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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/434

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APHRAATE


îlatthai, situé dans la partie syrienne de la Perse, sur la rive gauche du Tigre, à cinq lieues à l’est de Mossoul.

Les Démonstrations traitent de divers sujets de morale et de controverse, et fournissent de précieux témoignages sur la foi et la discipline de l’Église syriaque au iv 8 siècle. Le dogme de la Trinité, la divinité de Jésus-Christ, la maternité divine de la sainte Vierge, l’établissement de l’Eglise, fondée sur Pierre, les sacrements, et en particulier la pénitence et la confession des péchés, y sont exposés et défendus dans un sens orthodoxe. Mais c’est spécialement au point de vue scripturaire qu’Aphraate doit être ici examiné. Or, bien qu’il n’ait pas directement commenté l’Écriture, ses Démonstrations sont néanmoins précieuses pour l’exégèse, à cause des très nombreuses citations qu’elles contiennent. Aphraate, en effet, possédait à fond l’Écriture Sainte ; il la met perpétuellement à contribution, soit qu’il la reproduise textuellement, soit qu’il en prenne seulement la pensée, ou bien encore quelques expressions choisies. Nous allons donc rechercher les livres dont il a fait usage et le texte qu’il a suivi, puis examiner sa méthode d’exégèse.

I. Canon et texte des Livres Saints. — Aphraate cite fréquemment le Pentateuque, qu’il appelle la « Loi » ûrâifâ (la Genèse est spécialement dénommée le « Livre des Générations » ou des « Origines » Sfar tauldâ[â, Dém., xxiii, 44) ; tous les livres historiques, excepté Néhémie et Judith ; tous les prophètes, sauf Abdias ; une grande partie des Psaumes, pour lesquels il paraît suivre la division du psautier syriaque : « David écrit au psaume xc : « Mille ans aux yeux du Seigneur sont comme le jour d’hier qui est passé. » Dém., ii, 14 (la numérotation des psaumes dans la Bible syriaque est jusqu’au cxine celle du psautier hébraïque) ; les Proverbes, qu’il attribue à Salomon, Dém., vii, 14 ; les Lamentations, ûliûtâ, de Jérémie, Dém., v, 8, et les Machabées, Dém., v, 15. Il allègue plusieurs passages d’Esther, Dém., iii, lŒtsuiv. ; un verset du livre de Tobie, Dém., xx, 2 ; il fait aussi allusion à quelques versets de l’Ecclésiastique, et peut-être de la Sagesse, Dém., xx, 2 ; xiii, 5 ; xiv, 45. Le Cantique des cantiques n’est pas explicitement cité. Enfin les parties deutérocanoniques de Daniel et d’Esther, non plus que la prophétie de Baruch, ne sont pas représentées dans les Démonstrations. Mais comme Aphraate n’a pas prétendu dresser le catalogue complet des Écritures, son silence relativement aux livres qu’il n’a pas eu occasion de citer ne prouve rien contre eux. — Un passage de la Démonstration, vi, § 6, offre quelque analogie avec le quatrième livre d’Esdras, vii, 32 etsuiv. ; viii, 52 etsuiv. ; mais la ressemblance n’existe que dans l’idée, et n’autorise pas à affirmer que notre auteur se soit servi de cet apocryphe.

La plupart des livres du Nouveau Testament sont cités par Aphraate : les Évangiles, et en particulier les versets 17 et 18 du dernier chapitre de saint Marc, Dém., i, 17 ; les Actes, qu’il appelle « la Prédication des Apôtres », Dém., xx, 6 ; douze des Épîtres de saint Paul, spécialement l’Épitre aux Hébreux, qu’il attribue expressément à l’Apôtre, Dém-, i, 16, etc. ; il omet l’Épitre à Philémon et la seconde aux Thessaloniciens. Parmi les Épîtres catholiques, la première de saint Jean est seule alléguée, Dém., iv, 11 ; un passage est cité, il est vrai, de la première de saint Pierre, iv, 18, mais sous le nom de Salomon, et par conséquent d’après les Proverbes, Dém., vii, 16. Les cinq autres Épîtres font défaut, ainsi que l’Apocalypse, à laquelle pourtant l’auteur fait une allusion douteuse en parlant à deux reprises de la « seconde mort ». Dém., vu, 25 ; viii, 17. On sait que cette expression n’est pas particulière ù l’Apocalypse, et qu’elle se trouve dans les targums d’Onkelos et de Jonathan.

Les citations de l’Ancien Testament données par Aphraate sont généralement conformes à la Peschito, même en des passages où la version syriaque diffère soit de l’hébreu, Is., lxvi, 16 ; Dém., i, 12, soit de la version des Septante,

D1CT. DE LA DIULE.

