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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/1003

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1865
1866
BOSSUET


tout saint Augustin et saint Jean Chrysostome. D’amples cahiers de notés lui servaient à garder les textes de l’Écriture et les paraphrases des Pères les plus utiles pour la prédication. (Cf. M. l’abbé Lebarq, Histoire critique de la prédication de Bossuet, in-8°, Paris, 1888.) Durant les années qu’il passa à la cour comme précepteur du Dauphin, il groupa autour de lui de nombreux et savants amis, avec lesquels il consacrait une partie de ses loisirs à l’étude de l’Écriture. C’est ce qu’on nomma le petit concile. L’abbé Claude Fleury, qui en était secrétaire, écrivait les notes rédigées en commun sur les marges de la Bible de Vitré (édit. in-f « , 1662) ; on voit par ce volume, conservé jusqu’à nous, que le concile commenta presque tout l’Ancien Testament. C’est peut-être pendant ces années de préceptorat, peut-être seulement à Meaux, que Bossuet étudia l’hébreu, qu’il n’avait pas appris au collège de Navarre : au reste, il’n’acquit jamais une connaissance approfondie de cette langue. L’évêque de Meaux continua de se pénétrer de l’Écriture jusqu’à son dernier jour ; les ouvrages qu’il composa vers la fin de sa vie le forcèrent de recourir plus qu’il n’avait fait jusque-là aux longs commentaires ; mais il ne cessa de s’attacher au texte sacré lui-même, le relisant fréquemment et couvrant de notes marginales les exemplaires dont il se servait.

Les écrits exégétiques de Bossuet sont, en suivant l’ordre des dates : 1° L’Apocalypse avec une explication, in-8°, Paris, 1689. Dans le même volume, p. 386 et suiv., se trouve l’Avertissement aux protestans sur le prétendu accomplissement des prophéties. Au même commentaire se rapporte l’ouvrage latin De excidio Babylonis apud sanctum Joannem demonstrationes, composé en 1701, contre Samuel "Werenfels et Jacques Iselin, de Bâle, et publié seulement en 1772. — 2° Liber Psalmorum, additis Canticis, cum notis, in-8°, Lyon, 1691. — 3° Libri Salomonis : Proverbia, Ecclesiastes, Canticum canticorum, Sapientia, Ecclesiasticus, cum notis… Accesserunt Supplenda in Psalmos, in-8°, Paris, 1693. — 4° Explication de la prophétie d’Isaïe, sur l’enfantement de la sainte Vierge, Is., c. vij, v. 14, et du pseaume xxi. Sur la passion et le délaissement de Nostre Seigneur, in-12, Paris, 1704.

Bossuet donne de l’Apocalypse l’interprétation historique, qu’il regarde comme la vraie, et réfute par là même les systèmes protestants sur le pape - antéchrist. Selon lui, l’Apocalypse nous découvre le jugement de Dieu sur les ennemis de l’Église naissante : les Juifs (ch. rv-vm inclus.), les hérétiques (ch. IX, ꝟ. 1-12), et surtout Rome païenne (ch. ix, 12-xix inclus.). Le chap. xx se rapporte directement aux derniers temps du monde, qui sont de plus annoncés symboliquement dans le corps de la prophétie : par exemple, . la persécution romaine ligure celle de l’antéchrist. Mais Bossuet se refuse à faire la moindre hypothèse sur la manière dont les choses se passeront dans cet avenir lointain. L’Explication de l’Apocalypse est considérée comme un ouvrage exégétique d’un haute valeur ; un très grand nombre des interprètes catholiques venus après Bossuet acceptent en grande partie ses idées, spécialement sur la prédiction de la chute de Rome.

