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    1. ECGLÉSIASTE##

ECGLÉSIASTE (LE LIVRE DE L’)

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et aucune ne modifie le texte. Après avoir compare les versions anciennes, grecques, syriaques, coptes, latines, et plus de trois cents citations tirées des écrits juifs des sept premiers siècles, S. Euringer, en somme, n’enregistre par rapport aux consonnes qu’une trentaine de leçons différentes, qui n’atteignent pas la substance du texte. Der Masorahlext des Koheleth, p. 136. Cf. de Rossi, Variée lectiones Vet. Test., Parme, 1780, t. iii, p. 247-204.

VI. Versions. — 1° La version des Septante, qui date de l’an 132 au plus tard, est en général trop littérale, quelquefois au détriment du sens. Aussi est-elle inélégante et assez souvent incompréhensible, par exemple, V, 10 : KaV t£ iv&pi(a tô> rap’aùtîic ; Sti &pyr toû âpâv éqp8aX[ioï ; aùtoû. Le traducteur a rendu l’hébreu en quelque sorte syllabe par syllabe, coupant mal en partie les mots et n’en saisissant pas le vrai sens. Du reste, elle a été corrigée dans la suite, et actuellement il semble impossible de la restituer dans son état originel. Voir G. Gietmann, In Eccle., p. 54-56. Cf. C. H. Wright, Ecclesiasles, p. 50-52. Avec les signes critiques d’Origène, elle forme l’Ecclésiaste hexaplaire, duquel dérive la version syro-hexaplaire de Paul de Tela. C’est sur les Septante que furent faites VItala « des premiers temps de la foi » et la version copte, qui fut retouchée. P. Ciasca, Sacrorum Bibliorum fragmenta copto-sahidica Musei Borgiani, Rome, 1885-1889, t. ii, p. 47. — 2° La Peschito provient aussi de l’hébreu, mais elle dépend notablement des Septante. — 3° Il faut en dire autant de la version latine qu’on lit dans le commentaire de saint Jérôme ; elle se rapproche des Septante « en ce qui ue s’écarte pas beaucoup de l’hébreu » ; il s’y rencontre pareillement quelques adaptations aux autres versions grecques. In Eccle., Pnef., t. xxiii, col. 1011-1012. L’autre version latine est la Vulgate actuelle. Quoique achevée très rapidement, puisque saint Jérôme ne mit que trois jours, avec son maître d’hébreu, à traduire les écrits de Salomon, elle rend exactement l’original ; elle est élégante, recherchée même ; elle ajoute, elle supprime, selon que la clarté l’exige, et aussi le génie du latin. Il est vrai. qu’elle n’est pas absolument sans défauts ; ainsi on lui reproche quelques faux sens et quelques additions discutables ; mais au total, de toutes les versions de l’hébreu, c’est encore celle qui est la plus exacte et la plus apte à reconstituer l’hébreu primitif. G. Gietmann, In Eccle., p. 50-52. Cf. S. Euringer, Der Masorahtext, p. 6-15.

VII. Origine salomonienne. — Toute l’antiquité juive et chrétienne, on peut le dire, regarde Salomon comme étant l’auteur de Qôhélét. Le Talmud et les talmudistes le font clairement entendre. Voir A. Motais, Ecclésiaste, t. ii, p. 7-8. Cf. C. H. Wright, Ecclesiastes, Excursus i, p. 451-459. Les Pères et les écrivains ecclésiastiques, qui rapportent le canon hébraïque, le prouvent également en rangeant l’Ecclésiaste parmi les écrits de Salomon. Que si la Bible massorétique ne le place pas avec les autres écrits de ce roi, c’est pour une raison d’ordre liturgique. Les écrivains des quinze premiers siècles, quels qu’ils soient, l’ont attribué invariablement à Salomon, à partir de la version des Septante transmise par les Apôtres aux Églises qu’ils fondaient. Voir A. Motais, L’Ecclésiaste, t. ii, p. 8-10 (avec les références bibliographiques). La pleine unanimité à cet égard a été brisée par Luther (Pineda, In Eccle., Prxf., v, 1, Paris, 1620) et surtout par H. Grotius (Annotata ad Vet. Test., Paris, 1648, t. i, p. 521). Celui-ci découvrit dans le livre « beaucoup de mots » qui sont d’auteurs venus après l’exil : c’en fut assez pour nier que l’auteur soit Salomon. La négation ne fit que s’accentuer avec le temps. Aujourd’hui tous les non-catholiques, sauf un petit nombre, et même plusieurs catholiques, comme Herbst, Mo vers, et maintenant, en un sens, MM. G. Bickell et F. Kaulen, révoquent en doute ou rejettent l’origine salomonienne du livre. — Pour combattre le témoignage de la tradition, ils

