Aller au contenu

Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/750

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1347
1348
BABEL (TOUR DE)
« confusion (Babel), car Jéhovah avait là confondu le

angage de toute la terre ». — Bérose, prêtre chaldéen de l’époque des premiers Séleucides, avait laissé un récit analogue dont il nous reste deux versions fort peu divergentes, l’une transmise par Abydène, l’autre par Alexandre Polyhistor, Historié, grsscor. Fragm., édit. Didot, t. ii, p. 502 ; t. iv. p. 282 ; Eusèbe, Chron., i, 18, t. xix, col. 123 ; Preep. Ev., ix, 14. t. xxi, col. 701. La comparaison entre les fragments de Bérose et les textes cunéiformes, partout où elle a été possible, a toujours montré que celui-ci avait puisé réellement ses récits aux sources babyloniennes, et non pas dans les textes hébreux, comme on l’avait prétendu pour infirmer la valeur de ses témoignages corroborant les récits bibliques. — À la vérité, le récit babylonien de la construction de la tour de Babel n’a pas encore été découvert, et l’on n’en a pas non plus retrouvé de trace certaine sur les cylindres babyloniens. George Smith, dans sa Genèse chaldèenne, a bien publié un texte qu’il croyait, comme Chad Boscawen et Sayce le croient encore, avoir trait à cet événement ; mais le texte est si fruste, que la traduction n’offre qu’un mince degré de probabilité ; en outre, il s’y rencontre des mots de sens peu connu, et précisément celui de tammasle [ ?] r qui est traduit par « langage ». Frd. Delitzsch fait remarquer que la traduction des mots les plus décisifs pour le sens du morceau est ce qui laisse le plus à désirer. Smith-Delitzsch, Chaldàische Genesis, 1876, p. 120-124, et Anmerk., p. 310.

Un texte de Nabuchodonosor, fils de Nabopolassar, est allégué avec plus de succès, soit pour le fait lui-même, soit pour la localisation de la tour de Babel et son identification avec le Birs-Nimroud actuel (fig. 401), à Borsippa, àdouze kilomètres des ruines de la ville proprement dite, à dix-huit de celles de la cité royale de Babylone. Ce texte mentionne principalement deux temples, l’un nommé E-sakila (maison au sommet élevé), au nord de Babylone, sur la rive gauche de l’Euphrate, et dont les ruines forment le Babil actuel ; l’autre sur la rive droite, nommé E-zida (maison stable), à Borsippa, localité peut-être autrefois comprise dans l’agglomération de Babylone, dont les ruines forment le Birs-Nimroud. Nabuchodonosor les fit réparer tous les deux et, orner d’une manière somptueuse. Le dernier, en particulier, n’avait jamais été achevé : un roi antérieur (niahru) (cf. The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. xxxviii, col. ii, 1. 62) l’avait commencé, dit Nabuchodonosor, mais l’avait laissé inachevé à la hauteur de quarante - deux coudées ; les eaux pluviales, pénétrant les briques d’argile crue, l’avaient même fait tomber en ruines. Nabuchodonosor le répara entièrement, puis l’acheva. Cette traduction, qui est certaine, ne laisse aucune place à la confusion des langues, à laquelle le savant M. Oppert avait cru y voir une allusion ; ni à là date reculée « depuis les jours du déluge », que le même savant croyait voir attribuée à la pyramide : la formule « après le déluge » n’est pas inconnue à la langue assyrienne, où elle se lit arki abubi ; ultu umi rukuti, employé par Nabuchodonosor, est une formule d’usage fréquent, signifiant « depuis des jours éloignés ». Ces jours éloignés, et l’absence de désignation du sarru mahru, du « roi antérieur », sont les seuls traits qui permettent d’attribuer à cette inscription quelque relation avec la tour de Babel Cf. Cuneif. Inscript, of West. Asia, t. i, pi. 41, col. i, 1. 27 ; col. ii, 1. 15.

2° Site de la tour de Babel. — Le récit biblique nous apprend, comme Bérose, que la tour de Babel s’élevait à Babylone. C’est pourquoi H. Rawlinson la place aux ruines de Tell-Amram (Smith-Sayce, Chaldxan Account of the Genesis, 1880, p. 74, 171), dont M. Oppert fait les ruines des jardins suspendus ; Eb. Schrader, dans Biehm, Handwôrterbuch des biblischen Allertums, t. i, p. 138, incline plus visiblement, suivant l’opinion de Pietro délia Valle au siècle passé, pour l’amoncellement de ruines appelé le Babil, tandis que dans The Cuneiform Inscrip tions and the Old Testament, t. i, p. 108, il laisse le choix entre le Babil et le temple de Borsippa ou Birs-Nimroud. Le nom de Babil semble être un souvenir traditionnel, et la situation du Babil dans Babylone même paraît aussi convenir aux exigences du texte biblique. — M. Oppert s’arrête au Birs-Nimroud, Expédition en Mésopotamie, 1. 1, p. 200-216 ; Id-., Études assyriennes, p. 91-132, après Ker Porter et Rich, ainsi que A. H. Sayce, Lectures on the religion of the ancient Babylonians, p. 112, 113, 405-407. La tradition talmudique est en faveur de Borsippa : « Un homme à qui l’on demandait de quel pays es tu ? ayant répondu : de Borsoph (Borsippa). — Ne réponds pas ainsi, mais dis que tu es de Bolsoph, parce que c’est là que Dieu a confondu la langue de toute la terre

[[File: [Image à insérer] |300px]]
402. — Tour a étages.

Bas-relief assyrien. D’après G. Smith.

(b’ial s’pha). » Cependant entre l’époque de la composition du Pentateuque et celle de la compilation des légendes qui remplissent le Talmud de Babylone, d’où Buxtorf a tiré ce récit, Lexicon talmudicum, col. 313, il serait désirable d’établir quelques étapes : or la Bible n’a plus aucune allusion à la tour de Babel, même dans les oracles des prophètes contre Babylone. Il faut aussi avouer que beaucoup des localisations proposées par le Talmud pour la Babylonie sont fausses. De plus, Borsippa est à douze kilomètres au sud-ouest de l’ancienne Babylone : la Bible ne paraît pas supposer une telle distance. Il est vrai que Borsippa est enfermée dans l’enceinte extérieure, telle que la représente M. Oppert ; mais outre que cette immense étendue de Babylone paraît suspecle à beaucoup de savants (cf. G. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, p. 534-535), il n’est guère probable que ces limites extrêmes fussent atteintes au temps où nous reporte la Genèse ;

3° Forme de la tour. — Bien qu’on ne connaisse donc pas avec certitude l’emplacement de la tour, il est facile de s’en faire une idée, car elle devait être bâtie suivant le plan unique adopté en Babylonie pour les constructions de ce genre (fig. 402), et dont on retrouve les vestiges dans les plus anciennes des pyramides d’Egypte, telles que celles de Saqqarah et de Meydoum. Ce sont de véritables cubes de maçonnerie, carrés ou rectangulaires, empilés par ordre de dimensions décroissantes : un plan incliné ou un escalier mène d’un étage à l’autre. Le nombre des étages varie ; les plus anciennes tours, celles d’Ur des Chaldéens et d’Arach, par exemple, n’en ont que deux ou trois ; le Birs-Nimroud en comptait sept, outre la haute terrasse sur laquelle se dressait le monument. Cf. Hérodote, i, 181 ; G. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, p. 547 ; Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. ii, p. 381-407. Chaque étage était peint d’une