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CRO

il se dit des vêtemens & des choses donc les côtés passent l’un sur l’autre. On dit qu’un rabat croise, qu’une camisole croise trop, ne croise pas assez.

Croiser, avec le pronom personnel, s’est dit du temps des guerres saintes, de ceux qui faisoient vœu d’y aller, qui se croisoient, & qui prenoient la marque d’une croix sur leurs habits. Sacram mlitiam profiteri, sacræ militiæ nomen dare. Philippe de Valois proposa à ses Sujets de se croiser, & commença lui-même à prendre la croix. De Prade.

Croiser, en termes d’Art Militaire, se dit de la conduite de la tranchée qui va en zigzag. Il ne faut pas s’éloigner des capitales prolongées, dont il faut renouveler les piquets de tems en tems, & les coëffer d’un bouchon de paille, même de quelque mèche allumée pendant la nuit, pour les reconnoître, afin de ne s’en pas éloigner, & de-là fréquemment croiser. Desprez de s. Savin.

Croiser, en termes de Marine, signifie, Rôder sur une côte, y faire diverses bordées & traverses ; aller & venir sur une mer pour la garder, & empêcher les Corsaires de piller les Marchands, de faire des descentes. Il se dit aussi des ennemis qui cherchent à pirater, & qui attendent les vaisseaux à l’entrée ou à la sortie des ports. Maria percurrere, obsidere ad eadem tutanda vel infestanda. L’armée a passé une partie de l’été à croiser sur les côtes de Barbarie.

En termes de Jardinage on dit qu’il fait se donner de garde de croiser les branches d’un arbre qui est en espalier, c’est-à-dire, de les faire passer les unes sur les autres. Une branche croisée a mauvaise grâce.

Croiser les soies. C’est les tordre légèrement par le moyen d’un moulin, ou métier à tirer les soies.

Croiser une étoffe. C’est la travailler à quatre marches, pour en serrer les fils, & faire ce qu’on appelle la croisure.

Croisé, ée. part. Il a les significations de son verbe, en Latin, comme en François.

Croisé, en termes de Blason, se dit du Globe Impérial, & des bannières chargées d’une croix. Cruce instructus.

Croisé, ée. En termes de Poësie Françoise, on appelle des rimes croisées ou des vers croisés, ceux dont les rimes sont alternées, comme dans les stances où elles sont éloignées & entremêlées, à la différence du poëme héroïque, de l’Elégie, & autres ouvrages qui ne souffrent point la croisure des vers.

Je ne sai si je dois par des rimes croisées
Construisant d’abord un quatrain,
Joindre de deux tercets les phrases reposées
Dans un terme égal & certain. La Motte.

M. Corneille dans l’examen de son Andromède dit : la diversité de la mesure & de la croisure des vers que j’y ai mêlée, me donne occasion de les justifier.

Croisé. En termes de Guerre on appelle feu croisé, quand on charge l’ennemi en tête & en queue, ou simplement quand l’ennemi se trouve entre deux feux.

Croisé, en terme de Danse, se dit des pas qui se font en allant de côté, soit à droit, soit à gauche. Passus, ou gradus obliquus. La cinquième position du corps est pour les pas croisés. Rameau.

Croisé. s. m. Celui qui est de la Croisade, qui a pris la croix pour aller faire la guerre aux Infidèles. Sacram militiam professus. Il alla au secours des Croisés.

Croiset. s. m. Terme populaire. Jour de l’Invention de la Sainte Croix le troisième de Mai. Ce mot ne se dit que dans ce proverbe du peuple. Georget, Marquet, Croiset & Urbinet sont des jours funestes aux biens de la terre par la gelée. Voyez au mot GEORGET.

CROISETTE, ou CROISILLE. s. f. Diminutif de croix. Ce mot n’a guère d’usage qu’en termes de Blason, où on voit souvent des Ecus semés de noisettes, ou de petites croix ; & les fasces ou autres pièces honorables chargées ou accompagnées de croisettes. Crux minor. Les croix mêmes aboutissent souvent en croisettes, & sont appelées alors croisettées & recroisettées.

