4, 13, 19. On ne s'étonnera donc pas de lire dans le texte sacré que nul prince d’Israël n’avait encore égalé les iniquités d’Achab.
Le prophète Élie, messager de la colère divine en cette circonstance, alla trouver le roi et lui prédit que la sécheresse sévirait en Israël, et que l’eau ne tomberait pas du ciel qu’il ne revînt lui-même l’annoncer. À trois ans de là, III Reg., xviii, 1, la famine étant extrême, Élie, par l’ordre du Seigneur, se rendit de nouveau près d’Achab, que le fléau avait ébranlé, sans pourtant le convertir au culte du vrai Dieu. Le sacrifice miraculeux du mont Carmel, III Reg., xviii, voir Élie, en convainquant d’imposture les prêtres de Baal, ramena, pour quelque temps du moins, le roi à de meilleurs sentiments. Ce jour-là même, et du consentement d’Achab, la loi de Moïse, qui condamnait à mort les prophètes des faux dieux, Deut., xviii, 20, reçut son application ; les quatre cent cinquante prêtres de Baal furent exécutés. Alors, pour la première fois depuis trois ans, la pluie tomba du ciel, à la parole du prophète Elie, qui ne s’empressa pas moins de disparaître, pour échapper au courroux de Jézabel, irritée de la mort des prêtres de Baal.
Achab semble avoir profité quelque temps des avertissements que Dieu lui avait donnés par l’entremise de son prophète, et sa politique extérieure n’eut qu'à y gagner. Bénadad, roi de Syrie, suivi de trente-deux princes alliés et d’une armée nombreuse, était venu camper jusque sous les murs de Samarie, et tenait la ville assiégée. Une première fois il avait engagé le malheureux prince à se rendre, à des conditions que celui-ci avait eu d’abord la faiblesse d’accepter. Bénadad, appuyé sur le nombre de ses soldats et se croyant sûr de la victoire, ne vit dans les concessions d’Achab qu’un motif d'être plus exigeant. De nouvelles propositions, plus dures que les premières, furent faites à Achab, qui les soumit aux anciens et au peuple de Samarie. Il n’y eut qu’une voix pour les rejeter, et ainsi la lutte fut résolue. C’est alors que le Seigneur intervint. Il rassura le faible monarque, et, pour lui prouver une fois de plus qu’il était le seul vrai Dieu, lui promit la victoire sur ses nombreux ennemis. Achab, en effet, ayant rassemblé ses hommes, comme le Seigneur le lui avait commandé, fit une sortie contre les assiégeants et les mit complètement en déroute. Le même prophète qui lui avait prédit cette victoire s’approcha de nouveau d’Achab, et lui annonça que l’année suivante le roi de Syrie reviendrait l’attaquer.
Au bout d’un an, la parole du prophète recevait son accomplissement : Bénadad inondait de ses troupes la plaine d’Aphec, que l’on croit pouvoir identifier avec El-Fik, situé à l’est du lac de Génésareth, sur la route allant de la Palestine à Damas. Les enfants d’Israël, ayant Achab à leur tête, marchèrent à l’ennemi et vinrent camper en face des Syriens. Or, pendant que ceux-ci couvraient la plaine de leurs nombreux bataillons, les Israélites, qui apparemment s'étaient divisés en deux groupes, ressemblaient, dit la Bible, « à deux petits troupeaux de chèvres. » III Reg., XX, 27. Un homme de Dieu parut encore pour rassurer Achab et lui promettre la victoire de la part du Seigneur. Sept jours durant, les deux armées restèrent en face l’une de l’autre ; enfin, le septième jour, la bataille s’engagea. Cent mille fantassins syriens tombèrent sous les coups des Israélites, et vingt-sept mille, qui étaient restés dans Aphec, périrent sous la chute des murs de la ville. En supposant que ces chiffres nous aient été conservés bien intacts, on ne peut guère expliquer une si sanglante victoire, suivie d’une telle catastrophe, que par l’intervention divine, d’ailleurs promise. Bénadad lui-même tomba entre les mains du vainqueur, qui lui fit grâce de la vie. La paix fut conclue à cette condition que Bénadad rendrait les villes prises par son père au roi d’Israël, et qu’Achab pourrait établir à Damas une garnison, ou, selon une autre interprétation plus vraisemblable, des bazars ou marchés pour ses nationaux. III Reg., xx, 34.
