n’ont guère fait qu’utiliser, entretenir, réparer, et le plus souvent laisser tomber en ruines les travaux exécutés antérieurement.
1. AQUILA (Ἀκύλας), nom d’origine latine, ainsi que celui de Priscille, Πρίσκα ou Πρίσκιλλa (diminutif plus familier), que portaient deux Juifs, mari et femme, chez qui Paul reçut l’hospitalité à Corinthe, et dont il se plaît, dans ses lettres, à reconnaître le dévouement à la cause de l'Évangile. Vivant au milieu des païens, à Rome ou ailleurs, ils avaient changé, selon l’usage du temps, leurs noms juifs en noms tout à fait romains. Plusieurs interprètes ont même supposé qu’Aquila était un fils d’affranchi de ce Pontius Aquila qui se trouve mentionné par Cicéron, Ad Famul., x, 33, et par Suétone, Cæsar, 78, comme adversaire de Jules César. En ce cas, le copiste aurait mal reproduit le texte, et en écrivant Ποντικὸν τῷ γένει, il aurait substitué une indication géographique à une indication familiale, et fait naître dans la province du Pont celui qui, probablement originaire de Rome, se rattachait, par l’affranchissement de l’un des siens, à l’illustre famille Pontia. La chose est plus ingénieuse que probable. Aquila était né dans cette province du Pont, au sud de la mer Noire, d’où, rapprochement singulier, sortit un demi-siècle plus tard un autre Juif du même nom que lui, né à Sinope, et qui traduisit en grec l’Ancien Testament, avec un esprit absolument hostile aux idées chrétiennes. Le Pont comptait de nombreuses colonies israélites, et le nom d’Aquila, « aigle, » comme celui des plus nobles animaux, le lion, par exemple, était fréquemment adopté par ceux qui voulaient déguiser leur origine juive, et avoir ainsi plus de liberté dans leurs rapports commerciaux avec les païens. Priscille ou Prisque, comme on disait indistinctement Domitilla ou Domitia, selon qu’on voulait exprimer la tendresse familière ou le respect, pouvait bien être née à Rome même. En tout cas, qu’ils fussent du Pont ou rattachés à la famille Pontia, ils habitaient la capitale de l’empire. C’est là que, comme juifs ou comme chrétiens, car la police impériale ne distinguait pas encore les uns des autres, ils furent atteints par l'édit d’expulsion que porta Claude vers l’an 50 : « Judæos, impulsore Chresto, assidue tumultuantes, Roma expulit. » Suétone, Claud., 25. Quoi qu’en disent certains exégètes, l’occasion des troubles fut non pas un Chrestus quelconque, mais le Christ ou le Messie. Voir Le Camus, L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 351. Ceux qui commettaient une pareille méprise pouvaient bien confondre et juifs et chrétiens sous une même dénomination.
Chassés de Rome, Aquila et Priscille se transportèrent à Corinthe, et c’est là que Paul les trouva fort à propos, pour s'établir chez eux et entreprendre à son aise l'évangélisation de cette grande cité. Il avait appris à Tarse justement le métier qu’ils exerçaient eux-mêmes, et cela lui servit à vivre sans être à charge à personne. Ils fabriquaient des tentes. Cette industrie] des tissus en poil de chèvre, si commune en Cilicie ( voir Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, t. iii, p. 113, et L’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 139), était fort lucrative, et Aquila paraît l’avoir pratiquée sur une vaste échelle, avec des ouvriers qui partageaient ses convictions chrétiennes, et que Paul appellera plus tard « la petite Église qui est dans sa maison ». Est-ce seulement par analogie de métier, ou parce qu’il les savait chrétiens, que Paul se retira chez eux ? Peut-être pour les deux motifs à la fois. Plusieurs supposent que, quand l’Apôtre arriva à Corinthe, au moins Aquila n'était pas chrétien, et ils le concluent de ce qu’il est simplement appelé « un Juif », Ἰουδαῖον, et non pas un disciple ; il est, en effet, classé parmi les Juifs expulsés, πάντας τοὺς Ἰουδαίους, sans autre distinction. Mais cet argument est loin d'être concluant, car il est évident que l’historien n’a qu’une intention en qualifiant Aquila de Juif, c’est d’indiquer sa nationalité et non sa religion. D’autre part, il serait fort surprenant que, s’il fut converti par Paul, ni saint Luc ni l’Apôtre n’aient dit un mot pour l’insinuer. C’est probablement à Rome, où nous supposons que Pierre alla prêcher vers l’an 45, voir L’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 310 et suiv., qu’Aquila et Priscille avaient embrassé la foi chrétienne. Leur zèle pour l'Évangile et leur caractère militant, tels qu’ils nous sont connus d’après le livre des Actes et les Épîtres de saint Paul, portent à croire qu’ils se trouvèrent particulièrement en vue dans l’agitation qui se produisit à Rome, et tout naturellement ils furent des premiers expulsés.