CROISETTE. s. f. Cruciata. Plante qui a tiré son nom de la disposition de les feuilles. L’espèce la plus commune est celle qui est toute velue. Cruciata hersura. C. B. Ses racines sont menues, jaunâtres, & poussent plusieurs petites tiges carrées, velues, garnies à chacun de leurs nœuds de quatre feuilles disposées en croix, comme arrondies, velues, & des aisselles desquelles naissent des fleurs qui forment comme des verticilles. Ces fleurs sont fort petites, jaunâtres, d’une seule pièce découpée en quatre ou cinq parties. Le calice qui les soutient devient un fruit composé de deux très-petites semences rondes, & appliquées l’une contre l’autre. On met cette plante au nombre des apéritives & astringentes. Des Médecins la font passer pour une antiépileptique. Elle est très commune à la campagne.

Croisette. Terme de Marine. Quelques-uns appellent croisettes la clef ou les chevilles qui joignent & entretiennent le bâton du pavillon avec le mât qui est au dessus.

CROISETTE, ée. adj. Terme de Blason. On appelle croix croisettée, celle dont les quatre extrémités sont terminées par des croisettes.

☞ CROISIC, ou CROISIL (le). Petite Ville de France en Bretagne, dans le Pays Nantois : c’est un des ports de la Loire.

CROISIE. s. f. Crux. Vieux mot qui s’est dit en quelques endroits en parlant des croix qu’on fait sur des écritures, pour en contester quelques articles.

CROISIER. s. m. Nom d’un Ordre Religieux, qui est une Congrégation de chanoines Réguliers, qu’on appelle Croisiers, ou Porte-croix. Cruciatas, Cruciger. Il y a trois Ordres qui ont porté ou portent encore ce nom. L’un est d’Italie ; le second a pris son origine aux Pays-Bas, & le troisième en Bohême. Ils prétendent venir de S. Clet ; que S. Quiriace, Juif qui montra à Sainte Hélène le lieu de la vraie Croix, & qui se convertit, les réforma. Ce qu’il y a de certain, c’est que cet Ordre étoit établi en Italie avant qu’Alexandre III montât sur la chaire de Saint Pierre, puisque ce Pontife fuyant la persécution de l’Empereur Frédéric Barberousse, trouva un aide dans les Monastères des Croisiers, & après que l’Eglise fut en paix, l’an 1169, il renouvela cet Ordre, lui donnant une Règle & des constitutions, & le prenant sous sa protection. Pie V. l’an 1518, l’approuva de nouveau, & confirma les privilèges. La discipline régulière s’y étant encore astoiblie, Alexandre VIII le supprima tout-à-fait en 1656. Ils avoient la qualité de Chanoines Réguliers, la Règle de Saint Augustin, & cinq Provinces toutes en Italie, celle de Boulogne, de Venise, de Rome, de Milan & de Naples. Ils étoient aussi Hospitaliers.

M. Allemand, dans son Hist. Mon. d’Irlande, dit qu’il y avoit quatorze Monastères de Croisiers en Irlande, & qu’ils étoient venus de ceux d’Italie, puisque ceux de France & des Pays-Bas ne les reconnoissoient point pour membres de leur Ordre. D’autres croient qu’il y a lieu d’en douter.

Mathieu Paris dit que des Croisiers, ou Religieux Porte-croix, portant des bâtons au bout desquels il y avoit une croix, vinrent en Angleterre en 1244, se présenter au synode que tenoit l’Evêque de Rochester, pour être reçus. Dodfworth & Dugdale, dans le Monasticon Anglicanum, parlent de deux Monastères de cet Ordre en Angleterre, l’un à Londres, l’autre au Bourg de Rigat, celui-ci fondé en 1245, & l’autre en 1298. Ils en avoient encore un à Oxfort, où ils furent reçus en 1349. Ces trois maisons ont subsisté jusqu’au schisme.

Croisiers de France & des Pays-Bas, qu’on nomme aussi de Sainte-Croix, & à Paris de Sainte Croix de la Bretonnerie, autre Congrégation de Chanoines Réguliers fondée sous le Pontificat d’Innocent III, l’an 1211, par Théodore de Celles, fils du Baron de Celles, issu des Ducs de Bretagne. Le P. Verduc, Religieux de sainte-Croix, qui a écrit la vie du