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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, IV.djvu/704

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HAB

tre le siècle présent, c’est-à-dire, que l’un est fort savant & l’autre fort habile. Bouh. Il n’estpas étonnant si en étudiant, ni les maîtres, ni les écoliers ne deviennent pas plus hahiles, quoiqu’ils se fassent plus doctes. Mont. Cependant quoiqu’habile dans sa fine signification, n’emporte qu’adresse & industrie, il ne laisse pas d’avoir la signification commune de savant ; & on dit tous les jours, d’un Docteur qui sait tout, que c’est un habile homme ; mais la signification est déterminée par la matière ou par les substantifs qu’on y joint. Que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence & la poésie, & qu’elle traite les habiles Ecrivains de gens inutiles dans les Etats. Disc. d’EI. Il signifie là, savoir & érudition. Le Prince de Condé tenoit pour maxime qu’un habile Général peut bien être vaincu, mais qu’il ne lui est pas permis d’être surpris. Boss. Il signifie là, sagesse & conduite. Peu de gens ont de cet esprit naturel qui fait que l’on est habile & agréable. Le Ch. de M. Une main si habile eût sauvé l’Etat, si l’Etat eût pu être sauvé. Fi.

Habile, savant, docte, synonymes. Fixons, d’après M. l’Abbé Girard, la vraie signification de ces mots. L’habile semble plus entendu. Les connoissances qui se réduisent en pratique rendent habile. Nous devenons habiles par l’expérience. Le savant semble plus profond. Nous devenons savans par la méditation. Le docte est plus universel. Nous devenons doctes par la lecture. Voyez Docte & Savant.

Ce mot vient du Latin, habilis ; mais habilis selon le P. Pézron, est pris des Celtes, qui disent habile pour signifier le même.

Habile se dit aussi de tout ouvrier qui excelle en son art. C’est un habile Peintre, un habile Sculpteur, parce que ces arts supposent unapprentissage. Par cette raison on ne doit pas dire un habile Poëte, un habile Orateur, à moins qu’on n’entende celui qui se tire adroitement d’un sujet épineux. On le dit aussi de ceux qui excellent en d’autres choses que dans les arts mécaniques. Mondori étoit un des plus habiles Comédiens de son temps. Mén.

Habile se dit aussi pour adroit, sagax, solers. Il étoit habile à cacher ses entreprises. Ablanc. Les hommes sont si habiles à se déguiser, qu’on ne peut pénétrer leurs véritables intentions. Bell. Les plus habiles à imposer passent pour avoir le plus de mérite. Id. Un Ministre habile à cacher ses desseins. Dans ce sens ce n’est pas toujours un terme de louange. Ainsi on dit un habile fripon.

Habile se dit aussi dans le style familier, des gens expéditifs, qui font beaucoup de travail en peu de temps. Promptus, facilis. Ce Conseiller est habile & expéditif ; il a bientôt vu & jugé un procès. Ce Courier est habile, il est venu de Lyon à Paris en 36 heures.

Habile se dit en Jurisprudence de celui qui a des dispositions propres pour faire quelque chose, ou des qualités suffisantes pour la recevoir, qui est capable, qui a droit. Aptus. Un bâtard, un étranger, ne font pas habiles à succéder. Un eunuque, un borgne, ne sont pas habiles à recevoir les Ordres sacrés sans dispense. Cet homme n’a que tels & tels parens habiles à se porter, à se dire héritiers.

Habile à se porter héritier, est celui qui est héritier présomptif d’un défunt, qui a un droit formé à sa succession. Mais celui qui peut se porter héritier, n’est pas héritier qu’il n’en ait pris la qualité, ou qu’il n’ait fait acte d’héritier, parce que nul n’est héritier qui ne veut. Ainsi les héritiers présomptifs d’un défunt peuvent renoncer à la succession quand bon leur semble, pourvu qu’ils n’aient point fait acte d’héritier, & alors ils sont déchargés de toutes les dettes & autres charges de la succession.

On dit proverbialement & ironiquement, qu’un homme est habile à succéder, pour dire, qu’il est alerte & vif sur ses intérêts.

