et alla se consoler de son échec en guerroyant sur les autres frontières de son empire, et en se construisant un magnifique palais à Ninive, qui devint désormais, jusqu'à la fin de la monarchie, le séjour préféré des monarques assyriens. Sennachérib ayant été assassiné par deux de ses enfants, Adrammélech et Sarasar, IV Reg., xix, 37, Asarhaddon (681-668) succéda à son père, après avoir expulsé les parricides : tout en maintenant les conquêtes de ses prédécesseurs, il envahit et pilla l’Egypte, vainement défendue par. Tharaca, prince éthiopien de la xxv s dynastie, et établit des garnisons assyriennes dans les principales villes. Il tenta aussi de s’annexer l’Arabie, mais les déserts et le climat l’empêchèrent d’y asseoir sa puissance d’une manière durable. Parmi les rois ses tributaires, il mentionne Manassé, roi de Juda, fils d'Ézéchias. Une révolte ayant éclaté en Egypte en 668, Asarhaddon remit le pouvoir à son fils Assurbanipal (668-625 [?]), se contentant de la Babylonie, qu’il gouverna jusqu'à sa mort, arrivée un an plus tard. Durant son long règne, Assurbanipal dut recommencer presque toutes les conquêtes de ses prédécesseurs : l’Egypte, soulevée successivement par Tharaca, Néchao et Ourd-Amen, fut reprise de nouveau et sévèrement châtiée ; l'Élam fut écrasée, et ses principales villes, la capitale surtout, Suse, furent ravagées de fond eh comble. La Babylonie eut le même sort. Après la mort d' Asarhaddon, Assurbanipal lui avait, donné pour roi SamaS-sum-ukin, son propre frère. Celui-ci, ayant suscité contre son aîné une formidable coalition de tous les royaumes tributaires de l’Assyrie, vit ses alliés battus les uns après les autres, ne put se défendre en Babylonie, fut pris et brûlé vif. Manassé de Juda, qui avait trempé dans le complot, eut son royaume ravagé, fut lui-même pris et chargé de chaînes, conduit à Babylone ; puis, contre toute attente, réintégré sur le trône. II Par, , xxxiii, 11-13. Grâce à cette énergie indomptable, soutenue par quelques actes d’utile clémence, Assurbanipal maintint presque partout son autorité. Mais ce qui le rendit surtout célèbre, ce furent ses constructions magnifiques à Ninive et ses travaux littéraires ; il profita de ses conquêtes en Babylonie pour y rechercher et faire transcrire les textes anciens, et il déposa toutes ces copies dans la bibliothèque de son palais, à Ninive.
B eut pour successeur son fils ASur-etil-ilani ( 625 [?] - [?]) Ce prince, au lieu d’une succession brillante, recevait en réalité un empire épuisé, qui succombait sous le poids de toutes ces conquêtes ; les Assyriens ne savaient pas tirer parti de leurs victoires pour fonder d'établissement durable, et il fallait recommencer la guerre à chaque règne nouveau, sur toutes les frontières de l’empire. Vainement changeaiton les dynasties régnantes pour investir dç l’autorité les créatures des Assyriens, comme Osée d’Israël ; les exigences du suzerain rendaient toujours fréquentes les révoltes des vassaux. Le système de la déportation en masse, si largement pratiqué, ne donna pas de meilleurs résultats : les transportés restaient toujours des rebelles, prêts à faire cause commune avec les ennemis de l’Assyrie ; et ceux qui échappaient à la déportation, et qui formaient naturellement le grand nombre, n’en devenaient pas des vassaux plus attachés ni plus fidèles. Ce grand empire, formé de nationalités si diverses et si dépourvues de cohésion, devait bientôt s'écrouler. — Il est impossible de dire avec certitude quel ennemi donna le coup décisif, car les inscriptions assyriennes nous font ici défaut, et l'Écriture ne nous donne que des indications trop vagues : quant aux écrivains grecs, les découvertes assyriologiques nous ont appris à nous défier de leurs récits. Les Cimmériens, chassés d’Europe par les Scythes, envahirent l’Assyrie sous un roi nommé Asarhaddon, que Lenormant, Sayce et Schrader croient postérieur à Assurbanipal. Déjà Asarhaddon Ie ', le père de celui-ci, avait battu les Cimmériens, la quatrième année de son règne, si la restitution proposée par Winckler à la Chronique babylonienne est exacte (677) ; Liais les Scythes les suivirent un demi-siècle plus tard. A
