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EVE
EUE.

EVE, ou AIVE. s. f. Aqua. Vieux mot François, qui signifioit l’eau. Les plus anciens Romans, celui de Guérin le Lorrain entre autres, qui est en manuscrit à la bibliothéque du Roi, écrivent Eve, & non pas Aive. Mais dans la suite on a mis Aive. C’est de là qu’est venu le mot d’aivier, ou évier, & d’éguière, ou aiguière. Du Bouchet croit que la forêt Eveline, appelée aujourd’hui des Yvelines, est ainsi nommée à cause des eaux dont elle est pleine. Dans le Roman de Guérin je trouve.

Del bruit de l’éve ornent un moulinel.

EVE. s. f. Eva. La première des femmes fut ainsi nommée par son mari, le premier des hommes. Dieu la forma lui-même d’une des côtes d’Adam, & la lui donna pour femme & pour aide, en les bénissant, & leur ordonnant de multiplier le genre humain sur la terre. L’histoire d’Eve est assez connue.

Les Rabbins ont débité je ne sai combien de fables sur le sujet d’Eve, qui ne meritent pas qu’on y fasse attention. Ils disent que le mot hébreu que nous interprétons par côtes ne signifie pas en cet endroit (Gen. 11, 21.) côte, mais côté ; que Dieu forma Eve d’un des côtés d’Adam ; que ce premier homme étoit androgyne, comme parle Abravanel, c’est-à-dire, que le corps du premier homme, tel qu’il fut d’abord formé de Dieu, étoit composé de deux corps, l’un d’homme & l’autre de femme, que ces deux corps étoient joints & se tenoient par le côté, & que, quand Dieu voulut former Eve, il ne fit que séparer le corps de femme du corps mâle. Voilà les imaginations des Rabbins. Leur grande preuve est qu’il est dit, Gen. V. 2. que quand Dieu créa l’homme il les fit homme & femme ; comme si cette expression dans l’Ecriture signifioit autre chose, sinon que Dieu créa les deux sexes, un individu de chaque sexe, & que lorsque Dieu commande à Noé de faire entrer dans l’arche des animaux mâle & femelle, se servant précisément des mêmes termes qu’en parlant d’Adam, il eût voulu que ces animaux eussent été un composé de deux corps, l’un mâle & l’autre femelle.

Eve, en Hébreu, חוה, hhavh, fut ainsi appelée par Adam du verbe חיה, hhajah, ou חוה, hhavah, vivre, parce qu’elle étoit la mère de tous les vivans, Gen. III. 20. C’est Adam qui lui donna ce nom, parce qu’elle donna la vie, qu’elle devoit être la mère de tous les hommes, Genése II. 18. III. 20.

Eve, a signifié aussi une femme adultère, pécheresse, à cause d’Eve la première femme & la première pécheresse du monde.

Eve a encore signifié une jument, une cavalle. Equa. Voyez M. Ménage.

On dit populairement, je ne connois cet homme-là ni d’Eve ni d’Adam, pour dire, je ne le connois nullement.

ÉVÊCHÉ. s. m. Diocèse, territoire qui est fournis à la jurisdiction spirituelle d’un Evêque. Cette abbaye est dans un tel Evêché. Il y a en France dix-huit Archevêchés & cent treize Evêchés qui sont leurs suffragans.

Les Evêchés sont des bénéfices séculiers & consistoriaux. Ils étoient autrefois remplis par élection. Aujourd’hui, en France, c’est le Roi qui y nomme.

Ce mot étoit autrefois féminin. Du temps de Ronsard on disoit encore une Evêché.

Voudroit avoir le dos & le chef empêché
Dessous la pesanteur d’une bonne Evêché.

Le Concile de Sardique en 347. condamna le changement des Evêchés, afin de borner l’inquiétude & la cupidité des Evêques. Herm.

