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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/226

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AIR — AIRE

signifie « ne pas voir la lumière ». — Saint Paul se sert de deux locutions proverbiales : « parler en l’air, » I Cor., xiv, 9, c’est-à-dire parler en vain, inutilement ; « battre l’air, » I Cor., ix, 26, agir sans obtenir aucun résultat, sans porter coup, par allusion à l’athlète dont le coup se perdait en l’air sans atteindre son adversaire. — Enfin le même Apôtre, dans l’Épître aux Éphésiens, ii, 2, appelle le démon « le prince du pouvoir (ou des puissances) de l’air », des esprits mauvais qui habitent dans l’air, qui sont en grand nombre dans l’air. Cf. S. Ignace, Ep. ad Ephes., 13, t. v, col. 748. Quelques commentateurs ont voulu donner sans raison au mot aer de ce dernier passage le sens de « ténèbres ».

F. Vigouroux.

AIRAIN. On traduit souvent par ce mot Vœs de la Vulgate, qui correspond au χαλκός des Septante, et qui est la traduction de l’hébreu neḥôšeṭ. Le mot latin, comme le mot grec, a le double sens de cuivre et de bronze. Dans l'Écriture, il peut avoir aussi les deux sens de cuivre et de bronze ; mais il a le plus souvent celui de cuivre ; il ne signifie jamais l’airain proprement dit. Ce métal, en effet, est un composé artificiel de cuivre et de zinc, qu’on croit n'être connu que depuis le XIIIe siècle de notre ère. Le neḥôšeṭ biblique primitif est certainement un métal simple, et non composé, comme le prouvent plusieurs passages des Livres Saints où nous lisons qu’on le trouvait à l'état naturel : « Des montagnes [de la terre de Chanaan] tu tireras le neḥôšeṭ (le cuivre), » dit Moïse à son peuple. Deut., viii, 9. Il y avait, en effet, des mines de cuivre en Palestine. Eusèbe, H. E., VIII, xiii, t. xx, col. 776. Cf. Deut., xxxiii, 25 ; Job, xxviii, 2. Dans les plus anciens livres de la Bible, neḥôšeṭ doit donc incontestablement se traduire par « cuivre », et le serpent dit d’airain, Num., xxi, 4-9, était un serpent en cuivre. Nous savons d’ailleurs qu’il y avait des mines de cuivre dans le désert du Sinaï, où fut fabriqué le serpent d’airain, et qu’elles avaient été longtemps exploitées par les Égyptiens. Cf. F. Vigouroux, Les inscriptions et les mines du Sinaï, dans les Mélanges bibliques, 2e édit., 1889, p. 257 et suiv. Voir Serpent d’airain. — Dans les livres de l'Écriture moins anciens que le Pentateuque, neḥôšeṭ peut signifier le bronze, c’est-à-dire un alliage de cuivre et d'étain, qui a été connu des anciens, comme le prouvent les nombreux objets, armes et instruments-en bronze de toute espèce, qu’on a trouvés dans les tombeaux et dans les ruines des cités antiques. Voir Bronze, Cuivre.

Quoique le mot « airain » soit impropre, l’usage oblige de l’employer comme terme noble dans un grand nombre de comparaisons scripturaires où les mots cuivre et bronze ne seraient point acceptés. Le neḥôšeṭ est souvent employé comme une image de la force, Ps. cvi (cvii), 16 ; Jer., i, 18 ; xv, 20 ; Mich., IV, 13, parce que la plupart des armes anciennes étaient en bronze, et dans tous ces passages, comme dans les suivants, on ne peut traduire le mot hébreu en français que par airain, par exemple, dans ce passage d’Isaïe, xlviii, 4 : « Ton front est d’airain, » c’est-à-dire tu es dur, insensible, obstiné, par allusion à la dureté du cuivre ou du bronze. Nous retrouvons une allusion analogue dans le Lévitique, xxvi, 19 : « Je rendrai votre ciel comme du fer, et votre terre comme de l’airain ; » et Deut., xxviii, 23 :


70. — Égyptiens portant des épis à l’aire. Musée du Louvre.

