aux faits du ministère de saint Pierre, dont il s’agit au commencement de l’histoire, il s’en est informé exactement auprès de ceux « qui ont tout vu dès le principe », ainsi qu’il nous en avertit lui-même dans le prologue de son Évangile. Saint Luc connaissait donc parfaitement tous les événements racontés dans ses mémoires.
2° Saint Luc a exposé fidèlement les choses comme il les savait. Il nous est connu, en effet, comme un homme d’une probité irréprochable ; d’ailleurs la candeur et la sincérité se laissent toucher au doigt dans ces pages écrites avec une simplicité où rien ne sent la recherche ni le parti pris. Enfin, quand même l’écrivain eût voulu tromper ses lecteurs, il n’y aurait pas réussi ; car les faits dont est tissue son histoire sont pour la plupart des faits publics, illustres, accomplis devant des témoins nombreux. La fraude, s’il y en avait eu, n’aurait pas tardé à être connue et dénoncée.
VII. Difficultés soulevées contre la véracité du livre.
Pour convaincre saint Luc de fausseté, on a tâché de le mettre en contradiction avec saint Paul.
1° On prétend qu’il y a contradiction entre Act., xvii, 13-15 ; xviii, 5, et I Thess., iii, 1-6. L’Apôtre écrit aux Thessaloniciens que, ne pouvant aller les trouver en personne, il s’est décidé à rester à Athènes, et à leur envoyer Timothée, pour les aider de ses exhortations dans leurs tribulations. Selon le récit des Actes, les Juifs de Thessalonique, ayant excité des troubles contre saint Paul à Bérée, en Macédoine, les fidèles conduisirent l’Apôtre à Athènes, tandis que Silas et Timothée demeurèrent seuls à Bérée. Saint Paul, après un court séjour à Athènes, se rendit à Corinthe, et c’est là seulement que Silas et Timothée, partis de Macédoine, vinrent le rejoindre. Timothée ne se serait donc point trouvé à Athènes avec son maître ; d’où il suivrait que celui-ci n’aurait pas pu l’envoyer de là à Thessalonique.
Nous pouvons répondre d’abord à cette objection d’une manière indirecte. Le récit des Actes et les Épîtres de saint Paul se rencontrent à chaque pas, relativement aux détails les plus minutieux de la carrière évangélique de l’Apôtre. Or, s’il y a quelque chose de remarquable, c’est la concordance parfaite que l’on constate entre l’historien d’un côté et l’autobiographe de l’autre. Nous sommes donc en droit de supposer, à priori, qu’en l’endroit spécial objecté, cette concordance existe comme ailleurs ; et, examen fait, si nous ne parvenions pas à la découvrir, le parti le plus sage serait encore d’avouer notre ignorance. Mais nous ne sommes pas réduit à cette extrémité. Pour faire concorder saint Luc et saint Paul, il suffit de suppléer quelque chose à leurs renseignements incomplets. Voici une hypothèse probable qui concilie tout. Saint Paul, arrivé à Athènes, donne ordre à Silas et à Timothée de venir le rejoindre en cette ville. Act., xvii, 15. Ils y viennent. L’Apôtre, avant de quitter Athènes, envoie Timothée à Thessalonique, et Silas dans une autre ville de Macédoine. Pendant que l’un et l’autre remplissent leur mandat, Paul va à Corinthe, où il est de nouveau rejoint par ses deux disciples, revenus de Macédoine. — Il peut encore se faire que l’Apôtre, révoquant l’ordre qu’il avait donné d’abord, ait enjoint à Timothée d’aller de Bérée à Thessalonique sans venir à Athènes, et à Silas d’attendre à Bérée le retour de Timothée.
2° On veut aussi trouver des contradictions dans les trois récits de la conversion de saint Paul, qui sont tous trois donnés dans les Actes, ix, 7 ; xxii, 9 ; xxvi, 14. Au premier endroit, il est dit que les compagnons de Saul, lorsqu’ils entendirent la voix céleste, demeurèrent debout, frappés de stupeur ; au troisième endroit, tous sont couchés par terre au moment où la voix se fait entendre. Il est rapporté aussi, dans le premier récit, que les compagnons de Saul entendirent la voix sans voir personne ; dans le second, au contraire, que ces hommes virent la lumière, mais n’entendirent pas la voix de celui qui parlait avec Saul.
