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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/441

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APOCALYPSE

du monde. La troisième classe voit dans toute l’Apocalypse la prédiction des destinées dernières de l'Église au temps de l’Antéchrist, tandis que l’histoire de l'époque primitive de l'Église n’y est touchée que légèrement et comme en passant.

On est assez généralement d’accord pour placer le prologue en dehors de la série des prophéties proprement dites de l’Apocalypse. Celles-ci, en effet, ne commencent qu'à partir du chapitre iv. On admet aussi communément que ces prophéties sont rangées selon l’ordre chronologique des événements qu’elles prédisent, de sorte que les faits prédits par les sept sceaux précèdent ceux qui sont annoncés par les sept trompettes ; viennent ensuite les faits symbolisés par les sept coupes. Quelques prolepses, que l’on rencontre çà et là, ne portent aucune atteinte à cette supposition. Saint Augustin, saint Victorin, Primase, le vénérable Bède et, après eux, quelques modernes sont d’avis que les diverses visions sont en partie ou des récapitulations ou des répétitions visant les mêmes événements futurs. Contentons-nous d’avoir fait mention de cette hypothèse, et montrons brièvement les procédés suivis par les interprètes, selon qu’ils appartiennent respectivement à l’une des trois classes indiquées plus haut.

Première classe. — L’Apocalypse embrasse toute l’histoire de l'Église et célèbre les triomphes que le Christ a remportés sur ses ennemis aux diverses époques de cette histoire. La plupart distinguent dans la prophétie sept visions. Mais ils ne sont plus d’accord quand il s’agit d’en expliquer le symbolisme. Parmi les anciens, l’abbé Joachim (le premier qu’il faut ranger dans cette classe) veut que les sept visions regardent respectivement les sept états des fidèles dans l'Église : les Apôtres, qui fondèrent l'Église ; les martyrs, qui la confirmèrent de leur sang ; les docteurs, qui l'éclairèrent de leur enseignement ; les anachorètes, qui l'édifièrent par leurs vertus ; les vierges, qui en furent l’ornement ; les pontifes, qui la gouvernèrent ; les saints, qui travaillèrent à la réformer par leur parole et par leur exemple.

Au xviie siècle, le vénérable Holzhauser remplace les sept états par les sept âges de l'Église, déjà représentés, croit-il, quoique en raccourci, par les sept lettres du prologue. Il distingue ainsi l'âge séminal ou apostolique (l’ange d'Éphèse) ; l’âge irrigatif ou des martyrs (l’ange de Smyrne) ; l'âge illuminatif ou des docteurs, depuis Constantin jusqu'à Charlemagne (l’ange de Pergame) ; l'âge pacifique ou du règne social du Christ, depuis Charlemagne jusqu'à Charles V (l’ange de Thyatyre) ; l'âge purgatif ou des épreuves salutaires, commençant à Charles V et durant encore, jusqu'à l’avènement d’un saint pontife et d’un grand empereur (l’ange de Sardes) ; l'âge consolatif, préparant les fidèles aux tribulations des derniers temps (l’ange de Philadelphie) ; l'âge désolatif, ou de l’Antéchrist (l’âge de Laodicée). Cet âge se terminera par le dernier jugement.

Cette explication de Holzhauser est acceptée par Haneberg et louée par Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 795. On la trouve déjà en germe dans les idées émises par André de Césarée, Bède et d’autres auteurs anciens, qui donnaient comme symbole des sept âges de l'Église les sept chevaux apocalyptiques, vi, 2 et suiv.

Deuxième classe. — Aucun interprète ancien ne vient s’y ranger. Salmeron fut le premier qui rapporta la première partie, la plus considérable, de la prophétie apocalyptique aux événements des premiers siècles de l'Église. Après lui, Alcazar développa davantage l’explication ; Foreiro y adhéra dans son commentaire sur Isaïe, xxxiv ; mais ce fut surtout Bossuet qui donna une grande célébrité à ce système d’interprétation, qu’il adopta, modifia et exposa magistralement dans un ouvrage spécial, L’Apocalypse avec une explication, Paris, 1689. L’autorité de l’illustre prélat, non moins que les arguments qu’il sut faire valoir, acquirent à son commentaire un grand nombre d’adhérents, parmi lesquels on compte des exégètes distingués, tels que Dupin, Calmet, Lallemant, Bacuez, en France ; en Allemagne, Hug, Stern, Allioli, Scholz, Aberle. Parmi les protestants, plusieurs adoptèrent ce genre d’explication, tels que Grotius et Wetstein.

