Page:Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition, tome premier, A-G, 1932.djvu/13

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Les abîmes de la mer, de la terre, Les immenses profondeurs de la mer, de la terre. La mer ouvrit ses abîmes et engloutit toute la flotte. La terre s’ouvrit jusqu’au fond de ses abîmes.

Prov. et fig., L’abîme appelle l’abîme, Un excès conduit à un autre excès, un crime amène un autre crime.

Fig., Un abîme de malheur, un abîme de misère, Un extrême malheur, une extrême misère. Il est tombé dans un abîme de malheur, dans un abîme de misère.

Fig., Être sur le bord de l’abîme, Être près de sa ruine, de sa perte. Creuser un abîme sous les pas de quelqu’un, Travailler à le perdre.

Abîme se dit encore des Choses qui entraînent à une dépense ruineuse. Le jeu, les procès sont des abîmes.

Il se dit aussi figurément des Choses qui sont impénétrables à la raison, ou qui sont très difficiles à connaître. L’infini est un abîme pour l’esprit humain. La métaphysique est un abîme. Le cœur de l’homme est un abîme.

Il se dit particulièrement des Secrets et des jugements de Dieu. Les jugements de Dieu sont des abîmes. Les abîmes de la sagesse, de la miséricorde de Dieu.

Fig., C’est un abîme de science, C’est un homme extrêmement savant.

Abîme, en termes d’Écriture sainte, signifie quelquefois absolument l’Enfer. Les anges rebelles ont été précipités dans l’abîme. Le puits de l’abîme.

ABÎMER v. tr. Précipiter dans un abîme. Les cinq villes que Dieu abîma. Un tremblement de terre vient d’abîmer toute une ville au Japon. Cette montagne, cette maison s’est abîmée tout à coup. La barque s’entrouvrit et s’abîma.

Il signifie au figuré Ruiner entièrement. Cette affaire l’a abîmé. Des dépenses excessives l’ont abîmé. Il a vieilli dans cet emploi.

Il signifie aussi, figurément et familièrement, Endommager beaucoup. La pluie a abîmé mon chapeau. La rouille abîme le fer. L’ouragan abîma les blés. Ces longues pluies ont abîmé les chemins. Cette robe s’abîme à la poussière. Laisser des meubles s’abîmer à l’humidité.

S’abîmer signifie au figuré S’abandonner complètement à une pensée, à un sentiment, à un genre de vie, s’y plonger. S’abîmer dans ses pensées. S’abîmer dans la contemplation des merveilles de Dieu. S’abîmer dans la débauche, dans les plaisirs. Une femme abîmée dans sa douleur.

AB INTESTAT Locution empruntée du latin. T. de Jurisprudence. Sans qu’il ait été fait de testament. Hériter ab intestat, Hériter d’une personne qui n’a point fait de testament. On dit dans un sens analogue Héritier ab intestat, Succession ab intestat. Voyez Intestat.

AB IRATO Locution empruntée du latin. Par quelqu’un qui est en colère. Par extension, Dans un état de colère. Une satire écrite ab irato. Testament ab irato. Il a pris cette résolution ab irato, Sous l’influence de la colère.

ABJECT, ECTE adj. Qui est dans un état d’abjection. Un homme abject. Une âme abjecte. Un esprit abject. Une créature abjecte. Une physionomie abjecte Des emplois abjects. Des sentiments abjects. Un langage abject.

ABJECTION n. f. État d’abaissement qui attire le mépris de tous. Vivre dans l’abjection. Il s’est relevé de l’abjection, de l’état d’abjection où il était tombé.

Il se dit également de Choses basses et méprisables. L’abjection de ses sentiments et de ses mœurs. L’abjection de sa conduite, de son langage.

Il signifie Objet de rebut, dans cette phrase de l’Écriture sainte : L’opprobre des hommes et l’abjection du peuple.

ABJURATION n. f. Action d’abjurer. Abjuration publique, solennelle. Abjuration de l’hérésie. Recevoir l’abjuration de quelqu’un. Il a fait abjuration de ses erreurs. Cette abjuration de ses anciens principes lui a fait beaucoup d’ennemis.

ABJURER v. tr. Abandonner, par un acte solennel, une religion ou une doctrine. Abjurer le judaïsme. Abjurer son erreur. Absolument, Il abjura dans l’église de Notre-Dame. Après qu’il eut abjuré entre les mains de l’évêque.

Au figuré il signifie simplement Abandonner ce qu’on faisait profession de croire, d’aimer, de pratiquer. Abjurer Aristote, Descartes, Abjurer la doctrine d’Aristote, de Descartes. Elle avait abjuré toute pudeur, tout principe d’honneur et de vertu.

ABLATIF n. m. T. de Grammaire. Cas des déclinaisons latines qui marque généralement un rapport circonstanciel de temps, de lieu, etc. Ablatif singulier, pluriel. Cette préposition régit l’ablatif.

ABLATION n. f. T. de Chirurgie. Action de retrancher du corps une partie morbide. L’ablation du sein, d’une tumeur.ABLE. n. m. ou

ABLETTE n. f. Petit poisson d’eau douce, comestible, dont les écailles servent à la fabrication des fausses perles.

ABLÉGAT n. m. Vicaire d’un légat, ou Envoyé extraordinaire du Pape.

ABLERET n. m. T. de Pêche. Espèce de filet carré attaché au bout d’une perche, avec lequel on pêche des ables et d’autres petits poissons.

