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CRO

embrasser, les professer, &c. Car la foi comprend cet acte de volonté que les Théologiens appellent pius affectus ; & par-là la foi de l’homme chrétien est différente de celle des démons, qui, comme dit Saint Paul, croient & frémissent de crainte, credunt & contremiscunt ; & de la foi de bien des Apostats qui, quoiqu’ils soient persuadés des vérités de la foi, se laissent vaincre par la crainte des supplices, ou par quelque autre considération humaine.

Ne croire que ce que l’on voit, ou ce que l’on connoît par l’évidence naturelle ; ne consulter là-dessus que soi-même, & ne déférer à nul autre qu’à soi-même, voilà le premier principe de l’orgueil humain. Bourdaloue. Ex. II. Il faut croire les articles de la Foi, l’Evangile, la Sainte Ecriture. Dieu a voulu accoutumer l’homme à croire sans connoître, afin de le tenir dans la dépendance & dans la servitude. Il y a des dévots qui aiment Dieu sans y bien croire. S. Evr. Celui qui croira, & qui sera baptisé sera sauvé. A moins que la Foi n’assujettisse notre raison, nous passons la vie dans une contrariété perpétuelle, à croire, & à ne croire point. S. Evr. Les personnes pieuses embrassent d’abord le parti de croire ; qui fixe & arrête les courses de l’imagination. Vill. Les gens qui se bornent à une foi spéculative & superficielle, croient tout ce qu’on veut sans répugnance ; ils n’y font pas assez d’attention pour se rendre difficiles. Mont. Les prudens du siècle se font un honneur de ne rien croire, pour se distinguer du vulgaire, & ne pas hazarder leur créance. Tail. En quel temps si malheureux a-t-il été permis, ou de faire dans la République, ou de croire dans l’Eglise ce que l’on veut ? Peliss. Croire n’est pas imaginer. Nous croyons Dieu en tous lieux, & tout entier, sans qu’il occupe aucun lieu ; mais nous ne l’imaginons pas, parce que nous n’avons jamais rien vu de semblable. id. Croire n’est pas comprendre, c’est plutôt ne pas comprendre ; mais recevoir par une autorité supérieure ce que l’on ne comprend pas, & se persuader seulement qu’il est possible, tant par cette autorité supérieure qui nous l’ordonne, que par la comparaison que nous faisons de cette merveille avec d’autres dont nous ne pouvons douter, ou par la proportion entre la merveille & son auteur. id.

Présumez-vous pouvoir détruire
Une loi qui sut vous instruire,
Dès que le monde a commencé ?
Et ce qu’ont cru les plus habiles,
Des aveugles, des indociles,
Croiront-ils l’avoir effacé ?

Duché, Ode sur l’imm. de l’ame.

Croire, se dit aussi de l’imagination qu’on a qu’une chose est vraie, quoiqu’elle soit fausse. Les petits esprits croient aux Devins, aux Sorciers, aux Songes, aux Astrologues, ajoutent foi à tout ce qu’ils leur disent d’extraordinaire. On dit en conversation, cet homme est si simple, qu’on lui fait croire que des vessies sont des lanternes. Cet homme est si jaloux de sa femme, qu’il ne la croit pas où il la voit.

Croire, signifie aussi Ajouter foi à ce qu’on nous dit ; témoigner qu’on est persuadé de quelque chose, sur le rapport d’autrui. Fidere alicui. On doit croire un homme sur sa parole. Cela est vrai, si l’on en croit les Historiens. En l’état où je suis, je lui dois pardonner ; mais je ne la dois pas croire. Rochef.

C’est un homme, entre nous, à mener par le nez,
Et je l’ai mis au point de voir tout sans rien croire. Molière.

Croire, se dit aussi des opinions qu’on se met dans la tête, fondées sur plusieurs raisonnemens & conjectures. Il n’y a point d’opinion si extravagante, que quelques Philosophes ne la croient. Il y a des hommes qui s’imaginent qu’avec une certaine étendue d’esprit, & de certaines vues, il ne faut pas croire comme le peuple. La Bruy. Le monde a des apparences bien trompeuses, ce n’est pas tout ce qu’on croit. Entre les sciences il n’y a que la Géométrie qui oblige à croire ses démonstrations.

