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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/961

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ÉPHÉSIENS (ÉPÎTRE AUX)


lettre, qui était lue à chaque communauté chrétienne, et dont celle-ci prenait copie en y insérant son-nom au premier verset : IlaCiXoç…, toîç &y(o'. ; toï ; owtiv Èv…? C’est ce qu’on ne peut préciser, quoique la seconde hypothèse paraisse plus probable. Cette lettre est celle que les Colossiens devaient recevoir de Laodicée, Col., iv, 16 ; car la lettre de Laodicée n'était pas une lettre spécialement adressée aux Laodicéens, autrement saint Paul n’aurait pas chargé les Colossiens, Col., IV, 15, de ses salutations pour les frères de Laodicée ; il les leur aurait envoyées dans la lettre dont il parle, iv, 16. Toute la tradition la tenait unanimement pour adressée aux Éphésiens, parce que probablement la copie qui a subsisté et qui a fait foi était celle de l'Église d’Ephèse, métropole de l’Asie. Que des copies avec une autre adresse aient existé, le fait est prouvé par Marcion. Si cette Épître est une lettre-circu-laire, on comprend très bien que Paul, s’adressant aux Églises ethnico - chrétiennes d’Asie et de Phrygie, que pour la plupart il n’avait pas évangélisées, l’ait écrite en son seul nom, sans y joindre celui de Timothée ; qu’il fasse ressortir sa vocation d’Apôtre des Gentils, ainsi que la révélation par laquelle il a connu le plan de Dieu pour la rédemption du genre humain, iii, 2-12 ; qu’il n’y ait introduit rien de spécial à qui que ce soit, aucune salutation particulière, et que d’ailleurs Tychique ait été chargé de transmettre à chacun ce qui lui était particulier et les détails sur les actes de l’Apôtre. Eph., VI, 21. — 2. D’autres critiques, Goldhagen, Danko, Drach, Bacuez, Cornely, maintiennent que la lettre a été écrite aux seuls Ephésiens. On fait remarquer, que les preuves externes sont pour la destination exclusivement éphésienne, ainsi qu’il ressort de ce qui a été dit plus haut. Les arguments internes, qui paraissent s’y opposer, peuvent être expliqués. Les paroles de saint Paul, i, 15 ; iii, 2 ; iv, 20, n’ont pas le sens qu’on leur attribue. Voir Cornely, Introd. in Novi Testamenti libros, p. 497. Les Épîtres aux Thessaloniciens et la seconde aux Corinthiens sont privées aussi de salutations, ainsi que l'Épitre aux Galates ; il est vrai que celle-ci était circulaire. Le P. Cornely ne peut expliquer pourquoi Paul s’est abstenu dans cette lettre des allusions personnelles, si fréquentes dans les autres ; mais cette difficulté nelui paraît pas suffisante pour abandonner la tradition, qui unanimement l’a crue adressée aux Éphésiens. Elle n’a en outre aucun des caractères d’une let’re - circulaire, comme celle qu'écrivit l’Apôtre aux Églises de Galatie ou celle à l'Église de Corinthe, qui devait être communiquée aux fidèles de l’Achaïe. Il est ridicule enfin de supposer que Paul avait laissé dans l’adresse de sa lettre un espace, en blanc qui devait être rempli par le nom de ceux à qui Tychique remettait l'Épitre. L’occasion et le but de cette Épître peuvent s’expliquer de la même manière, quelle que soit l’opinion que l’on adopte au sujet des destinataires.

II. Occasion et but de l'Épître aux Éphésiens. — Il est impossible de dire avec certitude à quelle occasion et dans quel but saint Paul écrivit l'Épitre aux Éphésiens. Cette lettre semble être simplement une exposition dogmatique et morale du christianisme. Aussi plusieurs critiques soutiennentils que saint Paul n’a pas eu en l'écrivant de but déterminé, mais qu’il voulait communiquer aux chrétiens d’Asie un don spirituel, ^âpuri** 7rvEu(iaTtxôv, comme il fit autrefois pour les Romains. Rom., i, 11. Cependant, étant donné les relations entre cette lettre et l'Épitre aux Colossiens, il est possible de faire sur les intentions de l’Apôtre quelques conjectures plausibles. Saint Paul, prisonnier à Rome, avait appris d'Épaphras, son disciple, quelle était la situation religieuse et morale de l'Église de Colosses et probablement aussi celle des autres Églises d’Asie. Il écrivit donc à Colosses, pour prémunir les chrétiens de cette ville contre les erreurs qui se faisaient jour spécialement chez eux^ et en même temps il écrivit une seconde lettre, où il traitait la question à un point de vue plus général. Ce fut la lettre

aux Éphésiens. Il y enseigne l’unité de l'Église en JésusChrist ; mais il semble ressortir de divers passages que cet enseignement général a pour but de prémunir ses lecteurs contre certaines erreurs, qui tendaient à se répandre dans les Églises d’Asie. L’Apôtre ne combat pas directement les erreurs, mais il les détruit en enseignant les vérités chrétiennes qui leur sont opposées.