ABLUTION n. f. Action de laver. Ce mot, en termes de Liturgie, désigne le Vin que le prêtre prend après la communion, ainsi que le vin et l’eau qu’on verse sur ses doigts et dans le calice après qu’il a communié. Avant l’ablution. Après l’ablution. Quand le prêtre prend l’ablution.

Il se dit aussi d’une Pratique commandée par quelques religions, et qui consiste à se laver diverses parties du corps à des heures déterminées. Les Musulmans font plusieurs ablutions par jour. Les Hindous font leurs ablutions dans le Gange.

Il se dit encore de l’Action de se laver, indépendamment de toute pratique religieuse. Chaque matin il fait ses ablutions.

ABNÉGATION n. f. Renoncement, sacrifice. Je fais abnégation de mon intérêt propre, de ma volonté. Je fais ici abnégation de tout sentiment personnel.

En termes de Théologie, il se dit du Détachement de tout ce qui n’a point rapport à Dieu. Pour s’attacher uniquement à Dieu il fait abnégation de ce que l’homme a de plus cher.

ABOI n. m. Cri du chien. L’aboi de ce chien est fort importun. En ce sens, il est moins usité qu’ABOIEMENT.

Abois, au pluriel, désigne les Cris de la meute qui entoure la bête, et, par extension, la Situation de la bête entourée par la meute. Le cerf est aux abois.

Fig., Être aux abois, se dit d’une Personne qui a épuisé toutes les ressources, qui est réduite à la dernière extrémité. À bout de ressources, il est aux abois. On dit aussi Cette place, cette citadelle est aux abois, Elle ne peut plus se défendre. Sa vertu est aux abois, Elle est bien près de succomber.

ABOIEMENT n. m. Action d’aboyer. L’aboiement d’un chien.

ABOLIR v. tr. Mettre hors d’usage, réduire à néant. Les nouvelles coutumes ont aboli les anciennes. Cette loi fut abolie en fait, sans être formellement révoquée. Cette loi trop sévère, cette coutume bizarre s’est abolie d’elle-même. Le culte des faux dieux fut aboli. Plus d’une fois les Romains firent des lois pour abolir les dettes. Abolir la mémoire du passé. Abolir le passé. Un usage aboli.

En termes d’ancien Droit criminel, Abolir un crime, En arrêter ou en interdire la poursuite judiciaire par un acte d’autorité souveraine. Tout crime s’abolit au bout d’un certain nombre d’années.

ABOLITION n. f. Action d’abolir. L’entière abolition de l’ordre des Templiers. Abolition de l’esclavage. L’Assemblée nationale décréta l’abolition des droits féodaux. Par extension, L’abolition des fonctions du cerveau. Abolition de la volonté.

Il s’est dit aussi du Pardon que le Prince accordait d’autorité absolue pour un crime qui, par les ordonnances, n’était pas rémissible. Lettres d’abolition. Abolition générale. Le Parlement a entériné son abolition.

ABOMINABLE adj. des deux genres. Qui est en horreur, qui mérite d’être en horreur. Crime abominable. Un homme abominable. C’est une abominable calomnie. De pareils écrits sont abominables.

Il se dit, par exagération, de Tout ce qui est très mauvais en son genre. Cette comédie, cette musique est abominable. Une odeur abominable. Il fait un temps abominable.

ABOMINABLEMENT adv. D’une manière abominable. Il se conduit abominablement.

Il se dit aussi par exagération. Il chante, il écrit abominablement.

ABOMINATION n. f. Horreur, dégoût qu’on ressent pour une personne ou une chose. Avoir en abomination. Il est en abomination à tous les gens de bien.

Il se dit aussi de Ce qui est l’objet de l’abomination. Ce méchant homme est l’abomination de tout le monde.

Il signifie encore Action abominable; et, dans ce sens, il peut s’employer au pluriel. C’est une abomination. Ce crime est une des plus grandes abominations qu’on puisse imaginer.

En termes de Théologie, Les abominations des Gentils, Le culte idolâtre des Gentils.

L’abomination de la désolation. Locution tirée de l’Écriture sainte et dont on se sert pour exprimer les Plus grands excès de l’impiété, les Plus grandes profanations, et, par extension, les Plus grands désordres.

ABOMINER v. tr. Détester, haïr. Il s’emploie surtout par exagération plaisante. Je vous abomine de penser de la sorte.

ABONDAMMENT adv. D’une manière abondante. Cette source fournit de l’eau abondamment. Ses larmes coulaient abondamment.

Il signifie quelquefois Amplement. Cela est abondamment expliqué, abondamment démontré dans plusieurs livres. Il y a dans ce sujet abondamment de quoi remplir un poème entier.

ABONDANCE n. f. Grande quantité. Abondance de biens. Ses larmes coulaient en abondance, en grande abondance, avec abondance. Avoir abondance de toutes choses. Une grande abondance de pensées, de paroles, de citations.

Il s’emploie absolument en parlant des Biens de la terre et des choses nécessaires à la vie. Ce fleuve répand l’abondance dans les contrées qu’il parcourt. Pays d’abondance. Année d’abondance. Il vit dans l’abondance. L’abondance a remplacé la disette.

Parler d’abondance, Parler sans réciter de mémoire; et, Parler avec abondance, Parler avec facilité, sans sécheresse, sans chercher ses paroles. Parler, écrire d’abondance de cœur, Parler, écrire avec épanchement, avec une pleine confiance.

Corne d’abondance, Corne remplie de fruits et de fleurs, symbole de l’abondance.

Grenier d’abondance, Magasin servant à tenir en réserve des grains pour les temps de disette.