en appellent à un témoignage identique, disentils, donnant comme de Salomon le livre de la Sagesse et celui de l’Ecclésiastique, qui certainement ne sont pas de lui. Comme si ces deux témoignages étaient réellement identiques et non pas, ce que l’on prouve, inégaux et dissemblables. L’un est constant, universel, l’autre partiel et controversé. Saint Augustin, par exemple, écrit que « les savants, doctiores, ne doutent pas que ces deux sapientiaux sont d’un autre auteur que Salomon ». De Civ. Dei, vil, 20, 1, t. xli, col. 554. Rien de pareil lorsqu’il s’agit de l’Ecclésiaste. D’autre part, le livre lui-même, le titre i, l, certains mots, les idées exprimées, le style, l’art achevé avec lequel il est composé, sa parenté de mots, de phrases, de facture, notamment avec les Proverbes et le Cantique (The authorship of Ecclesiastes, Londres, 1880, p. 57-64, 66-82, 99, etc. ; B. Schàffer, Neue Vntersuchungen, p. 92-99), sont une preuve confirmative qu’il vient de Salomon. Salomon, en particulier, y est désigné comme auteur i, 1, 12, 16 ; ii, 4-10 ; xii, 9, 10 ; cf. III Reg., m, 12 ; vii, 1 ; ix, 28 ; x, 12, 23 ; aucun si ce n’est lui, et, en tout cas, aucun comme lui ne réalise la donnée de ces textes. — Fraude pieuse et fiction, dit-on, pur procédé littéraire : l’auteur a pris le nom de Salomon pour concilier à son livre plus d’autorité, moyen du reste usité par l’auteur de la Sagesse, par des psalmistes intitulant leurs Psaumes : « De David, » et par des historiens grecs et latins mettant parfois dans la bouche de leurs héros des discours que ceux-ci n’ont pas prononcés. — Non, d’abord parce que ce genre de fraude ne convient pas à des écrivains inspirés, et ensuite parce que les analogies apportées sont imparfaites et non concluantes. Salomon, il est vrai, parle dans la Sagesse ; mais il ne s’y donne nulle part comme en étant l’auteur. David est nommé dans les titres, mais là seulement et non pas dans le texte des Psaumes ; or il faudrait établir que ces titres sont authentiques, ce qui est difficile. — Quant aux discours amplifiés ou inventés par les historiens, disons qu’il s’agit précisément de discours et non pas de livres entiers, et qu’en outre, en admettant qu’il y ait dans les Livres Saints des discours quelque peu développés, non dans les pensées, mais dans les mots et les expressions seulement, il n’est en fait aucun écrit scripturaire qui soit attribué à un auteur totalement étranger à sa composition. Nous affirmons donc que l’Ecclésiaste a eu Salomon pour auteur, et nous le démontrons t° par le témoignage et 2° par l’examen du livre lui-même. Cf. pour les preuves extrinsèques : B. Schàffer, Neue Vntersuchungen, p. 11-21 ; G. Gietmann, In Eccle., p. 20-23, etc. Pour les preuves intrinsèques : B. Schàffer, p. 24-125.

Objections rationalistes. — Il y en a deux principales (nous écartons celles qui sont faciles à résoudre, cf. R. Cornely, Introductio, ii, 2, p. 170, 171). L’une est tirée de la langue, l’autre des choses dites, toutes deux du livre même ; ce sont elles qui, pour les adversaires, établissent la thèse négative. D’après eux, la langue, avec ses aramaïsmes, ses mots nouveaux, son très rare usage des verbes à certains modes, ses particules composées, ses noms de forme abstraite, son style et sa syntaxe, est récente, au moins postérieure à l’exil. Donc le livre n’est pas de Salomon. « S’il était de Salomon il n’y aurait plus d’histoire de la langue hébraïque. » Frz. Delitzsch, Hoheslied und Koheleth, p. 197. — Seconde preuve : « Les allusions aux choses sociales et politiques qu’on y rencontre ne sont pas de celles qui devraient tomber des lèvres de Salomon. Le Salomon historique, ce chef d’un empire grand et prospère, ne saurait avoir ainsi censuré son propre gouvernement. » Voir nr, 16 ; iv, 1 ; v, 8. « Qôhéléf n’a aucun des sentiments d’un roi ou d’un patriote juif. Il vit dans un temps de servitude politique, sans patriotisme, sans enthousiasme. Parle-t-il des rois, il les voit d’en bas, comme quelqu’un de la foule souffrante. Ses pages reflètent un état d’abaissement qui est causé par le despotisme orien-