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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/287

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HÉBREUX (EPITRE AUX)


conséquent par les Apôtresou par les disciples de Jésus. La phrase est assez générale cependant, pour qu’on puisse y voir simplement une manière de dire que la doctrine chrétienne a été enseignée d’abord par Nptre-Seigneur, puis confirmée par ses disciples. Quoi qu’il en soit, sa conception du christianisme se rattache plutôt à la conception des Apôtres de Jérusalem. Le christianisme est un achèvement de la Loi ; c’est la Loi accomplie. Jésus, suivant sa parole, Matth., v, 17, n’était pas venu abolir la Loi mais l’accomplir. On trouve aussi dans cette Épltre quelques images, empruntées aux enseignements des rabbins palestiniens. La Jérusalem céleste, xii, 22, que nous cherchons, xiii, 14, rappelle la Jérusalem qui, d’après les rabbins, existant dans le ciel, devait descendre sur la terre toute bâtie, Apoc., xxi, 2, lorsque s’établirait le royaume de Dieu. Malgré cela, il ne semble pas que notre auteur soit un élève des écoles de Palestine. Son Épître se rapprocherait plutôt de la première Epître de Pierre avec laquelle on a pu signaler des rapports tout à la fois littéraires et doctrinaux. — 1. Rapports littéraires. Mention du corps du Christ, Heb., x, 5, 10 = I Pet., ii, 24 ; de l’oblation de son sang, Heb., xii, 24, xotl aîjiaTc ^avttTjio-j xpEircova Xa-Xoûvti, et I Pet., i, 2, e’ç Ôtkxxoïiv xa ^oivtktjaov ai’iJiaTo ; ’Iy]1700 Xptarov. Jésus-Christ nous est un exemple par ses souffrances, Heb., xii, 1-3, et I Pet., ii, 21-23 ; par lui nous offrons une hostie de louange, cxÏvégeuç, Heb., xiii, 15 ; spirituelle, m/Ej[j.aTixri, I Pet., ii, 5 ; 81’a-JToû, « par lui, » disent l’Èpître aux Hébreux et la première Épître de Pierre. Saint Paul, qui emploie cette préposition 81à, lorsqu’il parle d’action de grâces offerte à Dieu, ne s’en sert pas lorsqu’il est question de sacrifice. Signalons enfin quelques ressemblances verbales : ivrlTOicoç, Heb., ix, 24 = 1 Pet., iii, 21 ; ôyvooOvts ; xoù TtXavwjjivot, Heb., V, 2 ; rx, 7 = I Pet, i, 14 ; ii, 15, 25 ; fcévoi xoù naperc ! 87)|ioi ; Heb., xi, 13 = 1 Pet., i, 1 ; ii, 11 ; 6 Xôyo ; to-j ©eoû Çffl’v, Heb., iv, 12 = I Pet., i, 23 ; xlijpovojjiçtv ttiv sùXoyiav, Heb., xii, 17 = I Pet., iii, 9 ; EÏp7Jvr)v Simxsïv, Heb., xii, 14 = I Pet., *m, ll ; 6 ©eo ; xatapTia-ai, Heb., xiii, 21 =IPet., v, 10 ; aîjia â’|j.w|j.ov, Heb., IX, 14 = uu-îw aîjiati <&( àjjwoû àpiwnou, I Pet., i, 19. — 2. Rapports doctrinaux. Pour l’Épltre aux Hébreux et la. première Épître de Pierre, la foi est une ferme confiance en un Dieu invisible, Heb., xi, 1-3 = 1 Pet., i, 5-9 ; la justice, une voie droite, Heb., x, 38 = I Pet., ii, 24, iii, 14 ; l’espérance est fortement recommandée aux fidèles, Heb., VI, 11, 18 = I Pet., i, 3, 13. La doxologie, û> ï) &ôia eîç toOç alrâvaç twv a’i<5vwv à|MJv, est la même dans Heb., xiii, et I Pet., iv, 11 ; v, 11, sauf que l’Épltre de Pierre ajoute : xod tb xpdcToc. Le Christ est mort une fois pour toutes, Heb., vu, 27 — I Pet., iii, 18. — Malgré ces analogies et d’autres que l’on pourrait encore signaler, nous ne pensons pas qu’il y ait une dépendance entre ces deux écrits. Ces rapports s’expliquent par ce fait qu’ils ont un but commun : celui de prouver que la loi ancienne a fait place à la loi nouvelle. En outre, ils ne sont pas tels qu’on ne puisse les expliquer, comme beaucoup d’autres dans le Nouveau Testament, par le recours à la tradition commune. On ne doit jamais oublier que les écrivains du Nouveau Testament dépendent tous d’une tradition orale, d’un même fond d’enseignement, dans lequel chacun a puisé suivant la doctrine qu’il voulait enseigner et le but à atteindre. Enfin, rien ne prouve que ce soit l’Épitre aux Hébreux qui ait emprunté à l’Èpître de Pierre. Le contraire serait plus probable et dans la manière de procéder de cette Épltre, où l’on retrouve des traces visibles d’emprunts à d’autres écrivains, à saint Paul et à saint Jean, par exemple. En tout cas, nous ne pouvons accepter l’hypothèse de Velch, qui attribue à saint Pierre l’Épltre aux Hébreux. The Authorship of the Episile to the Hebrews, Londres, 1899.

