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CANON DES ECRITURES


nabé, à celle de saint Clément… Ce sont pour lui des Écritures divines, mais il tient compte des traditions qui ne sont pas conformes à celles d’Alexandrie… Tout autre est sa manière de traiter les apocryphes. Ce n’est pas qu’il soit hostile à ces livres. Il en cite quelques-uns avec un certain respect ; … mais… quand la doctrine de ces apocryphes lui semble erronée ou peu sûre, il a soin d’observer que ce ne sont pas des livres ecclésiastiques ni émanant d’Apôtres ou d’hommes inspirés. De princ. Prsef., 8, t. xi, col. 119-120. » A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1891, p. 145-146.

§ 4. Histoire du canon du Nouveau Testament, pendant le ire siècle. — 1° Église grecque. — Un passage célèbre d’Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, iii, 25, t. xx, col. 228, nous fournit des renseignements nets et précis sur l’état du Canon du Nouveau Testament à cette époque. En voici la traduction : « Il paraît à propos, dit-il, d’énoncer brièvement ici les Écritures du Nouveau Testament qui sont [connues dans l’Église]. — I. Il faut placer en premier lieu le saint nombre quaternaire des Évangiles, puis le livre des Actes des Apôtres. On doit compter ensuite les Épîtres de Paul, auxquelles il faut ajouter celle qui est dite la première de Jean et pareillement la première de Pierre. On y joindra, si l’on veut (eîye çœvecVi), l’Apocalypse de Jean, au sujet de laquelle nous dirons en temps et lieu ce que nous pensons. Ce sont là les livres reçus d’un commun accord (êv ài.oXoiov).kvoi ; ). — II. Quant à ceux qui sont controversés (twv à’  « vTtXeyo|xév(ov), mais qui sont regardés par la plupart comme authentiques (Yvwpiixwv 6* oùv Siimç toïç itoXXoïc), ce sont l’Épitre dite de Jacques, celle de Jude, la seconde de Pierre, et celles qui sont appelées la seconde et la troisième de Jean, soit qu’elles aient été écrites par l’Évangéliste, soit qu’elles l’aient été par un homonyme. — III. Parmi les apocryphes (èv-rot ; vôBoi ; , spuria), il faut placer le livre des Actes de Paul, celui qui est appelé le Pasteur, de plus l’Épître de Barnabe, et ce qu’on nomme les Enseignements (SiSa^otî) des Apôtres, et aussi, si l’on veut, comme je l’ai dit, l’Apocalypse de Jean, que quelques-uns, comme je l’ai remarqué, mettent de côté ( « Oîtoûo-’.v), mais que les autres comptent parmi les livres reçus d’un commun accord (toïî 5|xoXoyou|ji.évoiî). À ces livres, quelques-uns ajoutent aussi l’Évangile selon les Hébreux, dont se servent surtout ceux qui parmi les Hébreux ont reçu la foi du Christ. Ce sont là sans doute tous les livres qui sont controversés. Nous avons pensé que nous devions en dresser le catalogue (y.xiàloyo-i) en distinguant les écrits qui, selon la tradition ecclésiastique, sont vrais, authentiques, admis par tous, et ceux qui sont contestés, n’étant pas dans les listes (év8ca6r, xo-j : ), mais sont connus de la plupart des hommes ecclésiastiques, afin que nous les connaissions nous-mêmes,

— IV. ainsi que les écrits qui sont reçus chez les hérétiques sous le nom des Apôtres, soit qu’ils contiennent les Évangiles de Pierre, de Thomas, de Matthieu et autres, ou les Actes d’André, de Jean et des autres Apôtres ; aucun homme ecclésiastique, dans la succession continue de l’Église, n’a jamais daigné tenir compte d’aucun de ces écrits. Du reste, même leur manière de parler, différente de celle des Apôtres, leurs pensées et leur enseignement, qui s’écartent le plus souvent de la véritable orthodoxie, montrent clairement que ce sont des productions des hérétiques. On ne doit donc même pas les placer parmi les apocryphes (iv vô601ç), mais les rejeter absolument comme absurdes et impies, »

