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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/77

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CANON DES ÉCRITURES


mitif en grec est celui de bâton ou verge droite, telle que les baguettes ou le bois destiné à tenir droit un bouclier, IL, viii, 193 ; xiii, 407 ; telle encore que l’ensuble ou cylindre (liciatorium) dont se servent les tisserands, 11., xxiii, 761 ; telle que le fléau de la balance, la règle du charpentier, régula, norma, Anthol. pal., xi, 120, édit. Didot, t. ii, p. 306, ou le bâton dont on se sert pour mesurer. De cette signification originaire sont dérivées par métaphore de nombreuses significations particulières. Les Grecs appelèrent canon ce qui servit de règle : 1. En morale (Spoi tûv iyaOùv xal xocvôvôç, Démosthène, Pro corona, 294, édit. Didot, p. 171 ; cf. Aristote, Ethic. Nicom., iii, 4, 5 ; v, 10, 7, édit. Didot, t. ii, p. 29, 65) ;

— 2. Dans le langage, les xavovs ; étaient ce que nous désignons sous le nom de règles grammaticales, Westcott, General Survey of the history of the Canon of the New Testament, in-8°, Londres, 1855, p. 541. — 3. En art : la statue du Doryphore de Polyclète ayant été prise comme règle des proportions que devait avoir le corps humain, on l’appela le Canon de Polyclète, Lucien, xxxiii, De sait., 75, édit. Didot, p. 359 ; Pline, H. N., xxxiv, 55, édit. Teubner, 1860, t. v, p. 43. — 4. En littérature, les critiques d’Alexandrie appelèrent xavôvsç les écrivains classiques qui devaient servir de règle et de modèle ; cf. Quintilien, Inst. rhet., x, I, 54, édit. Teubner, t. ii, p. 156.

— 5. En histoire, les tables chronologiques furent appelées xavôveç xP ovlxot’- Plutarque, Sol., 27, édit. Didot, t. i, p. 111.

2° Acceptions scripturaires. — L’emploi scripturaire et théologique de ce mot, dans les traducteurs grecs de l’Ancien Testament et dans les auteurs du Nouveau, ainsi que dans les Pères, correspond aux différentes acceptions des auteurs profanes. — 1. Aquila a traduit le mot qav, « ligne, règle, » par xavwv. Ps. xviii, 4 (hébreu, xix, 5) ; Job, xxxviii, 5. Dans Judith, xiii, 6, les Septante emploient xavtôv pour désigner une colonne du lit d’Holopherne ou bien la baguette d’où pendaient les rideaux. — 2. Le sens métaphorique ne se rencontre que dans le quatrième livre des Machabées, vii, 21, 6 trjî çcXoo-oçîai ; xavâv, <c la règle de la sagesse. »

Dans le Nouveau Testament grec, nous trouvons le mot « canon » employé plusieurs fois. — 1. Dans lï Cor., x, 13, 15, il désigne un espace mesuré, déterminé, une région, le territoire qui a été confié à saint Paul pour y exercer son apostolat ( Vulgate : régula). Dans un sens analogue, xavûv marquait chez les Grecs une étendue de terrain mesurée, comme le mviSv d’Olympie (to jxÉTpov to-j mjSr^jiaToç. Poilux, Onomast., iii, 151). — 2. Dans Gal., vi, 16, et Phil., iii, 16 (textus receptus), xavûv (Vulgate : régula) signifie « règle » de conduite, manière de vivre conformément à la doctrine chrétienne. Cf. H. Cremer, Biblisch-theologisches Wôrlerbuch der Neutestamenllichen Grâcilât, 7e édit., in-8°, Gotha, 1893, p. 491.

3° Acceptions ecclésiastiques. — Chez les Pères, le mot « canon » fut employé tout d’abord dans le sens de règle en général, et specialement.de « règle de la vérité », Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 25, t. ix, col. 348 ; « règle de foi. » Polycrate, dans Eusèbe, H. E., v, 24, t. xx, col. 496. Cette acception du mot dans le sens de règle apparaît clairement dans l’appellation donnée aux décisions des conciles, qui par leurs définitions ou leurs prescriptions réglèrent la foi et les mœurs ; ces décisions reçurent le nom de « canons ». On rencontre pour la première fois cette dénomination appliquée aux décisions du concile arien d’Antioche, en 341. Mais déjà auparavant on disait la règle ou « le canon de la vérité », /.aviva Trj ; àltfldai ; . S. Irénée, Adv. User., i, 9, 4, t. vii, col. 545, pour désigner l’enseignement de la foi, qui, comme l’explique l’évêque de Lyon dans ce passage, « nous fait connaître le sens des noms, des locutions et des paraboles des Écritures. »