1° En effet, le christianisme avait fait de rapides progrès dans les villes de l’Asie ; les nouveaux convertis étaient des Juifs, fort nombreux dans ce pays, et des Gentils adonnés aux désordres moraux, ainsi qu’aux superstitions et aux spéculations transcendantes, originaires de l’Orient, Probablement les Juifs méprisaient les païens, qui n’avaient pas eu part à l’ancienne alliance ; de là nécessité pour l’Apôtre de leur enseigner à tous le mystère qui lui avait été révélé, l'Évangile, pour lequel il avait été appelé à l’apostolat. Il fallait donc établir la position des païens dans l'Église en face des Juifs, et montrer que les païens n'étaient plus des étrangers, mais des concitoyens des saints, Eph., Il, 19, qu’ils faisaient partie d’un même corps et qu’ils étaient participants à la môme promesse en Jésus-Christ par l'Évangile, iii, 6, et qu’ainsi le mur de séparation étant abattu, ii, 14, tous, païens et Juifs, devaient, ainsi qu’il les exhorte, avoir « un seul corps et un seul Esprit (comme aussi vous avez été appelés dans une seule espérance de votre vocation), un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous ». IV, 4-6.

2° Ces païens, et peut-être aussi les Juifs, étaient imbus des spéculations orientales, qui s'étaient fait jour à Colosses. Saint Paul y fait allusion quand il dit que les Apôtres ont été établis pour l'édification du corps du Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu…, « afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés çà et là par tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les artifices de l'égarement. » Eph., IV, 12-14. Pour mettre ses lecteurs en garde contre ces erreurs, l’Apôtre leur rappelle que la grâce a été répandue sur eux avec toute sorte de sagesse et de jugement, I, 8 ; que l'Évangile du salut est parole de vérité, I, 13, et enfin lorsqu’il établit dans tout ce paragraphe, I, 3-14, la dignité suréminente de Jésus-Christ. Plus loin, 15-23, en opposition aux théories des faux docteurs sur les anges, il affirme la souveraineté duChrist sur tous les êtres créés, célestes et terrestres ; et pour combattre le faux ascétisme, il montre comment jles bonnes œuvres sont le fruit de la foi. ii, 9, 10. Ce' point de vue ressort bien davantage dans la deuxième partie de l'Épitre, où saint Paul a voulu établir que la famille était d’institution divine, que l’union des époux devait être sainte ; c’est un avertissement de ne pas écouter ceux qui, sous prétexte d’atteindre à une sainteté supérieure, prétendaient que le mariage est une souillure.

3° Enfin ces païens, ainsi que le leur dit saint Paul, étaient morts par leurs offenses et leurs péchés, dans lesquels ils ont marché autrefois, et tous, les Juifs aussi bien, vivant dans les convoitises de la chair, faisant les volontés de la chair et de leurs pensées, ii, 1-3, devaient être instruits de leurs devoirs moraux, pour être purs et sans tache en présence de Dieu. I, 4. — Le but de saint Paul, en écrivant sa lettre aux Éphésiens, a donc été de dévoiler le plan éternel de Dieu pour le salut de l’humanité par la rédemption de Jésus-Christ, et d'établir que Juifs et païens formaient un seul corps, l'Église chrétienne, et ensuite d'édicter les préceptes moraux de la vie chrétienne, suite nécessaire du salut en Jésus-Christ.

III. Lieu de composition et date de l'ÉpItre. — Elle a été écrite par saint Paul, prisonnier, Eph., iii, 1 ; iv, 1, et a été portée à sa destination par Tychique, en même temps que l'Épitre aux Colossiens. Eph., vi, 21 ; Col., iv, 7, 8. Elle a donc été composée probablement à Rome, vers la fin de l’an 61 ou au commencement de l’an 62,