Eusèbe, pour écrire ces pages, avait entre les mains un grand nombre de documents que nous ne possédons plus ; mais ceux qui nous restent suffisent, comme nous le verrons, pour apprécier ces affirmations. Il distingue quatre classes de livres : 1° ceux que nous appelons aujourd’hui protocanoniques, admis de tous, les quatre Évangiles, les Actes, les Épîtres de saint Paul, la pre i mière de saint Jean et la première de saint Pierre, et, ] avec une restriction, l’Apocalypse. Pour les Épîtres de saint Paul, elles sont si connues, qu’il croit inutile d’en indiquer même le nombre ; mais nous sommes certains qu’il les comprend toutes, sans exception, car il a dit plus haut, dans ce même livre de son Histoire, iii, 3, t. xx, col. 217 : « Les quatorze Épîtres de Paul sont bien connues de tous ; il faut cependant savoir que quelques-uns mettent de côté l’Épître aux Hébreux, parce qu’on dit que l’Église de Rome la refuse à Paul. » Nous verrons, en effet, qu’on faisait quelques difficultés dans l’Église d’Occident contre l’Épître aux Hébreux ; de même que, dans certaines parties de l’Orient, on en faisait contre l’Apocalypse. Origène nous a déjà indiqué qu’il existait quelques doutes sur l’Épître aux Hébreux, mais seulement sur son origine paulinienne ; il n’a exprimé aucune incertitude sur l’Apocalypse. — Eusèbe, en second lieu, énumère les écrits canoniques controversés, àvTiXey6|j.iv2, qui sont admis pour la plupart, c’est-à-dire cinq des Épîtres catholiques, celle de saint Jacques, celle de saint Jude, la seconde de saint Pierre, la seconde et la troisième de saint Jean. Son témoignage est ici d’autant plus précieux, qu’il est plus catégorique et qu’il a trait à des écrits que la plupart des écrivains n’ont pas eu occasion de citer, à cause de leur brièveté. Il est certain d’ailleurs que leur authenticité était regardée comme douteuse par certaines Églises. — La troisième classe d’Eusèbe comprend les écrits qu’il appelle v<58a, parce qu’ils ne sont pas des auteurs à qui on les attribue, comme l’Apocalypse de Pierre, ou du moins qu’ils ne sont pas la parole de Dieu inspirée, comme le Pasteur. On lisait ces livres dans certaines Églises ; ils ne sont pas condamnables en eux-mêmes, mais ils ne font pas partie du canon,-rEnfin la dernière classe, qu’Eusèbe qualifie d’absurde et d’impie, comprend les œuvres hérétiques.

Du passage d’Eusèbe, il résulte que l’Apocalypse était presque universellement acceptée, de sorte qu’il la place parmi les homologoumena ; mais il fuit quelques réserves, parce qu’en effet l’Église d’Anlioche ne l’admettait pas, et que Denys d’Alexandrie, surnommé le Grand, l’avait rejetée. Denys († 264), disciple d’Origène et son successeur dans les fonctions de catéchiste dans l’église d’Alexandrie, puis évêque de cette ville, avait composé deux livres perdus, Des promesses, pour réfuter un évêque égyptien, nommé Népos, qui soutenait le millénarisme en s’appuyant sur l’Apocalypse, xx, 4-7. Cf. Eusèbe, H. E., vii, 24, t. xx, col. 692. Afin d’enlever à Népos l’autorité qu’il invoquait en sa faveur, Denys, relevant les différences de style qu’il remarquait, avec sa subtilité d’Alexandrin, entre les Évangiles et les Épîtres, d’une part, et l’Apocalypse, d’autre part, nia que ce dernier écrit fût de l’Apôtre saint Jean. Eusèbe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 697. Eusèbe de Césarée, qui nous a conservé ces détails, les avait présents à l’esprit lorsqu’il disait que quelques-uns contestaient l’authenticité de l’Apocalypse. Cependant l’opinion de Denys était si contraire à la croyance générale, qu’elle ne put pas prendre pied, même dans l’Église d’Alexandrie. Nous lisons, en effet, dans la lettre festivale 39 de saint Athanase, écrite en l’an 367, t. xxvi, col. 1176 : « Il ne faut pas manquer d’énumérer aussi les livres du Nouveau Testament : les quatre Évangiles selon Matthieu, selon Marc, selon Luc et selon Jean ; ensuite les Actes des Apôtres et les Épîtres des Apôtres appelées catholiques, au nombre de sept : une de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean, une de Jude ; en outre, les quatorze Épîtres de Paul l’Apôtre, en cet ordre : la première aux Romains, deux aux Corinthiens, ensuite aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens deux, aux Hébreux ; ensuite à Timothée deux, à Tite une, et la dernière à Philémon, une, et enfin l’Apocalypse de Jean. Ce sont là les sources du salut, etc. » L’Apocalypse, on le voit, est acceptée sans aucune restriction, et il n’existe entre ce catalogue du Nouveau