Quoi ! le foible intérêt de ce qu’on pourra croire
D’une bonne action empêchera la gloire ! Mol.

Croire, signifie encore, suivre l’avis, le conseil de quelqu’un, déférer, se rapporter à quelqu’un. Si vous m’en croyez, vous n’entreprendrez point cette affaire. Mon droit est si bon, que j’en croirai qui l’on voudra. Il ne faut pas croire son sens, sa passion. Il ne faut pas quelque fois même croire à ses yeux.

Croire, en termes de Palais, signifie, Recevoir pour preuve, admettre à un serment en Justice. On ne croit point les simples allégations des Avocats, mais les preuves, les titres qu’ils rapportent. On doit en croire le serment du Défendeur.

Crue, ue. part. Il a les significations de son verbe.

On dit absolument au Palais, après qu’on s’est rapporté au serment de quelqu’un, qu’il viendra cru, c’est-à-dire, qu’il gagne sa cause en faisant son affirmation en Justice.

Croire. Etre du croire, demeurer du croire, c’est être garant à son correspondant pour les dettes que l’on contracte pour son compte, ou pour les Lettres de change qu’on lui remet.

CROISADE. s. f. Guerre entreprise par les Chrétiens pour recouvrer les Lieux Saints, ou pour l’extirpation de l’hérésie & du paganisme. Sacrum bellum, sacra crucis militia. On y alloit autrefois par dévotion, & ceux qui avoient dessein d’y aller se distinguoient des autres en mettant des croix de différentes couleurs sur leurs habits, suivant leur nation. Les François la portoient rouge, les Anglois blanche, les Flamands verte, les Allemands noire, & les Italiens jaune. On compte huit Croisades pour la conquête de la Terre Sainte. La première fut entreprise en 1055 au Concile de Clermont. La seconde en 1144 sous Louis VII. La troisième en 1188 par Philippe Auguste & Henri II. Roi d’Angleterre. La quatrième en 1195 par le Pape Célestin III. & l’Empereur Henri VI. La cinquième fut publiée en 1198 par ordre d’Innocent III. Les François, les Allemands & les Vénitiens se croisèrent. La sixième, sous le même Pape, commença tumultuairement en 1213, & finit en 1244 par la victoire des Corasmins sur les Chrétiens. La septième fut résolue au Concile de Lyon en 1245 ; c’est la première de S. Louis. La huitième, qui est la seconde de S. Louis, & la dernière de toutes, fut entreprise en 1268. Les Religieux de Citeaux formèrent le projet de ces Croisades : Philippe Auguste en sollicita l’exécution auprès du S. Siége, & Innocent III. leva le premier l’étendard de la Croix. Il fut ordonné au Concile de Clermont qu’on mettroit dans les drapeaux le signe de la Croix, & que ceux qui voudroient s’enrôler, le porteroient sur leur habit. L’usage le plus ordinaire fut de porter une croix d’étoffe sur l’épaule droite, ou au chaperon ; & c’est de là que vint le nom de Croisade.

C’est Pierre l’Hermite qui le premier prêcha la Croisade. Tous n’alloient pas aux Croisades pour la gloire de Dieu : les uns partoient pour accommoder leur dévotion à leurs intérêts, & les autres, pour ne passer pas pour des lâches. Chev. Voy. M. Fleury. Les Croisades ont été instituées d’abord pour aller conquérir la Terre-Sainte ; mais depuis, les Papes les ont employées contre les Infidèles & contre les Hérétiques. L’Abbé Justiniani dans son Historia de gl’Ordini milit. T. I, c. 20, fait un Ordre de Chevalerie des Croisés qui servoient dans les Croisades.

Vers le milieu du XIIe siècle il y eut une Croisade des Saxons contre les Payens du Nord, de laquelle les Chefs furent Frideric, Archevêque de Magdebourg, les Evêques d’Halberstat, de Munster, de Mersbourg, de Brandebourg, d’Havelberg & de Moravie, ou d’Olmuts, & l’Abbé de Corvei, avec