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GREC BIBLIQUE


substantiellement les mêmes. Dans le Nouveau Testament, le matériel de la langue, mots et constructions, reste le même, on peu s’en faut, dans tous les livres ; mais le maniement de la langue et le style diffèrent profondément entre les divers auteurs. — Les Septante contiennent des hébraïsmes. Le Nouveau Testament contient de plus des aramaïsmes et rabbinismes. — Dans les Septante, la couleur hébraïsante est épaisse, éclatante ; elle est répandue dans tous les livres et dans toutes leurs parties, et à peu près au même degré partout. Dans le Nouveau Testament, la couleur hébraïsante est saisissable à peu près partout ; mais elle n’y est pas excessive comme dans les Septante, elle y est très inégalement répartie, et cela dans un même livre. À peine sensible dans l’Épi tre aux Hébreux et dans certains chapitres des Actes, elle est très forte dans l’Apocalypse et très inégalement distribuée dans l’Évangile de saint Luc et dans ses Actes, où certains morceaux sont particulièrement hébraïsants. — Les observations précédentes montrent que le Nouveau Testament a été composé immédiatement en grec, et n’a pu être composé d’abord en hébreu et traduit ensuite en grec. — Beaucoup d’idées du Nouveau Testament sont nouvelles, par exemple les idées spécialement chrétiennes ; et ces idées n’existent pas dans la Septante. — La langue du Nouveau Testament est la sœur puinée de celle des Septante, et non sa fille ; la plus jeune a seulement demandé aide et secours à Painée. Au moment d’être prêché par des Juifs dans le monde hellénisant, le christianisme s’est formé sa langue, comme le judaïsme s’était formé la sienne trois siècles plus tôt. — On ne peut comprendre le Nouveau Testament clairement et complètement, sans connaître les éléments essentiels de l’hébreu, comme pour comprendre les Septante. Comme pour les Septante, on ne peut s’attacher à la lecture du Nouveau Testament sans être suffisamment déshabitué de la forme littéraire et traditionnelle du grec classique, et sans s’être familiarisé avec une manière nouvelle de penser et de s’exprimer.

VII. ÉLÉMENT CHRÉTIEN DU NOUVEAU TESTAMENT. —

La première modification linguistique produite par le christianisme a été celle de l’araméen, commencée par Jésus-Christ lui-même, et continuée par ses disciples vivant avec les communautés chrétiennes aramaïsantes de la Palestine. — La seconde a été celle du grec, dans la bouche des prédicateurs chrétiens hellénisants. Elle s’est faite dans les conditions suivantes : 1° Elle a subi l’influence de l’araméen, en tant qu’il avait été christianisé lui-même, et elle a imité ou transporté en grec des expressions araméennes chrétiennes ; 2° La réflexion des prédicateurs chrétiens sur leurs principes religieux, les controverses avec les adversaires juifs ou hérétiques, la réfutation du paganisme, les explications requises pour l’instruction des néophytes, toutes ces causes amènent le développement théorique de la doctrine chrétienne. Mais cette doctrine est aussi pratique ; elle donne de la vie une conception nouvelle, surnaturelle ; elle s’applique à tous les besoins et à tous les actes de la vie ordinaire soumise à la loi morale. Ce développement théorique et pratique du christianisme produit nécessairement une modification correspondante de la langue grecque ordinaire, qui se développe parallèlement pour former la langue grecque chrétienne. Ainsi, dans les Épltres, le péché originel, la grâce, l’habitation et l’opération du Saint-Esprit dans les âmes, la renaissance spirituelle de l’âme et la vie nouvelle qui en découle, l’inutilité des œuvres et des formalités dé la loi juive, les tentations et épreuves, l’attitude du chrétien à l’égard du monde extérieur et de ses biens, voilà des idées qui travaillent maintenant la langue grecque profondément, la développent et la transforment ; 3° Lorsque les auteurs du Nouveau Testament ont employé dans leurs œuvres la -langue de la prédication orale déjà formée dans une

