Aller au contenu

Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/964

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1783
1784
BIBLIA PAUPERUM


Les éditions primitives, qui n’ont pas été faites en caractères mobiles, sont une « impression tabellaire en planches de bois, dite impression xylographique, obtenue en appliquant le papier au moyen d’une brosse nommée frolton, sur la planche gravée, préalablement enduite d’encre grise à la détrempe. Dans les impressions de cette nature, les feuillets sont toujours anopisthographes, c’est-à-dire imprimés d’un seul côté du papier ». (Thierry-Poux), Bibliothèque Nationale, Imprimés, manuscrits, estampes. Notice des objets exposés, départements des imprimés, in-12, Paris, 1881, p. 1. Le frottement de la brosse a produit sur le papier, aux endroits des planches qui étaient en relief, des creux quelquefois assez profonds ; ils sont encore très marqués sur les exemplaires de la Bibliothèque nationale, quoique ces exemplaires remontent au xv° siècle et soient généralement considérés comme une des premières impressions qui aient été faites sur bois.

La Bible des pauvres est une concordance de l’Ancien et du Nouveau Testament. De là les noms qu’on lui a aussi donnés de Figurse typicse Veteris Testamenti atque antitypicee Novi Testamenti, et de Historia Christi in figuris. C’est, en effet, l’application de l’adage : Novum Testamentum in Vetere latet, Vêtus Testamentum in Novo patet. Elle présente aux veux, sous une forme sensible et saisissable pour les ignorants comme pour les savants, les faits principaux de l’histoire sainte, tels qu’ils sont prophétisés dans l’Ancien Testament (images accessoires ) et réalisés dans le Nouveau (images principales). L’image, intelligible pour tous, met les faits sous les yeux ; des légendes l’accompagnent, afin que les lettrés puissent les expliquer et les faire mieux comprendre aux « pauvres ». Les plus anciennes Biblia pauperum se composent de quarante feuillets, tous conçus d’une manière analogue et disposés d’une façon semblable quant aux dessins et aux légendes. Dans un encadrement architectonique, semblable à un triptyque d’autel, sont cinq quartiers ou champs disposés en trois compartiments horizontaux, avec trois divisions verticales qui contiennent les représentations particulières, les types et les antitypes. Dans les quatre espaces laissés vides aux quatre angles d’en haut et d’en bas sont les légendes explicatives. Le sujet central est toujours tiré du Nouveau Testament, par ordre chronologique ; les sujets de l’Ancien ne suivent pas d’autre ordre que celui de leur concordance avec ceux du Nouveau. En haut et en bas, entre les légendes, sont deux bustes de personnages de l’Ancien Testament. L’ordre des planches est marqué par les lettres de l’alphabet gothique deux fois répété jusqu’au v sous deux formes différentes. Ainsi, dans le dixhuitième tableau (première lettre s), la scène centrale, c’est-à-dire la principale, représente l’institution de l’Eucharistie (fig. 542). A gauche, nous voyons Melchisédech, offrant le pain et le vin ; à droite, la manne tombant au Sinaï pour nourrir les Hébreux ; par conséquent, les deux célèbres figures du sacrement de l’Eucharistie dans l’Ancien Testament. Au haut de la page, à gauche, est la légende explicative du sacrifice de Melchisédech : « Legitur in Genesi xim° cap [18-20], quod cura Abraham de sede [cæde] inimicorum rediit et ferret secum magnam prædam quam excussit de inimicis suis tune Melchicedech sacerdos Dei summus optulit et panem et vinum : Melchicedec Cristum significat qui panem et vinum id est corpus et sanguinem suum in sena [cœna] suis discipulis ad edendum et bibendum porrigebat. » — À droite, la légende explique la signification typique de la manne : « Legitur in Exodo xvi° cap" [ 13 - 14 ], quod Dominus prœcepit Moysi ut diceret populo quod quilibet tolleret de manna céleste quantum sufficeret sibi pro die illa ; manna autem céleste quod Dominus Isrælitibus dédit significabat panem sanctum, scilicet sui sanctissimi corporis quod ipse in cena dédit suis discipulis cum dicebat : Accipite ex hoc omnes, etc. » Entre ces deux légendes, on voit, à gauche, David,