2. Rapports de l’Épitre awx Hébreux avec l’école d’Alexandrie. — Depuis Çarpzov, Exercitaliones in

S. Pauli Apostoli Epistolam ad Hebrseos ex Philone Alexandrino, Helmstadt, 1750, les critiques ont insisté sur les rapports qui auraient existé entre le style et la langue de l’Èpître aux Hébreux et ceux des écrivains alexandrins, de Philon en particulier. Pour le détail de leurs opinions, voir Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen Theol., X. ii, p. 290. Tout en reconnaissant les ressemblances nous devons constater aussi deprofondes différences. — 1° Ressemblances. L’Épltre aux Hébreux et Philon emploient tous les deux les expressions suivantes : Sp^iEpEÛç ttj ; ô[ioXoYta ;  ; Muxiïje murb ; Èv ôXù) xS 6îx(p ; ai’Troç « rutiipia ;  ; <o ; eTto ; eiicEîv, etc. L’Èpître aux Hébreux et Philon placent l’autel des parfums dans le Saint des saints ; ils considèrent la Sainte Écriture comme littéralement inspirée ; c’est Dieu qui parle ; l’idée de la foi est la même, ainsi que l’argumentation allégorique. Tout dans l’Écriture était un symbole ; les hommes, les événements étaient la réalisation des vérités supérieures. Tous les attributs et les noms que l’Épltre aux Hébreux donne au Fils de Dieu se retrouvent dans Philon appliqués au Logos. — 2° Différences. Nulle part l’Épltre aux Hébreux ne parle du Logos et ne l’identifie avec le Christ. Entre le Logos de Philon et le Fils de Dieu de l’Èpître aux Hébreux, il y a cette différence capitale que le Fils de Dieu est un être qui a. vécu, un personnage réel, historique, tandis que le Logos de Philon est un être abstrait. D’un côté nous avons la vie ; de l’autre côté la spéculation. Les conceptions allégoriques ne sont pas non plus identiques des deux parts. Pour Philon, les observances légales sont les symboles des idées transcendantes ; pour l’Èpître aux Hébreux l’Ancien Testament et sa législation sont un fait historique, lequel est un exemplaire anticipé de l’alliance nouvelle. Ici encore les symboles sont l’image de la réalité, tandis que là ils sont le prototype des idées. Il ressort de ces observations que les ressemblances sont plutôt extérieures, tandis que les différences atteignent le fond.

III. conclusions.

Caractéristiques générales.


De cet ensemble de recherches sur la langue, les doctrines et l’histoire de l’Èpître aux Hébreux résultent les caractères généraux suivants, que l’on doit retrouver dans le personnage qui a écrit cette Épître. — 1. Le rédacteur a été de la deuxième génération apostolique, puisqu’il a reçu son enseignement de ceux qui ont entendu le Seigneur. — 2. Il connaissait les doctrines de saint Paul, par conséquent, il avait pu lire quelques-unes de ses lettres ou, ce qui est plus probable, il était de l’entourage de saint Paul, peut-être même un de ses disciples. — 3. Cependant, il devait en même temps être Juif et avoir une grande connaissance des Saintes Écritures, avec même une certaine tendance judaïsante. — 4. Il connaissait peut-être la première Épître de saint Pierre et les écrits de saint Luc. S’il n’a pas connûtes écrits de Philon, il a tout au moins été élevé à la même école que lui. Son éducation a été alexandrine et non palestinienne. — 5. Il devait connaître Timothée et avoir sur lui une certaine autorité. ^~ 6. Il devait appartenir d’une certaine façon an sacerdoce juif, car il est très au courant du rituel et

des cérémonies du culte mosaïque 7. Il devait être

un membre ancien et influent de l’Église à laquelle il écrivait. — 8. La pureté de son grec est telle que l’on ne peut supposer que cette langue n’a pas été sa langue maternelle. Il ne connaissait pas l’hébreu. Cependant comme il était juif, il devait être d’un pays où le grec était la langue nationale, car il pensait certainement en grec et ses tournures sont très idiomatiques. Les hébraïsmes de l’épître peuvent s’expliquer par la lecture fréquente des Septante. — 9. C’était en outre un très habile orateur, rompu à tous les artifices de la dialectique et de la rhétorique.

Examen des auteurs proposés.

Ceci posé, voyons

quel est, des auteurs qui ont été proposés, celui qui remplit le mieux les précédentes conditions. Examinons