Évêché, signifie aussi la Prélature, la dignité d’Evêque. Munus Episcopale, dignitas episcopalis. Ce Prédicateur va droit à l’Evêché, aspire à l’Evêché. On dit plus ordinairement épiscopat.

Avec moins de talens vingt Abbés ont prêché,
Que la chaire a portés jusques à l’Evêché. Vill.

Évêché, c’est, par rapport à l’Architecture, la demeure d’un Evêque, le Palais Episcopal. Domus episcopalis, Palatium Episcopi, Episcopium. Il est logé à l’Evêché.

Évêché, se dit aussi pour siège épiscopal. C’est ainsi qu’une ville a été érigée en Evêché, & qu’on appelle Evêché une ville où il y a un siège Episcopal. Orléans est un Evêché.

ÉVÊCHESSE. s. f. Nom que l’on donnoit dans la primitive Eglise à des femmes qui avoient certaines fonctions dans l’Eglise, où il y avoit des Evêchesses comme il y avoit des Prêtresses, des Diaconesses & des Sous-Diaconesses. Episcopa. Le Docteur d’Espence, dans son Commentaire sur la première Epître de S. Paul à Timothèe, parle des Evêchesses. Il n’oublie pas de parler des Evêchesses, des Diaconesses & des Sous-Diaconesses. Du Pin. Une ancienne inscription rapportée par les Macri, dans leur Hiérolexicon, parle d’une Dame Théodora, Evêchesse. Dans le moyen âge on a dit Episcopissa, & il se prenoit pour la femme d’un Evêque, car cet abus s’étoit introduit en quelques endroits, comme en Ibernie, & Saint Bernard, dans la vie de S. Malachie, parle de quinze Evêques prédécesseurs de ce Saint, qui avoient été mariés.

☞ ÉVEIL. s. m. Mot qu’on cherche à accréditer depuis quelque temps, mais qui ne paroît pas assez établi pour être employé hors du discours familier. C’est un avis qu’on donne à quelqu’un d’une chose qui l’intéresse & à laquelle il ne pensoit pas. C’est lui qui m’en adonné l’éveil.

ÉVEILLER. v. a. Rompre le sommeil de quelqu’un. Suscitare, excitare, expergefacere. La Tragédie de Marianne commence par un songe qui éveilla Hérode en sursaut. Eveillez-moi demain de bon matin. On faisoit un bruit capable d’éveiller un mort.

Eveiller & reveiller ont à peu-près la même signification. On peut seulement observer avec M. l’Abbé Girard, que le premier de ces mots est d’un usage plus fréquent dans le sens littéral, au lieu que le second est plus souvent employé dans le sens figuré. Le moindre bruit éveille ceux qui ont le sommeil tendre. Il faut peu de chose pour réveiller une passion qui n’a pas été parfaitement déracinée du cœur.

☞ Il semble aussi qu’on éveille sans le vouloir, & que reveiller marque ordinairement du dessein.

Ce mot vient de evigilare.

Eveiller, signifie figurément, rendre plus gai, plus vif, plus ardent. Hilarare. Cet esprit est pesant, il le faut mettre au Collége pour l’éveiller. Il est mélancolique, il lui faudroit quelque chose qui l’éveillât. La colère éveille le courage, & l’excite à entreprendre des choses grandes & magnanimes. M. Esp. Le zèle trop emporté ne ruine pas moins l’amitié que la froideur qu’on n’éveille point. S. Evr. La chair du pauvre accablée de travaux seroit-elle éveillée par les délices qui viennent en foule accabler l’homme fortuné ? Roy.

On dit en proverbe, il ne faut pas éveiller le chat qui dort.

☞ S’EVEILLER, v. récip. Cesser de dormir. Epergefieri, evigilare. Il s’éveille tous les jours de bon matin, au chant du coq.

Éveillé, ée. part. & adj. Il a les significations de son verbe au propre & au figuré. Excitatus, hilaris, jo-