Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, VI.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34 MON MON


Aux Maldives & dans toute l'Inde, on se sert de petites coquilles pour le même effet, & on en charge des vaisseaux entiers. F. Pyrard. Après la prise du Roi Jean, on fut obligé de faire courir dans le Royaume de la monnoie de cuir.

Les Siamois n'ont point de monnoie d'or dans le commerce ordinaire : le Roi en fait faire par curiosité. Abbé de Choisy.

Avant l'invention de la monnoie, on se servoit de trocs & d'échanges. L'inégalité du prix des denrées a fait voir l'utilité de la monnoie pour faire des achats. Il y a des monnoies d'or, d'argent, de cuivre, de billon, &c. Les monnoies ont leur valeur, suivant le titre, carat, ou denier des métaux dont on les fabrique, & suivant le prix pour lequel il plaît au Prince qui les fait battre, qu'elles ayent cours. Chez le Mogol on décrie, & on refond tous les ans les monnoies. Les Notaires sont obligés de faire mention en quelle monnoie, en quelles espèces ont été faits les payemens qu'ils attestent. On décrie souvent les monnoies étrangères.

La monnoie se divise en monnoie réelle ou effective, & en imaginaire, ou de compte. La réelle, ou effective comprend toutes les espèces d'or, d'argent, de billon, & de cuivre, qui ont cours dans le Royaume. L'imaginaire ou de compte a été inventée pour la facilité du commerce, comme étoit la manière ancienne de compter par parisis ou tournois, ou par écus d'or sol, ou bien celle qui a été observée depuis l'Ordonnance de l'année 1667. de compter par deniers, sols & livres. Telle est la manière de compter en Angleterre par livres sterlin, en Allemagne par florins, &c. Cette monnoie de compte est composée de certain nombre d'espèces, qui peuvent changer dans leur substance, mais qui sont toujours les mêmes dans leur quantité. Par éxemple, la somme de 50 livres est composée de 50 pièces appellées livres, qui ne sont pas réelles, pouvant être payées en Louis d'or, ou Louis d'argent, ou autres espèces ayant cours, sans que pour cela la quantité de 50 liv. soit changée. Boizard, P. I. c. 2. La monnoie imaginaire est un nom collectif qui comprend sous soi un certain nombre de monnoies réelles. Cette monnoie de compte n'est pas sujette au changement ; mais pour la composer, il faut certain nombre d'espèces, qui changent, suivant le temps & les lieux. Ainsi la livre numéraire ne change jamais de valeur ; & depuis le temps de Charlemagne, que l'on s'en sert en France, elle a toujours valu 20 sols, & le sol 12 deniers. Voyez encore Le Blanc, c. 5. des Prolégom. de son traité des Monnoies de France, où il traite de la monnoie de compte, ou numéraire. La monnoie foible est celle où il y a beaucoup d'alliage.

On appelle belle monnoie, celle qui est de poids, & qui a cours facilement, comme les Louis d'or, &c. On appelle l'argent, monnoie blanche. On se servoit autrefois du terme de monnoie blanche, pour signifier la monnoie d'argent, & de celui de monnoie noire, pour marquer celle de billon. Le Blanc, pag. 208.

Ce mot est dérivé de moneta, qu'Antonius Thésaurus, Sénateur de Savoie, dérive à monendo, disant que la marque du Prince avertit qu'il n'y a point eu de fraude dans la fabrication de la pièce de métal qu'il fait passer pour monnoie, comme on voit dans un excellent Traité qu'il a fait de la diversité & du changement des monnoies. Cette étymologie, quoiqu'assez éloignée, est autorisée par Papias, & Claude Bouteroue, qui a fort bien écrit des monnoies de France. Marquardus Fréhérus a écrit des monnoies des Romains ; Nicolas Oresme, Évêque de Lizieux, Précepteur du Roi Charles V. a traité du pouvoir de battre & de changer les monnoies. Willebrodus Snellius, Wolfgang, Sarot, Ézéchiel Spanheim, du Moulin, Budée, Agricola, Covarruvias, Mariana, ont aussi écrit des monnoies. On fit en 1574, une collection de divers traités Latins sur les monnoies, qui fut imprimée à Cologne, in-octavo, & qui comprend ce qu'ont écrit sur cette matière Gabriel Biel, Joannes Aquila, Bilibaldus Pirckeymherus Patricius Nuremberg. Martinus Garratus Laudensis, Franc. Cursius, Joan. Regnandus Avenion. Albertus Brunus Astensis, Carol. Molinaeus, Didacus Covarruvias, Henricus Hornmannus, Consilium Concilii Papiensis. On n'a guère de connoissance de la valeur des monnoies devant Philippe le Bel, vers l'an 1300. parce qu'auparavant on n'avoit pas le soin de les décrire dans les Registres de la Cour des Monnoies. On en voit les noms, les poids, les marques & la valeur tirés de ces Registres, décrits amplement par M. Du Cange sur le mot de Moneta. Monet sur ce mot, a fait un ample Recueil des monnoies Grecques, Latines & Italiques, qu'il a comparées les unes aux autres ; ce recueil est curieux.

