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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/805

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    1. ECCLÉSIASTIQUE##

ECCLÉSIASTIQUE (LE LIVRE DE L’)

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sions à la seconde partie d’Isaïo aussi bien qu’à la première ) ; Jérémie (Eccli., xlix, 9 ; le ^.8 semble viser les Lamentations) ; Ezéchiel (Eccli., xlix, 9-11) ; les douze petits prophètes (Eccli., xlix, 12) ; enfin les mémoires de Néhémie (Eccli., xlix, 13-15). De ce dernier témoignage on peut même inférer que Ben Sirach connaissait également Esdras. Il connaissait aussi le livre de Job, comme on peut le voir par Eccli., xlix, 9, dont le sens est définitivement fixé par le fragment du texte hébreu découvert en 1896 : « Ezéchiel… fit aussi mention de Job. » Les seuls livres protocanoniques qui ne figurent pas dans ces chapitres sont Daniel et Esther. Ces renseignements, qui nous donnent une si haute idée de la culture intellectuelle et religieuse de Ben Sirach, sont très précieux au point de vue de l’histoire du canon de l’Ancien Testament.

Très versé dans la littérature religieuse d’Israël, Ben Sirach s’est personnellement adonné à la « Sagesse » ; il en a étudié l’origine en Dieu et la communication dans les hommes ; il a décrit la place que doit avoir la pratique de la sagesse dans la vie humaine. Il appartenait à la catégorie des sages, des Ifakamim. Peut-être aussi était-il un scribe, comme on l’a conclu de xxxviii, 24. En tout cas, il est tout à fait étranger à l’esprit pharisaïque, qui devait être plus tard un élément si important dans le judaïsme. — Notons enfin que, de certains passages (xxxiv, 12-13 ; li, 3-13), on peut inférer que Ben Sirach n’était pas toujours demeuré à Jérusalem, mais qu’il avait beaucoup voyagé et couru de grands dangers.

III. Date de composition. — Nous avons sur ce point deux données principales à recueillir. La première de ces données nous est fournie par Ben Sirach lui-même. Dans son livre, en effet, l’éloge des ancêtres d’Israël se termine par le panégyrique du grand prêtre Simon, fils d’Onias, L, 1-23 ; et ce dernier panégyrique dépasse par son étendue et par la magnificence du langage tout ce que notre auteur a dit précédemment à la gloire des plus illustres ancêtres de son peuple. Ce n’est pas témérité de conclure de là que Ben Sirach, en parlant de Simon fils d’Onias, parle de quelqu’un qu’il a vii, admiré et vénéré en union avec tout le peuple. D’ailleurs les paroles : 5 ; êv ïonj aÙToû jnépoa’j/ev olxou, « qui a pendant sa vie soutenu la maison (le Temple), » lesquelles sont au début du panégyrique, supposent que le grand prêtre n’était plus en vie au moment où Ben Sirach écrivait. Cette première donnée tendrait donc à faire regarder notre livre comme composé quelques années seulement après le pontificat de Simon (ils d’Onias, à une époque où le souvenir du grand prêtre était vivant dans toutes les mémoires.

Une seconde donnée nous est fournie par le prologue du traducteur, petit-fils de l’auteur. Il nous apprend qu’il est venu en Egypte à une date très précise, et qu’après y être demeuré un certain temps il a entrépris de traduire l’œuvre de son grand-père. Malheureusement il est assez difficile d’identifier la date précise dont il est question en ce passage : ’Ev tw by&ôm xal rpiaxocrcô) etsi iià toO EùepyiTou ftauiiéto ; . « La trente-huitième année au temps du roi (Ptolémée) Evergètc. » Le traducteur veut-il nous dire qu’il était âgé de trente-huit ans quand il vint en Egypte, sous le règne du roi Évergète ? ou bien veut-il nous dire qu’il vint en Egypte la trente-huitième année du règne d’Évergète ? La première opinion est soutenue par Cornélius a Lapide et autres commentateurs ; la seconde a encore plus de partisans. Elle traduit èm tgû E-iepféTûu par « sous le règne d’Évergète », donnant à la préposition grecque le sens qu’elle a dans I Mach., xiii, 42 ; Agg., i, 1 ; ii, 1 ; Zach., i, 7 ; vii, 2 (Septante). De là il résulte que le traducteur est allé en Egypte la trentehuitième année du roi Évergète. Comme d’ailleurs le traducteur était le petit-fils de l’auteur, il est assez facile de remonter de deux générations jusqu’à la date de Ben Sirach lui-même. En combinant ces deux données, on arrive à un renseignement en apparence très précis, que

l’on peut ainsi formuler : Ben Sirach vivait et composait son livre cinquante ans environ avant que son petit-fils le traduisit, une quinzaine d’années avant le règne d’Évergète, très peu de temps après la mort du grand prêtre Simon fils d’Onias.

