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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/959

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1847
1848
ÉPHÈSE


professeur Joseph Karabacek, de Vienne. Il s’ensuit que la mosquée fut bâtie, ainsi que l’avait déjà supposé M. Weber, sur les ordres du sultan Isa I er d’Aïdin. L’inscription est datée du 13 janvier 1375.

Quant à l'église de saint Jean, qu’on appelait YAposlolicon, elle fut là où était son tombeau, non pas au bas de la colline d’Ayassoulouk, mais sur la première terrasse, qu’on appelait en ce temps-là le Libate. Voir Procope, De sedif., v, 1, édit. de Bonn, t. iii, p. 310. On y arrive en franchissant le mur d’enceinte de la citadelle par une porte flanquée de tours carrées, et bâtie avec les débris des sièges soit du théâtre, soit du stade. Ces débris sont couverts d’inscriptions et de sculptures. Trois

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688. — Plan des ruines de l'église de Saint-Jean, relevé par M. G. Weber.

de celles-ci représentent des sujets homériques : Hector pleuré par les siens, la mort de Patrocle, des enfants se roulant sur des outres de vin. Le peuple y vit des scènes de martyre, et l’arceau byzantin fut appelé la porte de la Persécution.

A soixante mètres de là environ, on trouve, en montant vers le nord, un amas de ruines qui proviennent d’immenses voûtes écroulées. Les bases de quatre énormes pilastres y sont encore en place. Ces pilastres soutenaient sans doute au levant, du côté de l’abside, un dôme ou sorte de confession. Parmi les énormes débris de maçonnerie en briques qui jonchent le sol, des chapiteaux marqués d’une croix grecque ont été retrouvés. Ce sont là les restes de la grande basilique élevée par justinien, au milieu du vi » siècle, et qui demeura jusque vers la fin du moyen âge un des pèlerinages célèbres de l’Orient. On serait naturellement porté à croire qu’elle abritait le tombeau de saint Jean. Cependant M. Weber est persuadé qu’il faut chercher celui-ci un peu en dehors, au sud, dans la petite église que j’avais trouvée, en 1888, détruite par un incendie, et qu’on a restaurée assez grossièrement depuis mon dernier voyage, en 1893. Ce professeur a eu l’occasion de constater que cette chapelle était bâlie sur une église antique, et, en 1870, il y a vu une excavation profonde, où l’on avait recueilli divers débris intéressants, colonnes ouvragées, trône d'évêque, chapiteaux admirablement ciselés. Les habitants de Kirkindjé, qui sont les vrais descendants des .anciens Éphésiens et demeurent attachés à la religion

chrétienne, se hâtèrent de tout enfouir, quand ils virent comment M. Wood pillait l’Artémisium. Depuis, tout est resté sous terre, là où M. Weber l’avait vu. En explorant cette cachette trouverait-on le tombeau de l' Apôtre ? C’est possible. Dans ce cas, je serais porté à croire que le petit sanctuaire lui-même était rattaché à la basilique. Pourquoi des fouilles ne sont-elles pas entreprises par un comité chrétien sur cette hauteur ? Retrouver la fameuse sépulture du disciple bien-aimé, ne serait-ce pas une des meilleures fortunes de l’archéologie ?

L’authenticité du site est certifiée par les ruines mêmes de la basilique construite par Justinien. Procope, De ssdific, v, 1, édit. de Bonn, 1838, t. iii, p. 310, dit de cet empereur : « Sur la colline rocailleuse et inculte, en face de la ville, il édifia à la place de l’ancienne, qui tombait en ruine, une nouvelle église, si grande et si belle, qu’elle peut être comparée à celle qu’il avait bâtie à Constantinople en l’honneur des saints Apôtres, m Évidemment on éleva le superbe monument là même où la tradition montrait le tombeau. Or cette tradition était demeurée toujours vivante. Eusèbe ne dit pas seulement, H. E., v, 24, t. xx, col. 496, que Jean mourut à Éphèse, mais il attesle, E. E., iii, 39, t. xx, col. 297, qu’il y avait dans cette ville deux tombeaux d’hommes vénérables ayant porté le nom de Jean, l’un de Jean l’Apôtre et l’autre de Jean le Presbytre. Il fait répéter par Denys d’Alexandrie, H. E., vii, 25, col. 701, la même affirmation, et à Polycrate, évêque d'Éphèse, il attribue cette parole, H. E., iii, 31, t. xx, col. 280 : oOtoc èv 'Eçlo-w xexoiu.ï1t « i. Le pape Célestin, dans Mansi, t. iv, p. 1286, écrit aux Pères du concile d'Éphèse : « Selon la voix de Jean l’Apôtre, dont vous vénérez les reliques présentes. » Enfin dans la collection du même auteur, t. iv, p. 1276, nous voyons les évêques de Syrie se plaindre « qu'étant venus de très loin, il ne leur soit pas permis de vénérer les tombeaux, Xapvaxa ; , des saints et glorieux martyrs, surtout, oùy Teinta, celui du trois fois heureux Jean le théologien et évangéliste, qui avait vécu si familièrement avec le Seigneur ».

Ce tombeau avait une réputation universelle dans l'Église, et saint Augustin, Tract, cxxiy, 2, In Joa., t. xxxv, col. 1970, mentionne la tradition répandue de son temps, d’après laquelle la terre semblait y bouillonner sous le souffle de celui qui y était couché. Éphrem, patriarche d’Antioche, en 530, dans Photius, Cod. 229, édit. Bekker, p. 252-254, parle d’un parfum qu’on allait y recueillir comme à une source, et Grégoire de Tours, De glor. mart., 30, t. lxxi, col. 730, appelle cette poussière miraculeuse qui sortait du tombeau « une sorte de manne, semblable à de la farine, qui, transportée au loin dans les communautés chrétiennes, y faisait de nombreux miracles ». Le Ménologe de Basile Porphyrogénète, iii, 8 mai, t. cxvii, col. 441, raconte le même prodige. Cf. Simon Métaphraste, Patr. gr., t. cxvi, col. 704-705. Rien de plus naturel que de voir les pèlerins venir en grand nombre au célèbre tombeau. Cette affiuence avait fini par être l’occasion de transactions considérables, dans une foire célèbre, qui produisait jusqu'à cent livres d’or, soit quatre cent cinquante mille francs de droits de douane pour les marchandises importées ou exportées, ce qui était d’un gros revenu pour l'Église d'Éphèse. L’empereur Constantin VI réduisit considérablement ces droits, et ce fut une première cause de déchéance pour la basilique et les autres monuments de la cité. La seconde fut l’invasion turque, au xiie siècle. Nous avons dans les lettres inédites de Georges le Tornique, métropolitain d'Éphèse ( voir Parnassos, 1878, cité par M. Weber, Guide à Éphèse, p. 39), une indication sur l'état lamentable de l'égiise Saint-Jean à la fin de ce xiie siècle : « Les terrasses, dit-il, sont transformées en marais, parce que l’eau y séjourne ; la chaux tombe de tous côtés ; les images en mosaïque sont détruites ; les serpents et les sirènes s"y réfugient, mais les pasteurs ne peuvent y habiter. » Ce