« Que le ciel qui est au-dessus de toi soit comme de l’airain, et la terre que tu foules, comme du fer. » De même dans Job, vi, 12 : « Ma chair est-elle d’airain ? » c’est-à-dire aussi dure, invulnérable. — Comme le cuivre était un métal de moindre valeur que l’or et l’argent, Jérémie, vi, 28, et Ézéchiel, xxii, 18, appellent métaphoriquement des hommes bas et vils des hommes de neḥôšeṭ. Zacharie, vi, 1, parle de « montagnes d’airain », pour dire des montagnes fortes et imprenables. Daniel, ii, 39, appelle l’empire gréco-macédonien « un empire de neḥôšeṭ » avec d’autant plus de justesse, que les Grecs étaient presque exclusivement armés d’armes de bronze, et qu’on les surnommait Ἄχαιοι χαλκοχίτωνες, parce qu’ils étaient « cuirassés de bronze ». — Dans le Nouveau Testament, les mots χαλκός et æs désignent une monnaie de bronze. Marc, vi, 8 ; xii, 41 ; Luc, xxi, 2 (grec : λεπτά) ; Joa., ii, 15 (grec :τὸ χέρμα). Voir Monnaie. Le mot neḥôšeṭ est déjà employé dans Ézéchiel, xvi, 36, dans un sens analogue. — Saint Paul, I Cor., xiii, 1, parle du bruit que produit le bronze sur lequel on frappe, χαλκός ἠχῶν, æs sonans, sans penser du reste à aucun instrument de musique particulier.

F. Vigouroux.

AIRAY Henri, ministre puritain, né en 1559, dans le Westmoreland, en Angleterre, mort prévôt du Queen’s College, à Oxford, en 1616. On a de lui des Lectures upon the whole Epistle of St Paul to the Philippians, in-4o, Londres, 1618, qui donnent une idée exacte du style ordinaire des commentateurs puritains.

1. AIRE à battre le blé, hébreu : gôren ; Septante : ἅλως, ἅλων ; Vulgate : area .Ruth, iii, 2 ; Jud., vi, 37, etc. Surface unie et dure, où l’on bat le froment et les grains en général, qui, pour cette raison, sont appelés « les fruits de l’aire », ou simplement l’aire, Deut., xxv, 4 ; Is., xxi, 10 ; Job, xxix, 12, etc., et souvent mis en opposition avec « les fruits du pressoir », c’est-à-dire avec le vin et l’huile produits par les raisins et les olives foulés dans le pressoir. Deut., xvi, 13 ; Joël, ii, 24 ; Num., xviii, 27, 30 ; IV Reg., vi, 27 ; Osée, ix, 2, etc. Le gôren est proprement un « lieu aplani », parce qu’on aplanissait autant que possible, en battant la terre, l’espace qu’on choisissait pour y construire une aire. Elle avait une forme circulaire, dont le diamètre était probablement, comme aujourd’hui, de quinze à trente mètres, et elle était située en plein air, de préférence sur un endroit élevé, exposé à tous les vents, de manière qu’on put vanner plus aisément le grain battu. Cf. II Reg., xxiv, 16. Il y avait quelquefois plusieurs aires les unes à côté des autres ; elles étaient d’ordinaire permanentes, et quelques-unes étaient très connues. Gen., L, 10, 11 ; II Reg., xxiv, 16, 18. On s’en servait quelquefois comme lieu de réunion, parce qu’elles formaient comme une petite place publique, et aussi sans doute à cause du vent frais qui y soufflait. III Reg., xxii, 10 ; II Par., xviii, 9. Les gerbes ou les épis non liés étaient portés directement à l’aire, soit par des hommes (fig. 70), soit au moyen de chars, Amos, ii, 13, ou d'ânes (fig. 71) et de chameaux, comme on le fait communément aujourd’hui. Il y avait quatre procédés différents pour battre le blé. 1° Les épis étaient éparpillés sur le sol de l’aire et foulés par les bœufs, Deut., xxv, 4 ; Osée, x, 11 ; Mich., iv, 13, comme chez les Égyptiens (fig. 71 et 72). Cette manière de