Mais une difficulté très sérieuse surgit de ce fait qu’il y a eu deux grands prêtres du nom de Simon : Simon I er, . fils d’Onias, grand prêtre de 310 à 291, et Simon II, fils d’un autre Onias (219-199). De même il y a eu deux Ptolémées qui ont porté le surnom d’Évergète : Ptolémée III, fils et successeur de Ptolémée Philadelphe, qui régna de 247 à 222, et Ptolémée VII, plus connu sous le surnom de Physcon, qui gouverna de 170 à 117. Il ne faut donc pas trop s’étonner qu’il n’y ait pas moins de quatre opinions sur la date à assigner à notre livre de l’Ecclésiastique. — 1° Les uns, tels que Horowitz, Das Buch Jésus Sirach, dans la Monalsschrift des Judenthums, Breslau, 1865, admettent que le traducteur parle de la trente-huitième année du règne d’Évergète et que cet Évergète est Ptolémée VII ; ils croient en outre que le grand prêtre Simon dont Ben Sirach fait l’éloge est Simon I er, dit le Juste. Mais quand le traducteur désigne l’auteur du livre par cette épithète : 6 irimto ; [ioy’lriooO ; , il emploierait le mot 7rinnoç, non dans le sens strict de grand-père, mais dans le sens plus général d’ancêtre. Ce qui explique comment Ben Sirach a pu écrire vers 280, date de Simon I er, et le traducteur vers 130, date qui correspond à la trente-huitième année de Ptolémée VII. — 2° Westcott, dans le Dictionary of the Bible de Smith, admet, avec Winer et de Wette, qu’il est question de Simon I er le Juste ; mais que Ben Sirach pouvait bien encore quelques années avant le règne de Ptolémée VIL faire en termes pompeux l’éloge d’un grand prêtre aussi populaire que le fut Simon 1 er. Par conséquent Westcott admet que le traducteur a écrit sous le règne de Ptolémée VII, et que le mot n<Î7t7ro ; est à prendre au sens strict. — 3° Les partisans de la troisième opinion (Cornélius a Lapide, Welte, Danko, Hug, Keil, Haneberg, etc.) prétendent que Ben Sirach parle de Simon I" le Juste. Ils déclarent en outre, comme d’ailleurs Westcott lui-même le faisait, que la locution êv yàp icj) ôySoM xcù Tpiaxoffrô) exei liA toO EùepféTou désigne, dans la pensée du traducteur, la trente-huitième année de son âge et non la trente-huitième année du règne d’Évergète. Ils préfèrent enfin voir dans l’Évergète dont il est question le roi Ptolémée III. Dès lors le traducteur a vécu sous le règne de ce prince (247-222) ; la date de l’auteur peut se placer vers 280, peu d’années après la mort de Simon I er. — 4° Enfin, d’après la quatrième opinion, le traducteur est venu en Egypte la trente-huitième année du règne de Ptolémée VII ; l’auteur est son grandpère ; il avait écrit environ cinquante ans auparavant, peu de temps après la mort du grand prêtre Simon II, et c’est de ce pontife qu’il nous fait l’éloge. — Cette dernière opinion, qui est celle de Bossuet, Prasf. in Eccli., vii, édit. de Versailles, t. ii, p. 367, de Frz. Delitzsch, de Fritzsche, Die Weisheit Jesus-Sirach’s, p. xm-xvii, etc., nous paraît la mieux fondée.

IV. Mode de composition. — Il existe deux opinions principales sur le mode de composition de l’Ecclésiastique. — 1° D’après les uns, Ben Sirach est le véritable auteur des maximes et des discours contenus dans ce livre et de leur arrangement, quoiqu’il ait dû écrire à diverses époques et emprunter à d’autres livres plus anciens de même qu’aux adages populaires (cf. Eccli., viii, 9-12 ; xxx, 15 [texte grec] ; xxxiii, 16 ; L, 29). — 2° D’après les autres, Ben Sirach, à part quelques parties qu’il faudrait lui attribuer, se serait borné à réunir des collections de proverbes antérieurement existantes. Ils croient retrouver la trace de ces collections diverses dans la structure même du livre, dans la manière dont les séries de sentences se succèdent sans lien apparent, dans des répétitions de plusieurs maximes, reproduites çà et là,