Habile à exercer le retrait lignager. C’est celui qui étant né d’un légitime mariage, est parent & lignager du vendeur du côté & ligne d’où est venu l’héritage. Un fils exhérédé pour cause légitime, ne perd point le droit de retrait, parce que l’exhérédation n’ôte pas le droit de famille ; elle en empêche seulement l’effet par rapport à la succession du testateur.

HABILEMENT, adv. D’une manière habile, adroite, intelligente, prompte, expéditive. Peritè, expeditè. Cet écolier a répondu fort habilement. Ce prisonnier s’est sauvé fort Habilement. Cet ouvrier travaille fort habilement. Jamais Auteur ne fut plus industrieux que Tacite à démêler habilement les intrigues du cabinet. Amelot. Souvent il y a plus de mérite à se tirer habilement d’un mauvais pas, qu’à ne point faire de fautes. Bell.

☞ HABILETÉ, s. f. Qualité de celui qui est habile. Voy. ce mot. L’habileté a beaucoup de rapport avec la capacité & l’intelligence. C’est proprement la facilité qu’on a acquise de réduire en pratique ses connoissances. La capacité a rapport à la connoissance des préceptes ; elle s’acquiert par l’étude. L’habileté en a davantage à leur application ; elle s’acquiert par la pratique. Avec de la capacité on est propre à entreprendre : avec de l’habileté on est propre à réussir. Ce Médecin a une grande habileté, une grande expérience. Il a été pris pour dupe avec toute son habileté. Ce Charlatan fait des tours de cartes avec une grande habileté. On a souvent employé le mot d’habilité pour habileté. C’est une grande habilité que de savoir cacher son habilité. M. de la R. L’art d’imposer & de se couvrir passe pour une grande habilité parmi les Politiques. Le P. Ra. L’habilité qui n’est point conduite par la justice, doit passer pour fraude & pour tromperie, plutôt que pour habilité. M. Du Bois. Il signifie conduite dans toutes ces phrases. Bouh. Il y a bien de la différence entre l’habilité & la finesse, S. Real. Tacite ne reconnoît presque d’autre mérite que l’adresse & l’habilité. Amelot. ☞ Mais ce terme, dont nos meilleurs Ecrivains ont fait usage, ne se dit plus qu’au Palais. Voy. Habilité.

HABILISSIME. adj. superlatif. Très-habile. Eruditissimus, peritissimus. On ne s’en sert guère que dans le discours ou dans une lettre. Il n’entre point dans un discours sérieux. Bouh.

HABILITATION, s. f. Terme de Jurisprudence. Espèce d’émancipation. Comme en Provence le mariage n’émancipe pas les enfans de famille, on insère dans les contrats de mariage une clause qu’on appelle d’habilitation : elle rend l’enfant habile à faire toutes sortes de contrats, & à acquérir pour lui-même ; mais il n’acquiert pas la faculté de tester : c’est en quoi elle diffère de l’émancipation.

HABILITÉ, s. f. Aptitude. Il n’a guère d’usage qu’en termes de Pratique & dans cette phrase, habilité à succéder. Voyez Habileté.

HABILITER, v. a. Terme de Jurisprudence. Rendre quelqu’un capable de faire, de recevoir quelque chose, lever les obstacles qui l’en empêchoient. Aptum, idoneum reddere. ☞ Habiliter un mineur, c’est le pourvoir d’un curateur, pour être idoine à tester en Justice, soit en demandant, soit en défendant. Un bâtard est habilité par la légitimation à recevoir des successions, des Bénéfices, se faire Prêtre. Habiliter un procès, se dit, quand les parties dressent leurs procédures, leurs pièces, leurs productions, pour être mises entre les mains des Juges, pour avoir droit & jugement.

HABILITÉ, ÉE. part.

S’habiliter. Vieux mot. Etre habile, se montrer habile à quelque chose, être capable. Posse.

Le Roi du Ciel, dont la main merveilleuse
Jette où lui plaît la foudre périlleuse,
Ne s’y pourrait lui-même habiliter.

Marot.

HABILLAGE, s. m. Terme de Cuisinier & de Rôtisseur. C’est la peine que le Cuisinier ou le Rôtisseur a de plumer, de vider, de larder, de piquer, de barder