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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/902

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EMMANUEL


ont essayé de tourner la difficulté en appliquant vii, 14-16 à deux enfants distincts. Selon eux, le t- 14 se rapporterait seul au Messie, et les }}. 15e * 16, ou au moins le ꝟ. 16, désigneraient un autre enfant, soit l’un des fils d’Isaïe, Se’âr-Yâëûb (Drach, De l’harmonie entre l’Église et la Synagogue, Paris, 1844, t. ii, p. 185-186) ou Maher-éàlal-haé-bai, soit un enfant indéterminé. (Trochon, Les prophètes, haïe, Paris, 1883, p. 61.) Mais rien dans le texte ne laisse soupçonner ce changement de personne, qui serait choquant, s’il existait. D’ailleurs, dans l’original, le terme na’ar, « l’enfant, » est précédé de l’article, ha-na’ar, et signifie « cet enfant », celui dont il vient d’être parlé. Les $ꝟ. 15 et 16 conviennent donc à Emmanuel. L’annonce de la naissance tardive de cet enfant divin a néanmoins un rapport réel avec l’époque d’Achaz et d’Isaïe. Le prophète, en effet, a vu dans un même tableau la naissance virginale d’Emmanuel et la délivrance prochaine de son peuple. V’almdh et son fils étaient présents à son esprit d’une présence idéale. Dès lors il a pu par anticipation se servir de leur existence pour fixer une date, celle à laquelle ses compatriotes seront délivrés du danger qui les menace ; il a dit : Avant que se soit écoulé le temps qu’il faudrait à Emmanuel, s’il naissait de nos jours, pour sortir de l’enfance, Israël et la Syrie seront dévastés. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1896, t. ii, p. 639 ; Fillion, Essais d’exégèse, Lyon et Paris, 1884, p. 89-99 ; Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i, p. 418-419. Cependant le P. Knabenbauer, qui avait accepté cette explication, Erklârung des Propheten Isaias, Fribourg-en-Brisgau, 1881, p. 125, l’a abandonnée et en a proposé une autre, Commentarius in Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. i, p. 185-190. Il estime que dans la pensée du prophète Emmanuel n’est pas lié au temps actuel, et que sa naissance n’est pas un signe de la délivrance prochaine de Juda. Ce signe est donné plus loin. Is. viii, 1-4. Le prophète annonce simplement qu’Emmanuel, quoique fils de David, naîtra dans une humble condition et sera privé du royaume temporel de sa race. Il mènera une vie pauvre, afin d’apprendre ainsi à pratiquer la vertu et la souffrance, et sera doué d’une piété et d’une sainteté insignes. Mais auparavant, et dans ce but, la terre de Juda sera dévastée et abandonnée. De fait, Jésus, le véritable Messie, a mené une vie pauvre et sainte sur la terre de Juda, privée de son autonomie et soumise au joug de l’étranger.

La seconde fois qu’Isaïe parle d’Emmanuel, il indique d’un mot ses glorieuses destinées, viii, 8 et 10. Après avoir annoncé la dévastation d’Israël et de Juda par les Assyriens, il interpelle directement Emmanuel et s’écrie dans sa détresse : « Les armées ennemies couvrent de leurs ailes toute ta terre, ô Emmanuel ! » Cette terre envahie, c’est sa terre, celle dont il est le roi, puisqu’elle lui appartient ; qu’il vienne lui-même à son secours, pour qu’elle ne périsse pas. À cette pensée, la confiance renaît dans le cœur du prophète, et, s’adressant à tous les ennemis de Juda, il leur prédit que vaines sont leurs coalitions, vains leurs projets et leurs discours. Une seule raison, signifiée par le nom d’Emmanuel, justifie sa confiance, ki’Immânû-’El, « parce que Dieu est avec nous » et nous protège. Emmanuel sera donc un roi de Juda, un roi puissant, qui sauvera son peuple. Knabenbauer, Comment, in Isaiam prophetam, 1887, t. i, p. 204-207.

— Les caractères de sa royauté sont décrits plus loin. IX, 6-7. Les tribus de Zabulon et de Nephthali et les habitants de la Galilée des gentils, qui avaient particulièrement souffert’de l’invasion assyrienne, recevront les premiers la lumière de l’Évangile, apportée au monde par un enfant royal, qui n’est pas nommé, mais qui ne peut être qu’Emmanuel, le roi-Messie. Or cet enfant sera le Conseiller divin, le Dieu fort, le Père de l’éternité et le Prince de la paix ; il sera réellement’Immânù’El, t. Dieu avec nous ; » ’El gibbôr, « Dieu fort, s un héros Dieu,

Dieu par nature. Knabenbauer, In Isaiam, p. 223-229.

