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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/219

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AIGUILLON — AIL

la Bible, le traducteur latin s’en est tenu, en l’abrégeant, à la version des Septante :ἑν τῷ ἀροτρόποδι τῶν βοῶν. La leçon du Codex Alexandrinus et de quelques autres manuscrits suppose une manière différente de lire l’hébreu qui mérite d’être notée : ἐπάταξε… [ἑν τῷ ἀροτρόποδι] ἐκτὸς μόσχων [βοῶν] ; c’est une leçon mixte ; les mots que nous avons placés entre crochets représentent la leçon ordinaire (B, N, etc…), et ἐκτὸς μόσχων est une autre traduction de l’hébreu, qu’avait suivie l’ancienne version latine telle que l’explique saint Augustin, Quæst. in Heptat., vii, 25, t. xxxiv, col. 801. Au lieu du mot rare bemalmad, ce traducteur grec lisait la préposition milbad et traduisait : « Il frappa les Philistins, six cents hommes, outre les jeunes bœufs. » Cette leçon, dans laquelle s’évanouit la fameuse arme de Samgar, ne paraît être qu’une tentative pour éviter un mot rare et obscur, mais qui doit être maintenu ; car, sans parler des Septante et de la Vulgate qui témoignent contre milbad, le Targum a lu malmad et y a vu un aiguillon ; de même, la version syriaque qui le traduit par le même mot dont elle s’est servie pour dorbân dans I Sam., xiii, 21. L’étymologie de malmad justifie cette traduction, le verbe lob, lâmad, étant pris à certaines formes dans le sens de « dresser » une génisse ou un jeune bœuf. Cf. Osée, x, 11 ; Jer., xxxi, 17 (18). Le substantif malmad est donc ce qui sert à dresser, c’est-à-dire en Palestine pour les bœufs, l’aiguillon ; aussi le Targum d’Eccle., xii, 11, paraphrase-t-il ainsi dorbôn : « comme l’aiguillon qui instruit le bœuf. » D’après une phrase de la Mischna, Kélim, IX, 6, cf. Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 349, les interprètes et les lexicographes juifs ont bien établi le rapport qui existe entre les deux mots malmad et dorbân ; le premier désigne tout l’instrument d’après sa fonction, et le second plus spécialement la pointe dont il est armé. L’expression malmad doit donc être maintenue dans Jud., iii, 31, avec le sens d’aiguillon, et l’usage palestinien d’aiguillons énormes et redoutables peut, comme l’a bien vu Maundrell, servir de justification et de commentaire à ce passage.

II. Aiguillon désigne encore dans la Bible le dard d’un animal ; les sauterelles de l’Apocalypse, ix, 10, sont armées d’aiguillons (κέντρα ; Vulgate : aculei) à la queue, comme le scorpion. C’est un aiguillon du même genre que saint Paul, d’après les Septante, attribue à la mort. I Cor., XV, 55 ; ποῦ σου θάνατε τὸ κέντρον ; Vulgate : ubi est, mors, stimulus tuus ; mais dans Osée, xiii, 14, qui est ici cité, κέντρον ne rend pas l’hébreu קטבז, qâtobkâ, que la Vulgate traduit : morsus tuus, « ta morsure, » mais qui signifie proprement « fléau, maladie contagieuse ». Les traducteurs grecs et latins n’ont pas fait une version littérale, ils se sont contentés d’exprimer le sens d’une manière générale.

