

DÉPRÉDÉ, ÉE. adj. & part. Terme qui se trouve dans l’Ordonnance de la Marine, qui se dit des marchandises pillées dans un vaisseau contre les règles & les loix. Ablatus, subreptus, expilatus.

Depréder, v. a. Piller avec dégât, commettre des malversations. Voyez Déprédation. Ce mot n’est pas usité.

DÉPRENDRE, v. a. Détacher. Abstrahere, distrahere, divellere. Ces deux dogues étoient tellement attachés l’un contre l’autre, qu’on a eu toutes les peines du monde à les déprendre. L’Acad. Il se dit aussi avec le pronom personnel, pour se dégager de quelque chose ou l’on étoit engagé, ou embarrassé. Divelli. Un poisson pris dans une nasse se débat & fait ce qu’il peut pour se déprendre. Cet oiseau s’étoit pris à la glu, & ne pouvoit s’en déprendre.

Déprendre, se dit plus élégamment au figuré. Les mélancoliques ne se déprennent pas si aisément de leurs passions. Bal. Jesus-Christ nous a dépris & détachés du commerce des choses de la terre. Du Bois. Le Comte d’Arondel prit de l’amour pour la Reine sans s’en appercevoir, & ne put s’en déprendre quand il s’en fut apperçu. De Larrey. Il faut tâcher de nous déprendre de ces choses. Fenelon. Il ne s’est point encore dépris des controverses scholastiques. Morabin. p. 55.

Dépris, ise. part.

DÉPRÉOCCUPÉ. ée. adj. Qui n’est point préoccupé, ou qui ne l’est plus, qui n’a plus de prévention, de préjugés. Liber a præjudiciis, a præjadicata opinione. B. qui avoit beaucoup d’esprit, & qui étoit dépréoccupée des erreurs populaires. Mlle  l’Héritier.

☞ Je ne sais si ce mot se trouve ailleurs ; & l’au-