peuples de la terre de Chanaan. Jos., viii, 2, 24, 27 ; xi, 10-15. — 3° L’obligation de faire périr toutes les créatures humaines était elle-même quelquefois adoucie, et les jeunes filles étaient épargnées et partagées entre les vainqueurs. C’est ainsi que sont conservées les vierges madianites, Num., xxxi, 18, et les vierges de la tribu de Benjamin. Jud., xxi, 11-12.
Les rigueurs du ḥêrém dans la guerre sont expressément justifiées dans l'Écriture, comme nous l’avons vii, par la nécessité de soustraire le peuple de Dieu à la contagion de l’idolâtrie. Deut., xx, 16-18. Il faut, de plus, observer que telle était la loi de la guerre chez les Sémites. Mésa, roi de Moab, dit dans la stèle de Dibon (lignes 11 et 12) : « J’assiégeai la ville (de Cariathaïm), je la pris et je fis périr tout le peuple qui était dans la ville, spectacle (agréable) à Chamos, dieu de Moab. » Voir Mésa. Le second livre des Paralipomènes, xx, 23, nous dit expressément que les Moabites et les Ammonites traitèrent les habitants du mont Séir comme ḥêrém (lehaḥǎrim). Les rois d’Assyrie faisaient de même à l'égard de leurs ennemis (lehaḥǎrîmâm, II (IV) Reg., xix, 11 ; Is., xxxvii, 11 ; héḥĕrîmû, II Par., xxxii, 14) ; leurs inscriptions nous apprennent comment ils faisaient périr ceux qui tombaient entre leurs mains, et entreprenaient toutes leurs guerres en l’honneur de leurs dieux. Tacite raconte, Ann., XIII, 57, qu’un usage analogue existait chez les Germains. Voir aussi ce que dit César des Gaulois. Bell. gall., vi, 17. Des coutumes plus ou moins semblables subsistent toujours chez les peuples dont les mœurs n’ont pas été adoucies par le christianisme, par exemple en Afrique. Voir le P. Marcot, Les missionnaires et l’esclavage au Soudan français, dans le Correspondant, 10 décembre 1891, p. 893.
B) Israélites. — Ce n’étaient pas seulement les personnes étrangères au peuple de Dieu qui pouvaient être « anathèmes » ; l’Israélite pouvait, lui aussi, être ḥêrém. — 1° Les particuliers, les habitants d’une ville d’Israël et la ville elle-même devenaient « anathèmes », comme nous l’avons vu plus haut, s’ils s’abandonnaient au crime de l’idolâtrie, et ils devaient subir les conséquences de leur faute dans toute leur rigueur. Exod., xxii, 19 (yâhôrâm ; Vulgate : occidetur). Deut., xiii, 12-17. — 2° Celui qui s’appropriait un objet frappé d’anathème encourait lui-même le ḥêrém, et devait être exterminé, comme le fut Achan. Jos., vii, 1, 13, 25. Cf. Deut., vii, 25-26 ; II Mach., xii, 40.
C) Animaux et objets inanimés. — Les animaux et les objets inanimés pouvaient devenir « anathèmes » par la volonté d’un Israélite. Voici ce que nous apprend la loi à ce sujet : « Tout ḥêrém qu’un homme consacre (yaḥǎrîm) à Jéhovah (Vulgate : Omne quod Domino consecratur), de ce qui lui appartient, soit homme, soit animal, soit champ, qui est en sa possession, ne sera ni vendu ni racheté ; tout ḥêrém est sanctifié et appartient à Jéhovah ; tout ḥêrém qu’un homme consacre (yâḥǒram) ne sera pas racheté, mais mourra. » Lev., xxvii, 28-29. Le ḥêrém provenant d’un Israélite n'était donc pas de même nature que le ḥêrém divin. Le champ ainsi anathématisé appartenait aux prêtres, Lev., xxvii, 21, de même que d’autres objets qui étaient devenus ḥêrém. Num., xviii, 14 : « Tout ḥêrém (Vulgate : Omne quod ex voto reddiderint) en Israël est à toi, » dit Dieu à Aaron. Voir aussi Ézéchiel, xliv, 29, qui reproduit mot à mot les paroles du texte original de Num., xviii, 14.
Dans Ezéchiel, xliv, 29, la Vulgate traduit, comme aussi ailleurs, ḥêrém par « vœu », quoique le vœu soit une chose fort différente. Voir Vœu. Ailleurs elle rend ḥêrém par « consécration, consacré ». Lev.. xxvii, 28, 29. Elle ne se sert donc pas toujours du mot « anathème » pour rendre le mot hébreu, suivant en cela l’exemple des Septante. C’est que l’hébreu ḥêrém est intraduisible d’une manière exacte dans les langues occidentales, comme nous l’avons remarqué : de là la nécessité de l’exprimer tantôt d’une manière et tantôt d’une autre, selon les cas et les circonstances.