III. Enfin, aiguillon se lit aussi dans la Vulgate, II Cor., xii, 7, où saint Paul dit : datus est mihi stimulus carnis mese. D’après l’interprétation courante de ce passage, stimulus carnis meæ, « l’aiguillon de ma chair, » serait pris au figuré pour signifier l’excitation de la concupiscence ; mais dans le grec ni le mot traduit par stimulus, ni surtout la tournure de la phrase : ἐδόθη μοι σκόλοψ τῇ σάρκι, ne justifient cette interprétation. Elle n’a du reste été connue ni des anciens commentateurs grecs, ni même des latins avant saint Grégoire le Grand. Le mot grec σκόλοψ ne se lit, dans le Nouveau Testament, que dans ce passage ; mais on le trouve usité chez les auteurs profanes, et il est plusieurs fois employé par les Septante dans la version de l’Ancien Testament, Num., xxxiii, 55 ; Osée, ii, 6 ; Ezech., xxviii, 24 ; Eccli., xliii, 19 (21), avec le sens d’ « épine ». Voir surtout Num., xxxiii, 55, où les Chananéens épargnés doivent être pour les Israélites, hébreu : « comme des épines dans les yeux ; » Septante : (σκόλοπες ἐν τοῖς ὀφθαλμοῖς ; Vulgate : clavi in oculis. Sous l’image d’une épine enfoncée en sa chair, l’Apôtre désigne ou les persécutions dont il était victime, comme le pense saint Jean Chrysostome, In II Cor., t. iii, col. 577, ou une maladie, comme le croit saint Jérôme, Comm. in Gal., t. xxvi, col. 381 ; Epist. xxii, t. xxii, col. 417, maladie dont les crises étaient pour lui un sujet d’humiliation, et même une occasion d’épreuve pour les nouveaux convertis. Gal., iv, 13 (14). Mais l’allusion est trop voilée et trop rapide pour qu’il soit possible de dire, malgré les efforts des interprètes, de quelle maladie il s’agit.

J. Thomas.

AIL, hébreu, šûm ; Septante, τὰ σκόρδα ; Vulgate, allia. L’ail ordinaire, altium sativum, a été cultivé de tout temps. C’est une plante herbacée, bulbeuse, de la tribu des Hyacinthinées, de la famille des Liliacées (fig. 63). Elle a une tige d’environ trente centimètres, garnie de feuilles linéaires et planes, et se terminant par des fleure d’un blanc sale, à étamines saillantes. Le bulbe radical, qui est la seule partie comestible, est formé de tuniques minces, blanches ou rougeâtres, accompagnées en dessous d’autres petits bulbes, de forme presque ovoïdes. C’est ce qu’on appelle les « gousses d’ail ». L’ail croît spontanément en Égypte et dans le midi de l’Europe. Il est très estimé et l’on en fait une grande consommation, surtout comme assaisonnement, dans tous les pays chauds. Son nom hébreu, šûm, paraît tiré de l’odeur de l’ail. On croit que son nom latin et français se rattache à la racine celtique ail, signifiant chaud, acre, brûlant, également par allusion aux propriétés de la plante. On sait, en effet, qu’elle a une odeur forte et caractéristique, et un goût acre et piquant. L’âcreté de l’ail d’Égypte est moins grande que celle de l’ail de nos contrées. C’est un excitant énergique, et il stimule l’appétit. L’espèce la plus commune en Orient, et en particulier en Palestine, est celle que nous appelons échalotte, allium Ascalonicum, parce qu’elle fut apportée d’Ascalon en Europe par les croisés (fig. 61). Par sa saveur, elle tient le milieu entre l’ail ordinaire et l’oignon.

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63. — Ail. (Allium sativum.)

L’ail n’est mentionné qu’une fois dans l’Écriture. Parmi les productions de l’Égypte que les Israélites regrettent dans le désert du Sinaï, les aulx sont nommés, Num., xi, 5, avec les concombres, les melons, les porreaux et les oignons. Ils occupent la dernière place dans cette énumération. Fatigué de n’avoir d’autre nourriture que la manne, le peuple murmure ; il voudrait manger de la viande ; il voudrait aussi du poisson, comme il en avait abondamment dans la vallée du Nil, et ces aliments rafraîchissants, les concombres, les melons, qui ne sont pas moins appréciés dans les climats chauds que les porreaux, les oignons et les aulx. Nous savons par les auteurs profanes que ces derniers, quoique peu nourrissants, servaient d’aliment aux anciens Égyptiens. Hérodote, II, cxxv, les mentionne parmi les provisions fournies aux ouvriers qui élevèrent la pyramide de Chéops. Les soldats, les matelots grecs et romains, et les gens de la campagne, en Italie et en Afrique, en faisaient une grande consommation. Cf. Virgile, Ed., ii, 11 ; Pline, H. N., xix, 32. Il en est toujours de même en Orient. Nous avons vu les indigènes manger, en Égypte et en Syrie, des aulx coupés en petits morceaux qui nageaient dans le vinaigre. C’est peut-être le plat que Booz donnait à ses moissonneurs.