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ABILA — ABÎME

La ville d’Abila n’est point mentionnée dans l'Écriture, mais elle donne son nom à l’Abilène, dont parle saint Luc, iii, 1. Cet évangéliste est d’ailleurs le premier qui ait mentionné le nom de ce pays. Pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne, Abila fut le siège d’un évêché dépendant du patriarcat d’Antioche. Un de ses titulaires, appelé Jourdain, assista au concile de Chalcédoine en 451 ; un autre, Alexandre, est nommé sous l’empereur Justin, en 518.

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6. — Abila.

Les Sarrasins prirent et saccagèrent la ville en 634, en mettant à profit une foire annuelle, qui avait réuni en ce lieu, où il y avait un monastère célèbre, un grand nombre de marchands chrétiens, d’où le nom de Souq (ou foire)-Ouadi-Barada, qui lui a été donné depuis. Voir E. Robinson, Later Biblical Researches in Palestine, 1856, p. 478-484 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, 2 in-8°, Londres, 1855, t. i, p. 262-273 ; Id., The Rivers of Damascus, dans le Journal of sacred Literature, juillet 1853, new séries, t. IV, p. 248-255 ; Eberset Guthe, Palästina in Bild und Wort, 2 in-fol., Stuttgart, 1883, t. i, p. 456-460 ; Furrer, Die antiken Städte und Ortschaften im Libanongebiete, dans la Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins, année 1885, t. viii, p. 40 ; E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, 2e édit., l. 1, part, ii, Leipzig, 1890, p. 600-604.

Il existait dans la Décapole, à l’est du lac de Tibériade, une autre ville du nom d’Abila, qui a été quelquefois confondue à tort avec celle de l’Anti-Liban. Voir Décapole.

F. Vigouroux.

ABILÈNE (Ἀϐιληνή, Luc, iii, 1), tétrarchie dont Abila était la capitale. Voir Abila. On ne peut déterminer exactement quelle était l'étendue de territoire qu’embrassait cette tétrarchie et ses limites géographiques. Elles varièrent d’ailleurs sous les différents princes qui la gouvernèrent. L’Abilène comprenait sans doute le district du haut Barada, au-dessus d’Abila, et s'étendait peut-être au sud jusqu'à l’Hermon. Elle devait, en tout cas, renfermer à l’ouest le versant oriental de l’extrémité méridionale de l’Anti-Liban, et une partie des riches vallées arrosées par le Barada. C’est un pays fertile, bien boisé, arrosé par de nombreuses sources et abondant en pâturages. Autant le versant occidental de l’Anti-Liban est aride et désolé, autant, en général, le versant opposé est riche et verdoyant. Pour ce qu’on connaît de l’histoire de l’Abilène, voir Lysanias.

F. Vigouroux.

ABIMAËL (hébreu : ʾAbimâʾêl, « mon père est force, » ou « père de Maël » ; Septante : Ἀϐιμαέλ), descendant de Jectan. Gen., x, 28 ; I Par., i, 22. On le considère généralement comme le père d’une des tribus arabes du sud. Bochart croit que cette tribu est celle des Mali ou des Minéens. Le nom d’Abimaël, en arabe, serait Aboumaïl ou Aboumàl, ce que l’on peut interpréter par « père de Mali ou des Malites ». Mali est le nom d’une tribu de la péninsule arabique, mentionnée par Théophraste, Historia plantarum, IX, 4. Cette tribu paraît être la même que celle des Minéens, dont parlent Ëratosthène dans Strabon, xvi, p. 1112, et Denis Périégète (édit. Bernhardy, vers 956-959, p. 288), par l’effet de la permutation de l et de n. Ptolémée, VI, vii, nomme aussi des Manites (Μανίται) dans le voisinage des Minéens. Cf. Bochart, Phaleg, ii, 24, Opera, Liège, 1692, t. i, col. 127-128. Dans les environs de la Mecque, il y avait une localité appelée Mani. Aboulféda, Arabia, édit. Gagnier, p. 3, 42. Cf. Michælis, Spicilegium, t. ii, p. 179 et suiv.

F. Vigouroux.

ABIME. Mot par lequel nous rendons en français le terme latin de la Vulgate abyssus. Abyssus n’est lui-même que le mot grec ἄϐυσσος latinisé, lequel, d’après l'étymologie commune, est composé de l’α privatif et de βυσσός = βυθός, « fond, » et signifie, par conséquent, « sans fond. » Les auteurs profanes, à l’exception de Diogène Lærce, IV, v, 27, ne l’emploient jamais comme substantif, mais toujours comme adjectif. Les Septante et les écrivains du Nouveau Testament s’en sont servis comme d’un substantif, d’où le substantif abyssus de notre Vulgate. Par la traduction latine des Livres Saints, le mot abyssus est devenu familier à tous les Pères et écrivains ecclésiastiques de l'Église latine ; mais il était inconnu aux auteurs classiques et on ne le rencontre jamais dans leurs écrits.

Le mot « abîme » a, dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, deux sens très différents. 1° Dans l’Ancien Testament, il est la traduction du mot hébreu חהרס, ṭehôm, qui désigne les eaux primitives, Gen., i, 2 ; Ps. ciii (hébreu, civ), 6, et la mer, Gen., vii, II ; viii, 2 ; Exod., xv, 5, 8 ; Job, xxviii, 14 ; xxxviii, 16, 30 ; xli, 23 (24) ; Ps. xxxv (xxxvi), 7 ; lxxvi (lxxvii), 17 ; cv (cvi), 9 ; cxxxiv (cxxxv), 6 ; Eccli., i, 2 ; xiii, 18 ; Is., li, 10 ; lxiii, 13 ; Ezech., xxvi, 19 ; xxxi, 15 ; Amos, vii, 4 ; Jonas, n, 6 ; Hab., iii, 4, etc. Par extension, ṭehôm, abyssus, signifie les eaux souterraines, considérées comme une mer invisible, qui alimente les sources et les fleuves, Gen., xlix, 25 ; Deut., xxxiii, 13 ; Ps. xli (xlii), 8 ; Ezech., xxxi, 4. En hébreu, le mot ṭehôm est principalement employé dans des passages poétiques, et correspond, dans le parallélisme synonymique, au mot yâm, « mer, » ou maïm, « eaux. » Job, xxviii, 14 ; Ps. lxxvi (lxxvii), 17, etc. C’est certainement une expression archaïque, qui était tombée en désuétude dans la langue vulgaire ; mais comme dans tous les temps la poésie a aimé les archaïsmes, les poètes hébreux empruntèrent le mot (ehôm à la Genèse. Il a disparu de toutes les autres langues sémitiques connues avant ce siècle : de là la difficulté qu’avaient les lexicographes à en expliquer l’origine. La découverte et le déchiffrement de la langue assyrienne ont éclairci ce terme mystérieux. Il est resté constamment en usage dans cette dernière langue, pour signifier la mer, sous la forme tihamtu (correspondant au ṭehômôṭ hébraïque). Nabuchodonosor dit, par exemple, dans l’inscription de Londres : istu lihâmti ʿaliti adi tihdmti sâpliti, « depuis la mer supérieure jusqu'à la mer inférieure. » Cuneiform Inscriptions of Western