§ 2. Signification et définition du mot « canon » appli qué à la Bible. — La coutume de considérer les Livres Saints comme la règle de la foi amena peu à peu l’usage d’appeler ces livres canoniques, et finalement de nommer leur collection même le canon. Mais l’expression « canon des Écritures » ne fut employée que plus tard, lorsque les dérivés de ce mot, l’adjectif « canonique » et le verbe xavovtÇeaOai étaient déjà appliqués depuis longtemps aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. On rencontre pour la première fois xavovixà $iêia dans le 59e canon qu’on attribue au concile de Laodicée, au IVe siècle. Mansi, Concil., t. ii, col. 754. Kavovtxô ; est mis là en opposition avec îSiwtixô ; et àxavdviaro ; . La traduction latine d’Origène, De princ, iv, 33, t. xi, col. 407, se sert de l’expression Scripturss canonizatse, et celle du Commentaire sur saint Matthieu, 28, t, xiii, col. 1637, de libri canonizati. On lit dans la version latine du Prologue du même auteur sur le Cantique, faite par Rufin, t. xiii, col. 82, haberi in canone ; mais cette phrase peut être simplement la traduction du verbe x « voviÇe <r9ai. On peut voir d’autres passages dans F. Vigouroux, Manuel biblique, n° 25, 9e édit., t. i, p. 78-79.

— Quelle signification précise attachaiton à l’adjectif « canonique » ? Credner pense que ce mot veut dire : « ayant force de loi. » Zur Geschichte des Kanons, p. 67. Westcott est, au contraire, d’avis que le titre de « canonique » fut donné d’abord aux écrits qui « étaient admis par la règle ». Voir Westcott, History of the Canon of the New Testament, Appendix A, 1855, p. 547 ; F. C. Baur, Die Bedeutung des Wortes Kavwv, dans Iïilgenfeld, Zeitschrift fur wissenschaflliche Théologie, 1858, 1. 1. p. 141-150.

On en vint ainsi à entendre par canon la « collection » ou la « liste » des livres qui forment et contiennent la règle de la « vérité inspirée par Dieu pour l’instruction des hommes ». C’est de la sorte que saint Amphiloque (mort vers 394) dit : xavcbv twv 6eoTrveijaTcov ypacpaiv, Iambiad Seleuc., 319, t. xxxvii, col. 1598, et que saint Jérôme et saint Augustin disent de certains livres : Non sunt in canone (Prolog. Galeat., t. xxviii, col. 556) ; Nec inveniuntur in canone (De Civ. Dei, xviii, 38, t. xli, col. 598). Saint Isidore de Péluse (vers 370-450) nous explique très bien comment on était arrivé à cette notion, lorsqu’il écrit : tbv xayôva tt| ; àX. » ]8s ! aç, xà ; Œsaç Çll" rpaçiç, « les divines Écritures sont le canon (la règle) de la vérité. » Epist., 1. iv, ep. cxiv, t. lxxviii, col. 1186. Comme les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament sont la règle de la foi et de la vérité chrétienne, il était naturel de s’exprimer comme l’ont fait les Pères. Saint Augustin nous explique en quelque manière la transition d’un sens à l’autre, lorsqu’il dit : « Perpauci ea scripserunt quae auctoritatem canonis obtinerent. » De Civ. Dei, xvii, 24, t. xli, col. 560. Ces auteurs en petit nombre, dont parle l’évêque d’Hippone, devinrent ainsi « canoniques », et la collection de leurs œuvres forma le « canon ». De là l’acception communément reçue, d’après laquelle le « canon » est la collection des écrits inspirés.

§ 3. Quels livres sont canoniques. — De ce qui vient d’être dit, il résulte qu’un livre pour faire partie du canon ou être canonique doit être inspiré de Dieu. Voir Inspiration. Il faut de plus qu’il soit certainement connu comme tel. C’est à l’Église qu’il appartient de déclarer qu’un livre est inspiré, et par conséquent divin et canonique. Un livre inspiré dont l’inspiration ne serait pas officiellement constatée n’aurait pas l’autorité de règle de foi. L’Église n’a' pas le pouvoir de rendre inspiré un livre dont le Saint-Esprit ne serait pas l’auteur premier, mais elle a le pouvoir et le droit de donner à un livre inspiré le litre et la valeur de canonique, qu’il n’avait pas auparavant. « Car la canonicité, comme le remarque très justement M « r Gilly, n’est pas l’inspiration : la canonicité est la constatation du fait de l’inspiration. Ce fait peut être resté incertain pendant un espace de temps plus ou moins long, puis constaté et déclaré, et il entre dans