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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/733

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14Il JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1412

syriaque ; il en fit la demande à Rome. Aquaviva lui envoya sur-le-champ le sien, s’en privant dans ses propres études. Salmeron l’en remercia par une lettre que nous possédons. » J. Boero, Vie du P. Alph. Salmeron, p. 298.

II. La législation de la compagnie de Jésus en matière d’Écritdbe Sainte. — C’est à dessein que nous traitons en seeond Heu ce qui concerne l’organisation méthodique des études bibliques dans la compagnie ; car, sur ce point, la théorie est venue après la pratique. Tous les travaux, ou peu s’en faut, dont nous avons déjà parlé, sont antérieurs à l’établissement définitif des règles qui devaient régir ce genre d’études. Avant d’être écrites, les règles du professeur d’Écriture Sainte se trouvaient déjà assez uniformément observées. Voir l’abbé Eug. Martin, L’université de Pont-à-Mousson, t. III, c. ii, § 1, p. 340, l’a bien montré pour le collège de Pont-à-Mousson, fondé en 1575. — L’année même qui suivit la mort du P. Salmeron, paraissait à Rome la première ébauche du Ratio studiorum de la compagnie de Jésus. Elle avait pour titre : Ratio atque institutio studiorum per sex Patres ad id jussu R. P. Prmposit. generalis deputatos conscnpta. I. H. S. Romse, in Collegio Soc. Jesu. Anno Dni MDLXXXVI. Excudebat Franc. Zannetus, cum facultate Superiorum. Or, dans cette rédaction provisoire, au chapitre intitulé De Scripturis, on se plaint de ce que la compagnie n’a pas encore pleinement réalisé ce que les constitutions prescrivent relativement aux études bibliques. Il faut prendre garde à un engouement excessif pour la théologie scolastique ; en particulier, il est regrettable que, dans les régions transalpines, ceux qui veulent se mettre au courant des questions concernant la Bible soient obligés de recourir aux ouvrages des protestants, avec péril pour leur foi. La prédication, au lieu de s’alimenter à sa source naturelle qui est l’Écriture, s’égare en de vaines subtilités et en de froides déclamations tirées de la philosophie ou de l’histoire profane. Voici la conclusion : « À ce mal il ne saurait y avoir d’autre remède que le zèle diligent des supérieurs à étendre, promouvoir, faciliter les études bibliques, et à encourager de toute façon ceux qui y sont spécialisés : spécialité de grande conséquence, et qui demande de puissantes aides, langues, érudition variée, connaissance de l’antiquité, et théologie scolastique, afin de pouvoir s’exprimer avec orthodoxie et propriété.’» Tout l’esprit de la législation des jésuites en la matière tient dans cette phrase. — Cette législation se prend de trois sources : a) des constitutions de saint Ignace (1550) ; b) du Ratio studiorum (rédrction définitive, 1599) ; c) des décrets des congrégations générales tenues à diverses époques. Le Ratio studiorum ne fait que régler en détail ce qui se trouve marqué dans les constitutions. Quant aux décrets des congrégations, ils précisent, complètent, et surtout remédient aux abus survenus. Voici le résumé de ces prescriptions.

I. DIGNITÉ ET EXCELLENCE DE CETTE ÉTUDE.

Quand

saint Ignace énumére les diverses branches de l’enseignement qu’on donnera dans les universités et les grands collèges de la Société, il met en première ligne la théologie scolastique et l’Écriture Sainte. Constit., part. IV, c. xil, § 1. Voilà pourquoi la 5° règle du provincial, Rat. stud., débute en disant : « Qu’il mette une grande diligence à promouvoir l’étude des saintes Lettres. » La XIIIe congrégation générale, tenue en 1687, s’aperçut avec douleur que la compagnie ne comptait plus d’exégète comparable à ceux qui avaient illustré en grand nombre le siècle brillant qui va de Salmeron (fl585) à Menochius († 1655). Elle fit un décret, le xv « , pour conjurer le général de promouvoir activement les études bibliques, selon les besoins de chaque province. Le décret se termine en ces termes : « Enfin, que la science sciipturaire, qui a toujours été est si particulière estime dans la compag » ife, garde parmi bous la place qui lui

revient, comme à l’âme de la théologie et à une culture souverainement nécessaire dans les ministères propres de la compagnie. »

