exégètes, le soixante-dixième) des fils de Gédéon, Jud., viii, 30, 31 ; cf. ix, 5, et était né à Sichem. Lorsqu'à la mort de son père il vit que sa qualité de fils d’une concubine l’empêchait de participer à la succession, son ambition lui fît concevoir un projet aussi cruel qu’audacieux : il rêva de devenir roi d’Israël. Peut-être la modestie de son père, refusant naguère l'établissement de la royauté dans sa descendance, Jud., viii, 22, 23, avait-elle été pour lui l’occasion de ce désir. Depuis la mort de Gédéon, ce désir se transforma en une volonté arrêtée, au service de laquelle l’ambitieux mit les plus sauvages passions. Calomnier tous ses frères, pour les faire tous disparaître et pouvoir régner sans rival, tel fut son plan. Il s’en alla à Sichem, le pays de sa mère, où il comptait trouver des appuis pour l’exécuter. Là, en effet, il rencontra des oncles maternels qui l'écoutèrent, et se firent volontiers ses émissaires pour former un parti. Par leur intermédiaire, la haine des fils de Gédéon fut soufflée au cœur des Sichémites. On répandit le bruit que ces soixante-dix étrangers allaient se partager le pays et le réduire en une insupportable servitude. Ne vaudrait-il pas mieux pour Israël le gouvernement d’un seul homme, choisi dans leurs rangs, connaissant leurs besoins et tout dévoué à leurs intérêts ? Cet homme, ce compatriote (os vestrum et caro vestra, Jud., ix, 2), c’est Abimélech. Le succès était facile. À quelle famille ne plairait-il pas de voir quelqu’un de son sang, de son esprit, de sa religion, au pouvoir suprême ? D’après Stanley, Jewish Church, l. 1, p. 353, le parti d’Abimélech se serait étendu au point de constituer une véritable ligue entre Sichem et les cités voisines, comme Thébès et Arumah, qui plus tard, et sans doute pour les mêmes motifs, suivirent Sichem dans la révolte. L’enthousiasme était tel, qu’on n’hésita pas, pour couvrir les frais du complot, à enlever du trésor du temple une somme de soixante-dix sicles (deux cents francs environ), qui y était en dépôt. Jud., ix, 4. Ce temple était dédié à Baal, le dieu Soleil, divinité que les Sichémites s'étaient choisie, au mépris de Jéhovah. Jud., viii, 33. La Vulgate a reproduit ici, Jud., ix, 4, les deux mots hébreux Baʿal beriṭ, les unissant en un seul nom propre, tandis qu’au chapitre précédent, elle les sépare et en donne la traduction : « le Baal de l’alliance, » Jud., viii, 33, ainsi nommé sans doute parce que, par une sorte de parodie du culte de Jéhovah, les Sichémites contractaient alliance avec lui. Hengstenberg, Beiträge zur Einleitung ins Alte Testament, Berlin, 1839, t. iii, p. 98.
Quant à la provenance de ce trésor, on pense qu’il avait une double origine : il se composait des biens propres du temple et de ceux des particuliers qui, pour plus de sécurité, y déposaient leur argent, cf. II Mac, iii, 10-11, de même qu’on voyait les personnes s’y réfugier. Plus d’une fois, dans l’histoire du peuple juif, le trésor du temple sera employé pour des menées politiques, comme dans cette circonstance, III Reg., xv, 18 ; IV Reg., xviii, 15-16. Il est à noter que le nombre de sicles enlevés et mis à la disposition de l’aventurier est égal à celui de ses frères. On dirait que la tête de chacun d’eux est payée à l’avance avec cet argent. Cette somme, toute minime qu’elle est, suffit à soudoyer quelques vagabonds avides de butin et d’aventures. À leur tête, Abimélech marcha sur Éphra, sous quelque prétexte parvint à réunir ses frères, et, aidé de ses sicaires, il les fit tous mourir. Ce fut une exécution en règle : l’un après l’autre et sur la même pierre, Jud., ix, 5, ils furent massacrés. Le texte dit que les soixante-dix frères périrent, parce que tel était le nombre de ceux qu’Abimélech voulait tuer ; en réalité, soixante-neuf seulement succombèrent : le dernier s'échappa et survécut, pour assister plus tard à la ruine de son persécuteur.
Abimélech, se croyant seul maître, se fit proclamer roi (mélék), comme il l’avait rêvé. C'était la première fois qu’un chef des Hébreux osait prendre ce titre. L’investiture royale conserva d’ailleurs la simplicité de l'époque patriarcale. On se rendit à un chêne ou térébinthe voisin de Sichem.