certaine mesure, ils ont contribué à la développer dans cette même direction chrétienne qu’elle suivait depuis l’origine ; 4° Les modifications de la langue sous l’influence chrétienne sont soumises aux lois de l’analogie : le sens propre d’un mot grec est étendu de manière à lui faire exprimer une idée chrétienne ; le sens hébraïsant d’un mot grec reçoit aussi une extension de cette nature ; les composés ou dérivés nouveaux, exprimant des idées purement chrétiennes, suivent les règles ordinaires du grec hébraïsant, etc. ; 5° L’élément chrétien est inégalement répandu dans le Nouveau Testament. Dans les Épitres, par exemple, qui nous donnent le développement des principes chrétiens, il apparaît considérable et frappant, plus net et plus proprement chrétien que dans les Évangiles, où il reste enveloppé de judaïsme ; 6° La couleur chrétienne est parfaitement distincte de la couleur hébraïsante. L’influence et la couleur chrétiennes sont plus profondes et plus étendues dans le Nouveau Testament que l’influence et la couleur hébraïsantes. Mais la couleur chrétienne frappe moins : nous sommes trop habitués aux idées et expressions chrétiennes ; l’élément chrétien consiste surtout dans la christianisation du sens des mots grecs ou gréco-hébraïsants ; il affecte beaucoup plus le lexique, le style et l’exégèse que la morphologie ou la syntaxe. Au contraire, l’influence hébraïsante produit des changements et des irrégularités considérables. — Exemples de l’influence chrétienne : Mots nouveaux, composés ou dérivés, àvavevvâv, àvaÇîjv, à>>.otpi£m<TX0710< ;, ai^xztxyyaltx, pdt7r-Tia |ia, naêêxtimiii, o-uvtrraupoûo-Sai. Mots et expressions prenant un sens chrétien, « prov xXâuat, x<io-| « >i ;, awT7]pi’a, ï<ixq, eùaYTféXiov, x » )pûo-(Teiv et x^puYH* ! °’xXï]Tof ; oî èxXex-TOi, aTtôcnoXoi, uâpTupe ;  ; o’xoSo|ir, et oîxoôo^eiv ; ctvwdev Yevvâirtat ; âxovetv et àpâv appliqués aux actes du Ufot dans l’Évangile de saint Jean. Mots et expressions techniques : potirriÇeiv, rccVmc, ol luazol, Siâxovoç, êict’ffxoito ;, tiffxsiv en parlant de la passion de J.-C, Cîjv h xupîu, TtpedêuTepoç ; tô 7tveû(ia ou icvcOfia âyiov pour désigner la troisième personne de Dieu, et ô X^yoç, ô ylrfç pour désigner la seconde ; (ô) 8eôç avec ou sans article, nom propre du seul Dieu qui existe, de celui que les Juifs appelaient 6 ôsôç 6 ïrôv. Métaphores nouvelles, où les choses du monde matériel expriment les choses du monde chrétien surnaturel, TrepiraxTeiv èv xatvÔTrjTi ïwîjc, xaià aâpxa, èv r|[i.épot, èv màtti, xarà SvOpwTrov, tû> aÛTâ icveii(jiaT(, èv tw ipwrf, etc. ; nérpa axavoaXou, tô axâvSocXov toO (TTaupoû ; Ta (ilXr) toO TtovrjpoO Ta Tceicupto^éva et tôv 6upebv Trje nîorew ;, Eph., VI, 16 ; eï ti ; OsXes ômau> (iou èX8eîv, àicapvr^aàabiù iauTÔv xaî àpàrw tov (rravpbv ocÙtou xat àxoXouOtkw pot, Matth., xvi, 24, avec l’expression hébraïsante ottotw [io’j èXôeïv prenant un sens chrétien ; lirt Taûr » i tîj TOTpa oîxo£o| » )<nt) (io’j tïjv êxxXï](r(av xa miXaf â80y où xaTiff/ûffouiiv aÙTÎjç, Swam <toi Tac xXeCSaç xtX. Matth., xvi, 19 ; à 5>/ eic tôv x<SX ?iov toû itaTpôç. Joa., i. 18. Rapport nouveau, chrétien, entre un mot et son complément et constructions particulières, àitoOavetv tî à(jL « pT ! à ; i ; î]v tô » 8sâ, Çîjv tw 8e<3 èv XpidTtï’Ikjo-oû, Rom., vi, 11 ; t&v 7riaTev<SvTwv Si’àxpo6’jemaç, et x-îjç èv àxpo6u<TTÎot m’o-Teo » ;  ; PauriÇeiv Tivà év nvtJ|j.aTi, ecç nveOjiot, eU tô ovo(ia toû mxTpô ;, èirt xû> àvo^aTi, êv tw iv6xan, etî.Xp^iTTO’v, etç tôv OâvaTov, sic 8v <nô|j.a ; rjv icpo ; tciv 8e<Sv avec le sens théologique de « en Dieu et en union avec Dieu », = i wv eï « tov x<SXm>v, Joa., i, 1, 18 ; èvSuva(loSafle èv Kvpfu t.a Èv tw xpàTei Trjç la^Joi aÙToû (Eph., vi, 10), « par le Seigneur et en union avec lui, par sa force et en restant dans la sphère d’action de cette force. »

VlllCARACTÈRES DE LA LANGUE DU NOUVEAU TESTA-MENT. — 1° L’analyse des éléments constitutifs de la langue du Nouveau Testament montre qu’il faut la considérer comme une langue vivante, en voie de se transformer radicalement sous l’action d’étrangers juifs prêchant au monde la doctrine nouvelle du ehristia-