Bossuet partage l’Apocalypse en trois parties : les avertissements, il. 1-iii, 22 ; les prédictions, iv, 1-xx, 15 ; les promesses, xxi, 1 et suiv. Les prédictions se divisent à leur tour en trois sections.
a) Vengeance de Dieu exercée sur les Juifs, iv, 1-viii, 12. Préparation de cette vengeance dans la vision des sept sceaux. Vengeance exercée sous Trajan et Hadrien, symbolisée par les deux premières trompettes. Motifs des malheurs d’Israël manifestés par la troisième et la quatrième trompette.
b) Les hérésies judaïsantes : ce sont les sauterelles annoncées par la cinquième trompette, ix, 1-12.
c) Ruine de l’empire romain. ix, 13-xx, 15. La grande défaite de l’empereur Valérien, proclamée par la sixième trompette. L’Apôtre déclare, dans la vision de la septième trompette, quelle est la cause de la ruine de l’empire : ce sont les persécutions exercées contre les chrétiens. La plus terrible est celle que suscita Dioclétien ; cet empereur est la Bète de l’Apocalypse, dont le nom vaut 666, c’est-à-dire DIoCLes aVgVstVs. Les sept coupes symbolisent la désolation de l’empire romain, à partir de Valérien. Puis on parle des « sept rois » persécuteurs de l'Église, des dix rois barbares, instruments de la colère de Dieu, qui viennent tour à tour fondre sur les Romains ; enfin la ruine de Rome et de sa puissance est consommée sous Alaric.

L’évêque de Meaux n’ose pas entreprendre de percer le voile qui couvre la prophétie du chapitre xx, dont les événements doivent s’accomplir dans le temps futur.

Allioli explique cette prophétie de la paix dont jouit l'Église après la ruine de l’idolâtrie : cette paix est représentée par le règne millénaire du Christ avec ses saints. Ce règne doit prendre fin pur la venue de l’Antéchrist. Celui-ci renouvellera les persécutions contre l'Église, mais il sera vaincu et exterminé. Après cela auront lieu la résurrection et le jugement universel, et le monde sera renouvelé, xx, 7-xxii, 5.

Troisième classe. — Aucune prédiction de l’Apocalypse ne s’est accomplie jusqu’ici ; la prophétie apocalyptique regarde surtout les derniers temps de l'Église et de ce monde. Beaucoup de Pères de l’Église sont de cet avis : Irénée, Hippolyte, Augustin, André de Césarée, Arétas, Victorin, Primase, Bède. Plus tard, cette opinion se rencontre chez Alcuin, Rupert, Martin de Léon, Ribera, Pererius, a Lapide, etc. De nos jours, elle est soutenue par Bisping, Mgr Krementz, Kaulen, Cornely, etc.

Bisping tire toute son explication du parallélisme qu’il croit découvrir entre l’Apocalypse et la prophétie des soixante-dix semaines de Daniel. Selon lui, Daniel annonce la venue du Messie après les sept premières semaines ; les soixante-deux semaines qui suivent s’occupent de l'édification de Jérusalem, c’est-à-dire de la fondation et de la propagation de l'Église. L’Apocalypse s’occupe des mêmes soixante-deux semaines dans les sept lettres aux Églises d’Asie : ce sont des avis donnés à l'Église pour tous les temps, sans distinction des diverses époques de son histoire. À partir du chapitre iv commencent les prédictions relatives au temps de l’Antéchrist et de la fin du monde. Elles répondent à la soixante-dixième semaine de Daniel, laquelle, dit Bisping, symbolise la même époque. Dans ces oracles apocalyptiques, cet auteur distingue trois actes.

Le premier, iv, 1-xi, 14, après une introduction, décrit divers idéaux et les persécutions de cette époque suprême ; puis il annonce le « jugement » de Dieu sur les Juifs, lequel a pour résultat la conversion de la plus grande partie d’entre eux.

Le second acte, xi, 15-xx, 16, prédit les destinées de l'Église à l'époque de l’Antéchrist, les derniers fléaux qui accableront la terre et annonceront le jugement prochain, enfin le « jugement » de Dieu sur Babylone et l’Antéchrist. Cet acte est suivi du règne millénaire des bienheureux.

Le troisième acte, xx, 7-xxii, 5, donne la « consommation », c’est-à-dire les derniers combats de Satan contre le Christ, le triomphe de celui-