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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/103

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ABRAHAM

cheur et leur beauté, au paradis terrestre et à la riante Égypte. Arrivé à Sodome, il s'établit au milieu de ses pervers habitants. Abram demeura toujours sous la tente, Heb., xi, 9, dans la terre de Chanaan, entre la Méditerranée et le Jourdain. Gen., xiii, 1-12.

La séparation opérée, il eut une vision dans laquelle le Seigneur renouvela la promesse de lui donner, à lui et à son innombrable postérité, le pays environnant. En signe de ses droits de future propriété, il pouvait le parcourir dans tous les sens. Il vint donc camper dans la vallée de Mambré, près d’Hébron, où il éleva un autel à Jéhovah, et où il conclut alliance avec les Chananéens.

En ce temps-là, Chodorlahomor, roi des Élamites, envahit la Palestine pour punir la révolte de plusieurs rois ses vassaux. Sodome et Gomorrhe furent pillées, et Lot emmené captif. Abram en fut instruit par un fuyard. Avec trois cent dix-huit de ses serviteurs les plus exercés, et ses alliés chananéens, il poursuivit les ennemis qui se retiraient, et les atteignit à l’extrémité septentrionale de la Palestine, à l’endroit où s'éleva plus tard la ville de Dan. Une surprise nocturne lui donna la victoire. Lot fut délivré, tout le butin repris, et les ennemis repoussés jusqu'à Hoba, au nord de Damas.

Au retour, deux grands personnages, le nouveau roi de Sodome et Melchisédech, roi de Salem, vinrent féliciter Abram. La rencontre eut lieu dans la vallée de Savé. Melchisédech, qui était prêtre du Très-Haut, offrit en sacrifice au Seigneur le pain et le vin, et bénit le vainqueur. Au prêtre qui le bénissait, - Abram donna la dîme de tout le butin. Le roi de Sodome lui laissait toutes les dépouilles ; il n’accepta rien pour lui, en dehors de ce qu’avaient consommé ses hommes, mais il réserva la part de ses alliés.

II. Seconde période.

Comme Abram pouvait craindre le retour des rois vaincus, Dieu, dans la vision qui commence la seconde période de son histoire, Gen., xv et xvi, dissipe ses appréhensions, et lui promet sa protection contre tous ses ennemis. Il lui prédit en outre une très grande récompense. Mais les biens temporels paraissent peu de chose au patriarche, privé d’enfant ; ses richesses passeront aux mains de son serviteur Éliézer. Dieu le console et lui annonce une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Abram crut, et sa foi lui fut imputée à justice. Cet acte de foi, loué par saint Paul, Rom., iv, 3 ; Gal., iii, 6, et par saint Jacques, ii, 23, était très méritoire ; la sainteté d' Abram en fut accrue.

La donation du pays de Chanaan est encore renouvelée. Tout en adhérant absolument dans son cœur à cette promesse, Abram en demande une garantie extérieure, et Dieu, condescendant à son désir, détermine lui-même le rite de leur alliance. Suivant l’ordre divin, Abram immola plusieurs animaux qu’il coupa en morceaux, une tourterelle et une colombe qu’il laissa intactes. Les oiseaux de proie venaient fondre sur les cadavres des victimes, mais il les chassait. Sur le soir, un sommeil profond et extatique et un indicible effroi le saisirent. Dieu lui prédit le séjour de sa race en Égypte durant quatre cents ans, sa servitude et son retour à la quatrième génération, quand les Amorrhéens auront mis le comble à leurs iniquités. Le soleil étant couché, Abram vit, au milieu d’une nuée ténébreuse, une fournaise d’où s'échappait beaucoup de fumée. Une flamme très vive en sortit, et passa entre les membres découpés des victimes. Cette vision symbolique était le signe de l’alliance conclue entre Dieu et Abram, et la garantie extérieure de la donation de tout le pays de Chanaan.

Après dix ans de séjour en Chanaan, Saraï, n’espérant plus avoir d’enfant, proposa à son mari de prendre pour femme l'Égyptienne Agar, sa servante. Abram y consentit, dans le désir de réaliser ainsi les promesses divines. Mais bientôt il dut abandonnera la maîtresse l’esclave, que sa fécondité rendait orgueilleuse. Pour échapper aux mauvais traitements de Saraï, Agar s’enfuit. Sur l’ordre d’un ange, elle retourna chez Abram, et lui donna un fils qui fut appelé Ismaël. Abram avait alors quatre-vingt-six ans.