II. QUALITÉS ET CONNAISSANCES DES PROFESSEVIIS

d’écriture sainte et d’hébreu. — Pour s’acquitter de sa tâche, le provincial choisira comme professeurs d’Ecriture des hommes « non seulement versés dans la linguistique (ce qui est de première nécessité), mais aussi pourvus de connaissances suffisantes en théologie et dans les autres sciences religieuses, en histoire et dans les diverses branches de l’érudition, et, autant que possible, bien doués au point de vue littéraire ». Rat. stud., reg. prov. 5 a. Il faut donc que celui qu’on applique à cet enseignement ait au préalable, 1° une théologie sûre, 2° une connaissance étendue des langues et de l’antiquité, 3° de la littérature jointe à une élocution facile et même brillante. Quiconque est tant soit peu au courant de ce qui concerne l’enseignement biblique conviendra sans peine que cette règle est formulée aec une pleine compréhension du sujet.

Le professeur d’Écriture doit être théologien.


C’est qu’en effet, la Bible n’est pas un livre ordinaire ; ses pages inspirées sont une des sources de la théologie. En portant sur l’arche de la parole divine une main téméraire, on s’expose au châtiment dont fut frappé Oza. D’ailleurs les textes religieux de la Bible ne se présentent pas au lecteur avec ordre et méthode ; et leur intelligence est singulièrement facilitée par une synthèse préalable des doctrines qu’ils renferment. Voilà pourquoi, aux termes mêmes des constitutions, part. IV, c. VI, 4, l’étude spéciale de l’Écriture ne doit pas précéder la théologie scolastique. Les exégètes jésuites n’ont pas en général la réputation d’être téméraires. Ne le devraient-ils pas précisément à la méthode qui leur est ici prescrite ?

2° Dans la préparation de l’exégète, la part faite par l’Institut à l’hébreu et aux langues orientales est considérable. Saint Ignace avait écrit dans ses constitutions : « Comme, à notre époque surtout, tant l’étude que l’utilisation de la théologie exige la connaissance des belles-lettres, ainsi que des langues latine, grecque et hébraïque, il y aura dans ces parties des professeurs capables en nombre suffisant. De plus, pour les autres langues, telles que la chaldaïque, l’arabe et l’indienne, suivant la diversité des pays et des raisons qui militent en faveur de leur enseignement, on verrait à leur donner des titulaires. » Part. IV, c. XII, 2. C’est de ce texte que se sont inspirées toutes les autres prescriptions relatives à l’enseignement des langues bibliques. — Le professeur d’hébreu doit être autant que possible, le même que celui qui enseigne l’Écriture ou, tout au moins, un théologien, la connaissance de cette langue étant principalement utile pour l’exégèse. Rat. stud., reg. prov. 7°. Les supérieurs restent juges de l’opportunité qu’il peut y avoir à mettre l’étude de l’hébreu avant, pendant ou après la théologie, Const., part. IV, c. xiii, 4 ; il pourrait même faire partie de l’enseignement littéraire, au même titre que le grec. Const., part. IV, c. xii, 2, et xiii, decl. B. Les autres langues orientales qui aident à mieux comprendre le texte ou les versions de la Bible, ont toujours été en honneur dans la Société, Rat. stud., reg. prof. ling. heb. 6°, où leur étude était singulièrement favorisée par les jésuites missionnaires en Orient qui écrivaient sur ces idiomes, ou revenaient même les enseigner en Europe. Le P. Jérôme Nadal, Schol.in Constit-, édit. 1883, p. 81, nous apprend que Pie IV ordonna d’enseigner l’arabe au collège Romain.

Saint Ignace avait trop d’expérience pour s’imaginer que la connaissance des langues suffit à préparer des exégètes tels que l’Église en attend. Il savait que cette science préliminaire n’est qu’un outil dont l’usage dépend de la main qui le manie. Aussi bien a-t-il écrit à ce