le Psalmiste qui a écrit les paroles rapportées au-dessous de son nom : « Panem angelorum manducavit homo, » Ps. lxxvii, 25, et, à droite, Salomon, l’auteur des Proverbes qui a écrit : « Pvbior. ix [5] : Venite, comedite panem meum. » Au-dessous du sacrifice de Melchisédech, on lit : « V s Sacra notant cristi : que Melchicedech dédit isti. » Au-dessous de la descente de la manne : « V s Se tenet in manibus, se cibat ipse cib.us. » Au bas de la page est la légende relative à la Gène : « V s Rex sedet in cena turba cunctus duodena. » Dans la banderole à gauche de cette légende sont reproduites les paroles d’Isaïe, lv, 2 : « "Ysa lv : Audite audientes me et comedite bohum. » La banderole de droite contient les paroles delà Sagesse, xvi, 20 : « Sapie. xvi : Panem de célo prestitisti illis. » L’édition française de Vérard résume ces légendes dans les vers suivants :

Comme Melchisédech offrit

Au père Abraham vin et pain

Comme Jésus qui mort souffrit

Fit le miracle souverain

Et bailla de sa propre main

Aux prestres son corps a mangier

Comme Moyse fist soudain

La manne du ciel congregier.

Telle est la Biblia pauperum, qui a été longtemps si répandue et si célèbre, et qui est comme le résumé condensé de l’exégèse du moyen âge. Elle a appris l’histoire sainte et les mystères de notre foi à de nombreuses générations de chrétiens ; elle a fourni des thèmes de sermons aux prédicateurs, elle a inspiré aussi de nombreux artistes, qui en ont transporté les images et les conceptions sur Les vitraux de nos églises, dans les tableaux religieux et jusque sur des tapisseries sacrées. Les fenêtres du couvent de Hirschau, en Souabe, ont reproduit en entier la Biblia pauperum. Beaucoup d’autres monuments lui ont aussi fait des emprunts. Voir Laib et Schwarz, Biblia pauperum, 1867, p. 20-25.

Les éditions publiées après l’invention de l’imprimerie modifièrent souvent’les dispositions et les légendes primitives. Ainsi la Bibliothèque nationale possède un exemplaire de la Biblia pauperum avec légendes en allemand ( coloriée à la main), imprimée par Pfister, à Bamberg, vers 1462, in-4° (A 1397 septies). Elle a vingt-deux feuillets et quarante-quatre sujets. La disposition des pages n’est pas non plus la même ; la représentation des mystères du Nouveau Testament est en haut, les deux séries de bustes à droite et à gauche et au-dessus de l’extrémité des deux sujets de l’Ancien Testament, qui sont changés en partie. Cet arrangement est moins heureux que l’ancien. On trouve aussi une disposition différente dans un autre manuscrit allemand qui a été publié par Laib et Schwarz, Biblia pauperum, nach dem Originale in der Lyceurnsbibliothek zu Konstanz, mit einer Einleitung, in-f°, Zurich, 1867. (Bibliothèque nationale, A 2060. Réserve.) Les dessins sont complètement différents de ceux des éditions xylographiques.

On a reproduit de nos jours plusieurs exemplaires anciens. 1° Biblia pauperum reproduced in fac-similé from one of the copies of the British Muséum, with an historical and bibliographical Introduction by J. Ph. Berjeau, petit in-f°, Londres, 1859. (Bibliothèque nationale, A 2092. Réserve.) L’introduction est une étude importante. — 2° Monuments de la xylographie. II. Bible des pauvres reproduite en fac-similé sur l’exemplaire de la Bibliothèque nationale, par Adam Pilinski. Précédée d’une notice par Gustave Paulowski, in-4°, Paris, 1883. (Bibliothèque nationale, g Q 7. Réserve.) Cette reproduction n’a aucun texte explicatif. — 3° Biblia pauperum. Facsimile - Reproduction getreu nach dem in der Erzherzoglich Albrecht’schen Kunst-Sammlung » Albertina « befindlichen Exemplar. Von Anton Einsle. Mit einer erlâuternden historisch - bibliographischen Beschreïbung von Josef Schonbrunner. In-f°, Vienne (1890).