III. Troisième période. Gen., xvii-xxi.

Treize ans après cet événement, Dieu renouvela son alliance et ses promesses. Dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année, Abram eut une vision. Le Tout-Puissant rattache à la perfection de vie du patriarche l’exécution des promesses précédentes. Le nom d’ Abram, « père élevé, » est changé en celui d’Abraham, « père de la multitude, » pour rappeler l’immense postérité qui lui a été prédite. L’alliance entre elle et le Seigneur sera éternelle ; la terre de Chanaan lui appartiendra. La circoncision devient le symbole et le sceau de l’alliance de Dieu avec les fils d’Abraham. Quant à la postérité promise, elle descendra non pas d’Agar, mais de Saraï, qui désormais s’appellera Sara. À cette annonce, l’heureux patriarche, toujours prosterné à terre, rit d'étonnement et de joie. Les circonstances exceptionnelles de la promesse provoquaient son étonnement : « Pensez-vous qu’un fils naîtra à un centenaire, et que Sara nonagénaire enfantera ? » Saint Paul, Rom., iv, 19, a reconnu dans ce rire l’acte d’une foi inébranlable, qui produisit dans l'âme d’Abraham une augmentation de grâce. Mais la promesse d’un fils de Sara n’implique-t-elle pas le rejet d’Ismaël ? Abraham semble le craindre, et l’amour paternel lui fait demander la conservation de son premier-né. Dieu répète que le fils de Sara sera l’objet de l’alliance éternelle, et précise la date de sa naissance. Ismaël, souche de douze princes, aura une très nombreuse postérité. La vision terminée, Abraham se circoncit, lui, Ismaël et tous les mâles de sa maison, le même jour. Gen., xvii. Voir Circoncision.

Peu après, le patriarche, assis sur la porte de sa tente, pendant la chaleur du jour, eut, dans la vallée de Mambré, une nouvelle apparition du Seigneur. Trois personnages de forme humaine se tenaient non loin de lui. Afin de remplir les devoirs de l’hospitalité, Abraham court vers eux, les salue et les supplie de s’arrêter dans sa demeure. Tandis que Sara fait cuire des gâteaux sous la cendre, lui-même ordonne à un esclave de préparer un veau très tendre et très bon. Du beurre et du lait complètent le repas. Debout sous l’arbre de Mambré, Abraham sert ses hôtes. Ceux-ci, tout en mangeant, demandent des nouvelles de Sara. La réitération de la promesse d’un fils né d’elle était le but principal de leur visite. Le Seigneur, présent personnellement ou par ses envoyés, redit à Abraham que Sara deviendra mère avant un an.

Le châtiment de Sodome et des villes de la Pentapole était le second but de la démarche divine. Le Seigneur daigna l’annoncer à son fidèle serviteur Abraham, qui avait accompagné ses hôtes. Plein de compassion pour les coupables, Abraham intercède en faveur de Sodome. Entre lui et le Seigneur s’engage un admirable dialogue, qui fait ressortir sa foi en la miséricorde divine, et sa hardiesse autant que la touchante condescendance de Dieu, qui cède progressivement aux demandes répétées du grand patriarche. Suivant les traditions locales, cette scène se passait à l’endroit où fut bâti plus tard Caphar-Bérucha. Le Seigneur s’en alla et Abraham, demeuré seul, retourna à sa demeure. Anxieux de connaître le résultat de l’enquête divine sur Sodome et le sort de cette ville, il revint le lendemain, de grand matin, au lieu où il avait adressé la veille sa prière au Seigneur, et d’où il pouvait voir la Pentapole. Ses regards attristés aperçurent le terrible incendie qui dévorait la contrée. Lot cependant était sain et sauf, en considération de son oncle Abraham. Gen., xviii-xix.

Continuant de mener sa vie errante de nomade pasteur, Abraham, peu après cette catastrophe, passa quelque temps au sud de la Palestine, entre Cadès et Sur, et s'établit à Gérare. Sa vie et l’honneur de Sara y courent le même danger que vingt ans auparavant en Égypte. De nouveau il fait passer Sara pour sa sœur. Celle-ci, malgré son âge avancé, est conduite dans le harem d’Abimélech ; mais, averti en songe, le roi de Gérare rend Sara à son mari, auquel il adresse d’amicaux reproches et fait de riches ca-