Du temps de Saturne & de Janus, il n'y avoit que des monnoies de cuivre, d'où sont venues ces phrases Latines, æs alienum, pour dire, une dette ; & cette formule, per æs & libram, parce qu'on ne les donnoit qu'au poids, aussi bien que chez les Juifs, selon quelques Auteurs, & encore maintenant à la Chine, où l'argent qui sert de monnoie se pèse, & n'a aucune marque ni figure déterminée. C'est aussi du mot d'æs que vient aerarium, qui signifioit Trésor public, où il n'y avoit que de l'airain. Numa établit un corps & compagnie de Batteurs d'airain, qui s'appelloient Ærarii, qui étoient des Monnoyeurs de ce temps-là. On a fabriqué en nos jours de la monnoie d'airain en Suéde, qui pesoit plus de 30 de nos livres, poids de marc. On tient que Janus fut le premier qui fit marquer une monnoie d'airain. On en voyoit l'empreinte sur plusieurs monnoies de Grèce, de Sicile & d'Italie, comme témoigne Athénée ; quoique Pline dise que l'usage des monnoies ne fut introduit à Rome qu'après la défaite de Pyrrhus. Cependant Joseph semble attribuer l'invention des monnoies à Caïn, parce qu'il le fait inventeur des mesures & des poids ; la monnoie y étoit comprise, laquelle dans son commencement n'étoit autre chose. L'Écriture-sainte n'en fait mention que vers l'an du monde 2110. en parlant des mille pièces d'argent, données par Abimélech à Sara, des 400 sicles d'argent qu'Abraham donna au poids aux enfans d'Éphron ; & des cent agneaux, c'est-à-dire, des cent pièces de monnoie d'argent marquées d'un agneau, que Jacob donna aux enfans d'Hémor. Voyez sur ce qui regarde les monnoies des Juifs & des anciens Patriarches, la Dissert. du P. Souciet Jés. sur les médailles Hébraïques. Boizard a dit quelque chose de l'antiquité de la monnoie, au commencement de son Traité des Monnoies. Le P. Souciet en a parlé plus au long dans la Dissertation qu'on vient d'indiquer, p. 67. &;p. 104. &;suiv. jusqu'à p. 142.

La première marque des monnoies étoit composée de points : & parce qu'au temps qu'on ne faisoit que des échanges, les plus grandes richesses consistoient en bestiaux ; on fit imprimer leur figure, ou celle de leur tête, sur les premières monnoies qui furent fabriquées ; Cassiodore, après Varron, Pline, Columelle, &c. remarque que les Latins appellèrent pecunia la monnoie, du mot de pecus, qui signifie toute sorte de bétail. C'étoit un nom qu'ils avoient emprunté des Gaulois. Depuis on a marqué les monnoies des têtes & des armes des Princes, ou de quelques marques qui montroient les origines des États. Jules César fut le premier dont la tête fut gravée sur les monnoies par l'ordonnance du Sénat. Les Romains commencèrent à fabriquer de la monnoie d'or l'an 546. de la fondation de Rome. Ce furent des espèces de 38. à la livre du poids de 159. de nos grains : ce qui approchoit de deux dragmes & demie, elles furent nommées aurei, & valoient environ 14 livres.

Il faut dire le rabais des monnoies, & non pas le rabaissement des monnoies. Le P. Bouhours lui-