Is., Xi, 12 ; Dém., i, 9. Cependant Aphraate s’éloigne de temps en temps du texte de la Peschito, et la divergence, si elle provient quelquefois de ce que l’écrivain cite de mémoire, Is., lviii, 6 ; Dém., iii, 8 ; Ps. lxxxvhi (lxxxvii), 11-12 ; Dém., viii, 10, représente en d’autres cas une meilleure leçon que celle de la Vulgate syriaque, de telle sorte que les variantes fournies par notre auteur pourraient servir à améliorer le texte de la Peschito, par exemple dans les endroits suivants : Deut., xiii, 9 ; Dém., in, 4 ; Jud., vi, 33 ; Dém., xi, 9 ; Nahum, ii, 14 (13) ; Dém., xix, 4 ; Malach., ii, 7 ; Dém., xxii, 16.

Il est remarquable que l’auteur, qui emploie si souvent les textes de l’Écriture, n’ait fait erreur que rarement. Nous n’avons à signaler que de légères fautes, telles que les suivantes : Aphraate attribue à Zacharie le passage d’Amos, viii, 9 ; Dém., i, 11, et à Jérémie le texte d’Ézéchiel, xxii, 30 ; Dém., xiv, 2, 15. Dans l’énumération des fils de Jacob, Gen., xxxv, 20, il donne Gad et Aser comme les fils de Bala, et Dan et Nephthali comme ceux de Zelpha, Dém., xxiii, 43.

Quant au Nouveau Testament, on voit par l’ordre et l’enchaînement’des textes de l’Évangile ( cf. par exemple Dém., ii, 12, 13 et 17 ; xxiii, 20), qu’Aphraate se servait du Diatessaron de Tatien, ouvrage qui jouissait dans les églises syriennes d’une plus grande popularité que les « Évangiles séparés ». Toutefois il semble avoir employé aussi ces derniers, car il cite sous le nom de saint Jean un passage du quatrième Évangile. Joa., iii, 31 ; Dém., vi, 12. Le texte d’Aphraate reproduit le plus souvent celui de l’ancienne version dite de Cureton, dont les fragments, malheureusement très incomplets, représentent un texte plus ancien que celui de la Peschito. Cependant Aphraate s’éloigne parfois du texte des fragments susdits pour suivre la Peschito, ou encore il donne un texte différent à la fois de la Peschito et de Cureton, et peut-être plus ancien que ce dernier. C’est ainsi qu’il traduit constamment par « prier » le verbe grec irapaxaXw, dont le sens biblique est « consoler », Matth., v, 4 ; Luc, vi, 24 ; xvi, 25, ainsi que l’expriment les deux versions de Cureton et de la Peschito. Enfin, dans les parties de l’Évangile où le texte de Cureton fait défaut, comme aussi dans les autres livres du Nouveau Testament, Aphraate s’écarte de nouveau de la Peschito, et semble suivre pareillement une plus ancienne version.

Aphraate fournit quelques citations en dehors des livres canoniques- : « Il leur dit : Ne doutez pas, de peur que vous ne soyez submergés dans le monde, comme Simon, qui, ayant douté, commença à être submergé dans la mer. » Dém., i, 17. « Il est écrit : Le bien doit arriver ; heureux celui par qui il viendra ! Le mal doit se faire aussi ; et malheur à celui par qui il viendra ! » Dém., v, 1. Cf. Resch, Agrapha ( Aussercanonische Evangelienfragmente), dans les Texte und Vntersuchungen de Gebhardt et Harnack, t. v, fascic. 4, p. 279, 3b0. « Comme il est écrit : Il demeurera toujours des justes sous les yeux du Seigneur, et les bons ne cesseront pas d’exister en ce monde. » xxiii, 8.

IL Exégèse d’Aphraate. — Aphraate reconnaît l’Écriture comme divinement inspirée, écrite ou dictée par Dieu : « Sa bouche très sainte atteste (par ces passages, Ezech., xx, 11 ; xxv, 26) que les préceptes de la Loi sont abolis. » « Parlant par la bouche du prophète Jérémie, il a dit : Si je prononce contre un peuple et contre un royaume… » Jér., xviii, 7 ; Dém., vii, 10. « Le Sauveur a dit : L’heure viendra où les morts entendront la voix du Fils de l’homme. » Joa., xxv ; Dém., viii, 3. — L’étude des Écritures, et des livres « qui se lisent dans l’Église de Dieu », Dém., x, 9, est pour lui le fonds de l’enseignement chrétien : « Celui qui lit les Écritures sacrées, anciennes et nouvelles, de l’un et l’autre Testament, celui-là s’instruira lui-même et pourra enseigner les autres. » Dém., xxii, 26. Quoique l’Écriture Sainte puisse être interprétée de diverses manières, « semblable à une perle quk

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