L’hébreu ʾêlôn mûṣâb, que la Vulgate rend par quercum quæ stabat, est traduit par plusieurs exégètes : « près du chêne du poste de Sichem, » parce que dans Isaïe, xxix, 3, le mot mûsâb désigne un poste militaire. D’autres voient dans mûsâb (participe passif hophal) un objet qui a été et demeure dressé, une sorte de monument, et traduisent : « près du chêne du monument. » Quoi qu’il en soit, c’est là que le meurtrier de ses frères fut acclamé roi par les habitants de Sichem et ceux de la maison de Mello (Bêṭ Millôʾ ; Septante : Οἲϰος Βηθμααλώ). Cette expression est obscure : peut-être désigne-t-elle la tour dont il est question plus loin, y. 46-49, car le mot Millôʾ est dérivé de mâlâʾ, qui est employé dans la Bible dans le sens de château fort, citadelle. Voir Mello. Il est possible qu’après son élection, Abimélech ait reçu l’onction royale, à laquelle Joatham semble faire allusion, v. 8. Avec le titre de roi, Abimélech inaugura un essai d’administration, dont le premier fonctionnaire fut Zébul, gouverneur de Sichem. Il y eut aussi un commencement d’organisation militaire et financière, toutes choses nouvelles en Israël. Pour le nouveau roi, il s’en alla vraisemblablement résider dans l’héritage paternel, à Éphra, d’où nous le verrons plus tard se mettre en marche sur Sichem.
Le plan d’Abimélech était réalisé et son ambition satisfaite, lorsque s'éleva une protestation. Elle venait de Joatham, le fils de Gédéon échappé comme par miracle au massacre. Ce fut pour le tyran une cruelle surprise, quand on lui annonça que, sur l’un des contreforts du Garizim les plus proches de Sichem, Joatham s'était montré vivant ; qu’il avait, sous forme d’apologue, excité les Sichémites à la révolte, comparant Abimélech leur roi à un buisson d’où sortirait bientôt un feu qui dévorerait tous ses sujets ; enfin que le peuple avait écouté ce discours sans protester. Jud., ix, 7-20. Non seulement il ne protestait pas ; il commençait à porter avec peine le joug qu’Abimélech faisait peser sur lui. Cruel envers ses sujets comme il l’avait été envers ses frères, il régnait (l’hébreu porte ici ṡârah, « dominer, » au lieu de mâlak, « régner ») depuis trois ans sur Sichem et une partie de la Palestine, lorsque la révolte éclata. La Bible dit sans restriction que sa domination s'étendait sur Israël, v. 22 ; mais il faut manifestement entendre cette expression dans un sens restreint, puisque Béra, qui était en Palestine, n'était pas soumise à son autorité, v. 21. C’est de Sichem, sa capitale, la ville de son élection, que partit le mouvement insurrectionnel, mouvement dirigé par la main de Dieu, qui, à cette heure de ses justices, permettait à l’esprit mauvais de souffler la discorde et la rébellion jusqu'à amener ceux qui naguère avaient acclamé l’assassin de ses frères à lui reprocher cette exécution comme un crime abominable. Abimélech n'était pas à Sichem quand s’ourdit le complot, mais il devait y venir prochainement, et voici ce qu’on avait résolu. Les Sichémites se porteraient en armes sur les hauteurs voisines et se cacheraient en embuscade dans les retraites de l'Ébal et du Garizim. Ils l’attendraient, se jetteraient sur lui au passage, et Israël serait délivré. Cette poignée d’hommes trouva un chef dans un inconnu nommé Gaal, fils d’Obed, qui, plus violent que les autres, porta à son comble l’exaspération des Sichémites contre Abimélech, v. 26-27. C'était l'époque des vendanges. Il est indubitable que le dévastant les vignes de la Vulgate, Jud., ix, 27, est fautif, et doit se traduire littéralement par « ils vendangeaient les vignes » ; car le verbe baṣâr, que saint Jérôme rend par dévastant, désigne partout ailleurs dans la Bible l’action de vendanger. Lev., xxv, 5, 11 ; Deut., xxiv, 24. De même, l’expression foulant le raisin n’indique point le pillage des vignes, mais l’action d’exprimer le vin en foulant le raisin ; c’est le sens obvie du verbe dârak. Cf. Jer., xxv, 30. Josèphe affirme explicitement que les Sichémites étaient alors occupés à la vendange. Ant.jud., V, vii, 3. C’est d’ailleurs le sens des Septante.
Or, après la vendange, de même qu’après la moisson, les Juifs avaient l’habitude de faire une sorte de fête religieuse,