II. Dans le Nouveau Testament.— 1° Le « ḥêrém » dans le Nouveau Testament. — Le gérera s’atténue après la captivité de Babylone. Du temps d’Esdras, il n’entraîne plus la mort, mais la perte des biens (yâḥǒram kolrekûšô) et l’excommunication ou exclusion de l’assemblée des fidèles. J Esdr., x, 8. La mort spirituelle est ainsi en quelque sorte substituée à la mort corporelle. C’est là le châtiment du ḥêrém à l'époque de Notre-Seigneur. Il en est plusieurs fois question dans l'Évangile de saint Jean, ix, 22 ; xii, 42 ; xvi, 2 ; mais celui qui est ainsi excommunié est désigné par un nom nouveau, inventé par les Juifs hellénistes : ἀποσυνάγωγος ; (Vulgate : extra synagogam, Joa., ix, 22 ; e synagoga, Joa., xii, 42 ; absque synagogis, Joa., xvi, 42). Cette expression ne se lit pas dans les autres Évangiles, mais saint Luc, vi, 22, fait aussi allusion à l’exclusion des synagogues et même, d’après plusieurs interprètes, aux divers degrés de l’excommunication juive.
Les rabbins, dans la suite des temps, distinguèrent : 1° l’excommunication temporaire, appelée nidduy, « séparation, » qui durait trente jours. Elle n'était pas accompagnée de malédictions. — 2° Si, au bout du mois, le coupable ne se repentait point, on prononçait ordinairement contre lui la seconde espèce d’excommunication, accompagnée de malédictions, qui était appelée simplement et plus spécialement ḥêrém ; les fidèles devaient se séparer de sa société et s’abstenir de manger et de boire avec lui. Cf. I Cor., v, 11 ; II Joa., 10-11. — 3° Enfin, si le pécheur persévérait dans son impénitence, il était condamné à la peine la plus grave, nommée šammaṭâʾ, « imprécation : » c'était l’exclusion complète de la société des fidèles et l’abandon de l’endurci au jugement de Dieu et à la perte finale. Voir Elias Levita, Sepher Ṭišbî ; Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 1304. — Ces distinctions techniques sont postérieures à l'ère chrétienne. Dans le Talmud, on emploie encore les termes nidduy et šammaṭâʾ comme synonymes. Cependant déjà du temps de Notre-Seigneur, toutes les excommunications n'étaient pas également sévères, et l’on peut voir des degrés divers et une gradation ascendante dans les paroles de Jésus à ses disciples, rapportées par saint Luc, VI, 22 : « Heureux serez-vous quand les hommes vous haïront, quand ils vous excommunieront (vous sépareront de leurs assemblées, ἀφορίσωσιν), quand ils vous injurieront et rejetteront votre nom comme mauvais à cause du Fils de l’homme. » Le Sauveur annonce aux siens, dans ce passage, qu’ils ne seront pas seulement chassés des synagogues, mais qu’ils auront encore davantage à souffrir. Quelques exégètes voient une allusion aux malédictions du ḥêrém ou second degré de l’excommunication juive dans les mots : « Quand ils vous injurieront (ὀνειδίσωσι) et rejetteront (ἐκβάλωσι) votre nom. » Quoi qu’il en soit de ce point, il est certain qu’il y a des allusions aux degrés des excommunications juives dans Matth., xviii, 15-17. Cf. II Thess., iii, 14.
Dans ses Épîtres, saint Paul parle deux fois d’un châtiment qui consiste « à être livré à Satan ». I Cor., y, 5 ; I Tim., i, 20. On a vu dans ces expressions une allusion à la plus grave des excommunications usitées chez les Juifs. L’allusion est possible, mais l’effet de l’excommunication apostolique est certainement différent, d’après le langage même de saint Paul. Les Juifs livraient l’excommunié à la perte finale, tandis que l’Apôtre borne sa sentence « à la destruction de la chair », I Cor., v, 5, c’est-à-dire de la nature corrompue et dépravée, « afin que l’esprit puisse être sauvé au jour du Seigneur Jésus, » c’est-à-dire que le coupable se convertisse.
2° Le mot « anathématiser » dans le Nouveau Testament. — Dans tous ces passages, on voit que l’idée du ḥêrém est restée, mais que le mot a disparu. Dans aucun de ces cas, l’expression « anathème » n’est employée. Elle se rencontre cependant plusieurs fois dans le Nouveau Testament, de même que le verbe àvadEiiatiÇto, « anathéma-