L’édition des Psaumes et celle des Livres sapientiaux sont le fruit des travaux du petit concile. Bossuet se proposait de revoir toutes les notes prises en commun, de les compléter, et d’offrir ainsi au public sous cette forme des commentaires d’une « juste et suffisante brièveté » (cf. lettre à Nicole, du 17 août 1693) sur tous les livres de l’Écriture. Ce projet ne fut mis à exécution que pour les deux volumes indiqués plus haut. La Dissertatio de Psalmis est un résumé remarquable des notions les plus utiles à celui qui entreprend l’étude des Psaumes. Le texte des Psaumes est publié d’après la Vulgate et d’après la version de saint Jérôme sur l’hébreu. Le grand mérite du commentaire est de bien éclairer le sens littéral en montrant la pensée principale et l’unité de chaque cantique. Dans les Livres sapientiaux, Bossuet met en regard de la Vulgate : pour l’Ecclésiaste, la version de saint Jérôme, tirée de son commentaire ad Paulam ; pour l’Ecclésiastique, la version de Flaminius Nobilius, publiée avec l’autorisation de Sixte V. Les notes sont du même genre que celles des Psaumes et éclairassent la plupart des endroits difficiles. L’explication du Cantique des can^, tiques est plus développée. Tandis que la plupart des exégètes catholiques voient dans le divin poème une pure allégorie, Bossuet, adoptant un sentiment assez rare, et qui n’a pas prévalu, l’explique littéralement de l’union de Salomon avec la fille du roi d’Egypte ; au sens figuratif, sur lequel il insiste, il y montre l’union de Jésus-Christ avec l’Église et avec l’âme fidèle. Il divise l’action en sept journées, suivant l’usage hébreu de célébrer durant sept jours les fêtes du mariage. On trouve dans ce commentaire beaucoup d’art et de délicatesse dans l’exposition, beaucoup de science et de piété dans l’interprétation mystique.

Outre ces commentaires proprement dits, tous les autres ouvrages de Bossuet sont profondément pénétrés par les pensées et même par le style, les tours et les expressions des Livres Saints. « Le fond de tout, disait-il lui-même, c’est de savoir très bien les Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. » (Ecrit composé pour le cardinal de Bouillon.) La Bible fait, en effet, le fond de tous ses écrits. Dans les Sermons, les citations ne sont pas choisies au hasard et jetées çà et là comme des ornements rapportés ; c’est vraiment des Évangiles, de saint Paul et des Prophètes, que l’orateur a tiré sa doctrine et sa morale ; les textes qu’il met en œuvre lui servent de preuves solides, parce qu’ils sont employés la plupart du temps dans leur sens littéral, et commentés d’après la tradition catholique. C’est des Livres Saints qu’est prise l’idée du Discours sur l’histoire universelle (1681), où l’orateur résume les annales du monde en Jésus-Christ attendu et Jésus-Christ donné, et montre la suite et la permanence de la vraie religion au milieu des révolutions des empires. Dans le remarquable, ouvrage intitulé Politique tirée des propres paroles de l’Ecriture Sainte (composé en grande partie pendant le préceptorat, continué de 1701 à 1703, publié en 1709), Bossuet expose la nature, les caractères, les devoirs et les <c secours » (armes, finances, conseils) de la royauté, en appuyant toutes ses propositions sur des textes et des exemples pris de la Bible. Il faut noter cependant que ces preuves, comme les thèses elles-mêmes, sont choisies avec une certaine liberté ; sur quelques points on pourrait trouver, et plusieurs auteurs catholiques ont, en effet, trouvé dans la Bible des arguments pour soutenir des théories un peu différentes de celles de Bossuet ; celui-ci a voulu seulement faire une Politique en rapport avec l’état de la France sous Louis XIV, et il a cherché dans l’Écriture les passages qui convenaient à son dessein. Voir Menochius. Les Méditations sur l’Évangile et les Élévations sur les mystères Récrites dans les années 1692 et suivantes, publiées, les Elévations en 1727, et les Méditations en 1731) renferment d’éloquents commentaires sur plusieurs passages de l’Ancien et du Nouveau Testament, en particulier sur l’institution de l’Eucharistie et le discours après la Cène. La Défense de la tradition et des saints Pères (commencée en 1693, publiée en 1753, et plus complètement en 1862) et les deux Instructions sur la version du Nouveau Testament publiée à Trévoux (1702 et 1703) se rapportent à la polémique de Bossuet contre Richard Simon. L’évêque de Meaux s’élevait à bon droit contre un critique téméraire : parfois cependant il s’en prit un peu trop vivement à la critique elle-même, et il n’eut pas raison sur tous les points de détail. Il faut signaler encore, parmi les opuscules de Bossuet, le Traité de la concupiscence (écrit en 1694, publié en 1731), ou explication de ces paroles de saint Jean : Omne quod est in mundo concupiscentia carnis est, et