— Enfin tout le chapitre xi est consacré à dépeindre Emmanuel et les biens qu’il apportera à la terre. Ce roi sortira de la race presque éteinte de David ; il sera rempli de l’esprit de Dieu et gouvernera avec justice, sans erreur ni acception des personnes. Sous son sceptre, le peuple de Jéhovah, délivré du joug des oppresseurs, goûtera la paix la plus profonde. Cette paix est symbolisée par les images les plus riantes : le mal aura disparu de la sainte montagne du Seigneur ; les nations idolâtres se convertiront en masse et viendront partager avec les Juifs le bonheur de vivre sous des lois douces et parfaites. De l’aveu de tous les commentateurs, ces caractères du règne d’Emmanuel sont évidemment messianiques. Emmanuel désignait donc, dans la pensée d’Isaïe, le Messie attendu des Juifs et venu en la personne de Jésus-Christ. Knabenbauer, / »  » Isaiam, p. 265-291. II. Signification du nom. — Emmanuel est un nom composé dans la composition duquel entre le nom de’El, « Dieu. » Par lui-même, il présage la protection divine sur Juda ; il est un gage assuré que Dieu se portera au secours de son peuple menacé. Or l’enfant à qui ce nom est donné est le Messie, et en fait, d’après l’interprétation de saint Matthieu, i, 23, le Messie est Jésus, le Fils de Dieu incarné dans le sein de la Vierge Marie. Le nom d’Emmanuel n’est donc pas seulement un gracieux emblème de la protection divine, une consolante promesse d’avenir. Voir Érasme, Apologia de tribus locis quos ut recte taxatos a Stunica defenderat Sanctius Caranza theologus, Opéra, Leyde, 1706, t. IX, col. 401-404. Suivant l’explication des Pères, saint Irénée, Adv. hsereses, 1. iii, c. xxi, n° 4, t. vii, col. 950, et 1. iv, c. xxxiii, n° 11, col. 1080 ; Lactance, Divin. Instit., 1. iv, c. xii, t. vi, col. 479 ; saint Épiphane, Hseres. tir, n° 3, t. xli, col. 965 ; saint Chrysostome, In Isaiam, i, n° 9, t. lvi, col. 25 ; Théodoret, In Isaiam, vii, 14, t. lxxxi, col. 275, ce nom avait une signification plus profonde, qu’Isaïe n’avait peut-être pas vue. Il prédisait la nature divine du Messie, qui est véritablement Dieu avec nous, Dieu fait homme, venant dans le monde et y vivant humble, pauvre et doux. Cf. S. Thomas, Sum. th., iii, 37, a. 2, ad i nm, et Bossuet, Explication de la prophétie d’Isaïe, 3e lettre, Œuvres, Besançon, 1836, t. vi, p. 462. — Pour la bibliographie, voir’Almah, t. i, col. 397. E. Mangenot.

2. EMMANUEL, fils de Salomon (’Immanuel ben Selomo), exégète grammairien et poète juif, né à Rome vers 1272, mort dans la première moitié du XIVe siècle. Après avoir vécu un certain temps à Rome, il se fixa à Fermo, dans la Marche d’Ancône. On a de lui un commentaire sur les Proverbes de Salomon, qui a été publié, in-f°, à Naples, en 1486, avec plusieurs commentaires de divers auteurs, comme de Kimchi sur le Psautier, de Raschi sur l’Ecclésiaste, etc. Les autres commentaires d’Emmanuel sont restés manuscrits : ainsi un commentaire sur le Pentateuque (Codex de Rossi 404) ; un commentaire sur les Psaumes, dont de Rossi a publié des fragments sous ce titre : R. Immanuelis, ꝟ. Salom., scholia in selecta loca Psalmorum, in-8°, Parme, 1806. La Bibliothèque Nationale possède un manuscrit incomplet de ce commentaire au n » 233, et aussi un commentaire sur Job, sur le Cantique des cantiques (235). Outra d’autres copies de ces deux derniers ouvrages, de Rossi signale encore des commentaires manuscrits de Ruth, des Lamentations, d’Esther, et un ouvrage manuscrit sur la grammaire et la critique biblique, intitulé’Êbén bôhan. Il a paru du même auteur nn traité sur l’état des âmes après la mort, intitulé Haffôfép vehâ’êdén, « L’enfer et le ciel, » in-#°, Prague, 1613. Voir M. Steinschneider, Immanuel, Biographische und iiteraturhistorische Skizze, in-8°, Berlin, 1843 ; J. Fûrst, Bibliotheca judaica, in-8, . 1863, t. ii, p. 92-93. E. Levesque.