Notons avant tout que le premier récit est le seul que saint Luc donne en son propre nom ; dans les autres passages, il reproduit le récit donné par saint Paul lui-même. Tout ce qu’on est en droit de lui demander dans ces deux passages, c’est qu’il ait rendu fidèlement les discours de l’Apôtre. Quand même ces discours seraient, en quelques circonstances secondaires, en désaccord avec la narration de l’historien, on pourrait tout au plus en conclure que, à plusieurs années de distance, les souvenirs de l’Apôtre ne lui seraient pas restés tout à fait fidèles touchant quelques menus détails, et que saint Luc n’a pas cru nécessaire de rectifier cette légère méprise. Puisqu’il n’est pas certain que l’Apôtre fût inspiré dans ces deux récits, il ne répugne pas absolument que ses souvenirs l’aient trompé touchant des détails qui n’altèrent pas la substance du fait. Mais il n’est pas même nécessaire de recourir à cette supposition. Rien n’empêche d’admettre que les compagnons de Saul, terrassés d’abord par l’éclat de la lumière, se soient relevés aussitôt et aient écouté debout et dans la stupéfaction la voix du ciel. Saul lui-même, terrassé par la lumière, vit Jésus et entendit seul distinctement sa voix. Mais, après le colloque avec le Sauveur, il se leva aveuglé, ne voyant plus rien, quoiqu’il eût les yeux ouverts. Ainsi s’explique , la première antilogie. Pour avoir raison de la seconde, on peut dire que la voix qui interpella Saul fut entendue par tous les voyageurs (c’était peut-être d’abord un bruit inarticulé), mais non celle qui engagea un dialogue avec le seul chef de la troupe.
3° On signale une erreur historique dans la harangue de Gamaliel, Act., v, 36, lorsque celui-ci mentionne comme un fait passé la révolte de Theudas, chef de quatre cents rebelles. D’après Fl. Josèphe, Antiq. jud., XX, v, 1, Theudas fut puni de mort pour crime de rébellion par le gouverneur C. Fadus, c’est-à-dire quatorze ans après le discours de Gamaliel.
Pour qu’on fût en droit d’accuser d’erreur l’écrivain sacré, il faudrait qu’on démontrât : premièrement, que le Theudas de Gamaliel est le même que celui de Josèphe ; secondement, que, cela étant supposé, l’exactitude historique en ce point est plutôt du côté de Josèphe que du côté de saint Luc. Josèphe écrivit son histoire vingt ans après saint Luc, et il n’avait pas eu, comme celui-ci, des relations avec un des disciples de Gamaliel. Or c’est un principe constant en critique que, lorsque deux historiens également sérieux se contredisent dans les circonstances d’un événement, on préfère la relation de celui des deux qui est contemporain de cet événement, et qui se rapproche davantage des personnes mêlées au fait rapporté. Nous serions donc, dans le cas présent, en plein droit de rejeter la relation de Josèphe, et de nous attacher à celle de saint Luc. Mais il y a plus : les deux relations ne se refusent pas à une conciliation. Vers l’époque dont parle Gamaliel, Josèphe place la révolte d’un certain Mathias. Antiq. jud., XVII, vi, 4. Ce Mathias pourrait bien être le Theudas ou Théodas de saint Luc. Car les noms de Mathias, en hébreu, et de Théodas (abrégé de Théodoros), en grec, ont la même signification : « don de Dieu. » Ils peuvent donc avoir été portés à la fois par un même individu, d’après un usage assez fréquent chez les Juifs.
4° On relève dans le discours de saint Etienne des inexactitudes relativement à l’histoire du peuple d’Israël, Act., vii, 4, 6.
C’est à tort qu’on impute ces inexactitudes, si elles existent, à l’auteur des Actes ; elles sont le fait de l’orateur dont saint Luc rapporte les paroles. Le martyr, quoique rempli du Saint-Esprit, n’était pas nécessairement inspiré dans sa harangue. Il pouvait donc se tromper sur quelques points indifférents à la substance des choses, comme l’ont remarqué le V. Bède et plusieurs commentateurs.
VIII. Commentaires principaux.
1° Commentaires anciens.
Saint Jean Chrysostome a écrit sur les Actes un
commentaire homilétique ; Cassiodore (ve siècle), Complectiones in Acta Apostolorum ; V. Bède, Expositio super