cette époque (625 [?]), Ninive était menacée, assiégée même par un tributaire révolté, Cyaxare ou Vvahsatara, chef des Mèdes. L’arrivée des Scythes obligea Cyaxare à lever le siège, pour aller défendre ses propres États ; mais les envahisseurs, grâce à leur nombre plutôt qu'à leur force, ne purent être arrêtés, et se répandirent dans la Médie et surtout dans toute l’Assyrie, plus riche et plus capable d’exciter leurs convoitises : Ninive échappa au pillage derrière ses fortes murailles ; mais les autres cités assyriennes, Assur et Chalé, furent totalement dévastées ; les Scythes débordèrent même sur le reste de l’Asie occidentale, et ne s’arrêtèrent qu’aux confins de l’Egypte, grâce aux prières et aux riches présents de Psammétique Ier. Mais Cyaxare, leur ayant laissé le temps de s’affaiblir, recouvra son indépendance en joignant à la force la tra ? hison. Quant à Assur-etil-ilani, il essayait aussi de relever l’Assyrie de ses ruines, lorsqu’il mourut, laissant le trône à Sin-ëar-iSkun, après lequel aurait régné encore ASur-ahi-iddin II, suivant Sayce, Schrader et Lenormant. Les historiographes grecs nous ont laissé pour les derniers rois de Ninive les noms-de Saracus et Sardanapale. Ce qui parait certain, c’est que Cyaxare revint à la charge, aidé du vice-roi révolté de Babylone Nabopolassar, peut-être encore des Cimmériens ; et, cette fois, Ninive finit par succomber sous leurs coups ([?] 606), entraînant dans sa chute l’empire assyrien, que les deux vainqueurs se partagèrent entre eux : SchraderWhitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p. 443-471, qui renverse l’opinion de M. de Saulcy, Chronologie des empires de Ninive, de Babylone et dEcbatane, p. 79-80, lequel plaçait la chute de l’empire assyrien en 625 ; A. H. Sayce, Records of the past, 2e sér., t. iv, p. vnxiii ; voir aussi Delattre, Le Peuple et l’empire des Mèdes, p. 122-125. L’Assyrie et ses conquêtes septentrionales échurent à Cyaxare ; tandis que celles du sud, l'Élam, la vallée de l’Euphrate et la Syrie firent partie de la monarchie babylonienne, dont elles subirent désormais toutes les vicissitudes ; quant à Ninive, les menaces des prophètes, Tobie, xiv, 6 ; Nah., ii-m ; Sophon., ii, 13, reçurent un accomplissement si littéral, que, deux cents ans plus tard, on ne connaissait déjà plus d’une manière certaine son emplacement.
C’est seulement en ce siècle qu’on découvrit ses ruines, sous les tells ou collines artificielles, formés par l'éboulement de ses palais et de leurs épais murs de brique crue. Sur les indications du secrétaire de la Société asiatique de Paris, J. Mohl, qu’avaient vivement frappé quelques poteries et inscriptions cunéiformes rapportées antérieurement de Mésopotamie par l’Anglais Rich, Emile Botta, agent consulaire français à Mossoul, pratiqua des fouilles à Koyundjik et à Khorsabad (1842-1845) ; ces dernières mirent au jour le palais du roi Sargon et l’ancienne ville de Dour-Sargani (Khorsabad), dont V. Place acheva l’exploration (1851-1855) ; l’Anglais Austin Layard, ayant repris les fouilles de Koyundjik, que Botta avait laissées interrompues, découvrait Ninive et ses nombreux palais ; d’autres excavations pratiquées par le même explorateur à Nimroud et à Kaléh-Sergat rendaient à la lumière l’ancienne Halah, la Chalé biblique, et Assur, la première capitale de l’Assyrie (1845-1847, 1849-1851). Les Anglais W. K. Loftus (1852-1853) et George Smith (1873, 1874, 1876), ainsi que l’indigène Hormuz Rassam (1852-1854, 1878), achevèrent ces importantes découvertes. Le musée du Louvre a tiré ses principales antiquités assyriennes de Khorsabad, tandis que les riches galeries du Musée Britannique de Londres doivent surtout leurs trésors à Ninive.
Pour juger équitablement l’Assyrie, il ne faut pas la séparer de la Babylonie, sa mère patrie, à laquelle elle se rattache par une communauté d’origine, de développements et d’action extérieure. Sans doute on peut accuser les Assyriens d’avoir trop aimé la guerre, et de s’y être laissé entraîner à des actes de cruauté ; mais ce reproche