Paul, arrivant d’Athènes à Corinthe, s'établit donc et travailla chez eux. Act., xviii, 1-3. Il y resta, prêchant Jésus-Christ aux Juifs tous les jours de sabbat, dans la synagogue, et aux Grecs quand il en avait l’occasion. C’est à la suite d’une violente sortie contre la criminelle obstination des Juifs, que, pour prouver sa résolution d’aller aux Gentils, en laissant à leur infidélité les fils d’Israël, il quitta la maison d’Aquila et logea chez Justus. Toutefois il ne brisait pas avec les deux époux qui l’avaient si cordialement accueilli, et dont la foi n’avait fait que grandir. Quand il partit pour Éphèse, Aquila et Priscille l’y suivirent. Act., xviii, 19. Là, après que Paul fut parti pour Jérusalem, ils s’occupèrent de gagner à la cause de l'Évangile un prédicateur très éloquent, mais imparfaitement initié à la doctrine de Jésus-Christ, Apollo. C’est à eux que revient le mérite d’avoir fait l'éducation chrétienne et peut-être même la conquête de cet émule de saint Paul, ce qui n’est pas sans quelque gloire. Act., xviii, 26.
À partir de ce moment, le livre des Actes ne parle plus d’Aquila et de Priscille ; mais dans ses Épîtres saint Paul leur adresse, toutes les fois qu’il le peut, un amical souvenir et de sincères éloges. Ainsi quand il écrit à l’Eglise de Rome : « Saluez Prisque et Aquila, dit-il, qui ont travaillé avec moi pour le Christ Jésus ; ils ont exposé leur tête pour me sauver la vie ; et je ne suis pas seul à leur en rendre grâces, toutes les Églises des Gentils partagent ma reconnaissance ; saluez aussi l'Église qui est dans leur maison. » Rom., xvi, 3-5. Quand il écrit sa seconde lettre à Timothée, iv, 19, qui se trouvait sans doute alors à Éphèse : « Saluez, ajoute-t-il, Prisque et Aquila. »
Dans sa première lettre aux Corinthiens, l’Apôtre, qui était alors à Éphèse, ne manque pas de leur envoyer le plus cordial souvenir d’Aquila et de Priscille, chez qui il demeure, absolument comme à Corinthe, et de la part de l'Église qui est dans leur maison. I Cor., xvi, 19. D’où l’on peut conclure que, soit par esprit de prosélytisme, soit dans l’intérêt de leur commerce, Aquila et Priscille se transportaient tour à tour dans les grands centres, Corinthe, Éphèse, Rome, amenant avec eux leurs ouvriers chrétiens, ou réussissant, avec leur zèle intelligent, à grouper autour d’eux, partout où ils s’installaient, assez de fidèles pour que Paul puisse appeler leur entourage de Rome ou d’Éphèse une petite Église.
On sait que, pendant bien longtemps, on a désigné comme la maison d’Aquila et de Priscille la pauvre petite église qui, sur le mont Aventin, porte le nom de Sainte Prisque. La tradition actuelle a malencontreusement modifié l’ancienne, en supposant que l’antique oratoire a été élevé en l’honneur d’une vierge martyre postérieure aux temps apostoliques. Une inscription sur plaque de bronze, découverte il y a quelque temps, dit que l'église avait été bâtie sur la maison d’un certain Marius Pudens Cornelianus. Ce nom de Pudens rappelle celui du patricien fils de Priscille, contemporain des apôtres. Dès lors on peut se demander si les. deux époux juifs dont il s’agit dans cet article ne furent pas des affranchis de la maison de Priscille, mère de Pudens, ayant occupé une de ses maisons sur l’Aventin, maison devenu plus tard une église et à laquelle se seraient rattachés leur souvenir d’abord et puis celui d’une jeune fille morte pour l'Évangile et portant aussi le nom de Priscille. M. de Rossi, avec son admirable sagacité, a cherché à compléter les