En faisant grâce de la vie au vaincu, le roi d’Israël semble avoir contrevenu à un ordre formel de Dieu, cf. III Reg., xx, 42 ; car un prophète dont la Bible ne nous a pas conservé le nom, mais que Josèphe, Antiq. jud., VIII, xiv, croit être Michée, fils de Jemla, mentionné plus loin, III Reg., xxii, 8, vint blâmer Achab de sa générosité mal entendue pour Bénadad et du traité d’alliance qu’il avait également conclu avec lui. Le prophète, en terminant, signifia au roi qu’il payerait un jour de sa vie la faute qu’il avait commise. Loin de s’humilier devant le Dieu, qui deux fois l’avait délivré, lui et son peuple, de son redoutable voisin, Achab, sans doute enilé de sa victoire, ne montra qu’irritation, et s’en retourna à Samarie mécontent jusqu'à la fureur des avertissements et des menaces du Seigneur. III Reg., xx, 35-43.
La paix avec le roi de Syrie devait durer trois ans. Dans l’intervalle se passa le célèbre épisode de la vigne de Naboth, à Jezrahel, le Zéraïn actuel, où Achab avait un palais. Pour agrandir ses jardins, le roi demanda à Naboth, son voisin, de lui céder sa vigne. Celui-ci s’y refusa, comme c'était son droit. Achab en éprouva un dépit d’enfant, qu’il manifesta en boudant son entourage. Il n'était pas sans savoir apparemment que Jézabel était capable de le consoler de ses chagrins, en mettant à son service une audace qui ne reculait devant rien, pas même devant le crime. À quelques jours de là, en effet, Jézabel avait tout arrangé : Naboth n'était plus. Achab fut prévenu ; il se rendit aussitôt à la vigne de Naboth pour en prendre possession, quand soudain Élie parut de nouveau comme le justicier de Dieu, et prédit à Achab qu’en punition du meurtre de l’innocent, les chiens lécheraient son sang au même lieu où ils avaient léché le sang de Naboth, dévoreraient Jézabel, la principale actrice de ce drame sanglant, et qu’enfin la postérité d’Achab serait un jour détruite. Cette fois Achab reconnut sa faute, en fit pénitence, et Dieu, pour montrer qu’il agrée le repentir même des plus coupables, révéla à son prophète Élie que, le roi s'étant humilié, les malheurs prédits contre sa postérité n’arriveraient pas de son vivant.
C’est à cette époque, selon toute probabilité, qu’il faut placer encore la campagne que fit Achab, comme allié de Bénadad, contre Salmanasar II, roi d’Assyrie. La Bible ne mentionne point ce fait ; mais les inscriptions assyriennes, malgré les divergences chronologiques que nous avons indiquées plus haut et dont nous n’avons pas encore la clef, ne nous permettent guère de douter qu’Achab ait vécu au temps de Salmanasar, et qu’il ait joint ses armes à celles du roi de Syrie contre le puissant monarque des bords du Tigre. Nous possédons, en effet, trois récits de la sixième campagne de Salmanasar ; elle était dirigée contre le roi de Syrie et douze autres rois ses alliés. Layard, Inscriptions in the cuneiform character, pl. 46 et 89-90 ; Western Asiatic inscriptions, t. iii, pl. 8. La plus célèbre de ces inscriptions, gravée sur une stèle trouvée à Kurkh, aux sources du Tigre, et conservée maintenant au British Museum, nous dit que Salmanasar triompha, dans le voisinage de la ville de Qarqar, du roi de Damas, Binidri (= Bénadad, qui est pour Bénadar. Cf. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, p. 200-201 ; J. Halévy, Notes sur quelques textes araméens du Corpus, n° 27, dans Recherches bibliques), ainsi que de ses alliés, parmi lesquels nous lisons le nom d’Aḥabbu, du pays de Ṣirla, c’est-à-dire Achab d’Israël, selon toute apparence. Voici, du reste, le passage principal du texte ; c’est Salmanasar qui parle : « Je partis de la ville d’Argana et m’approchai de la ville de Qarqar. Je renversai la ville de Qarqar, ville de ma royauté ; je la détruisis et la consumai dans les flammes. Douze cents chars, douze cents bit-hal-lu (?), vingt mille hommes de Binidri de Damas ; sept cents chars, sept cents bit-hal-lu (?), dix mille hommes d’Irḥulina, du pays de Hamat ; deux mille chars, dix mille hommes d’Aḥabbu, du pays de Sirla… ( L'énumération des forces alliées continue, et Salmanasar reprend : ) Il (Binidri) prit ces douze