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JUDITH — JUDITH (LIVRE DE)


le glaive du chef suspendu au chevet du lit et en deux coups tranche cette tête abhorrée qu’elle place dans la besace. Ensemble, les deux femmes sortent du camp, comme à l’ordinaire, sans éveiller les soupçons et parviennent sous les murs de Béthulie. On devine la scène qui va se passer. Ce sont des cris d’enthousiasme, des bénédictions, des actions de grâces, une joie délirante, xiii. Sur les conseils de Judith, on suspend aux murailles la tête d’Holoferne et on se prépare à une sortie générale dès le point du jour. Les Assyriens atlaqués avec furie courent réveiller leur général ; ils ne trouvent qu’un cadavre sanglant, xiv. La panique s’empare d’eux, ils prennent la fuite : la déroute est complète et les Juifs des villes voisines, avertis, harcèlent les fuyards. Le butin est immense. — À ces nouvelles, le grand-prêtre Joacim vint de Jérusalem, pour voir et féliciter Judith, et il lui adressa ces paroles que l'Église applique maintenant avec raison à une libératrice plus glorieuse que l’héroïne de Béthulie, à la Sainte Vierge : « Vous êtes la gloire de Jérusalem, la joie d’Israël, l’orgueil de notre race. Et tout le peuple répondit : Amen, amen ! » XV. C’est alors que Judith entonna son cantique qui égale en beauté et en sublime le chant de Débora ou l’hymne de Marie, sœur de Moise. — Quelques détails biographiques terminent le livre. Judith consacre à Dieu toute sa part de butin. Elle reste fidèle à la mémoire de son époux Manassès et vit entourée de l’admiration et de la vénération du peuple. Elle meurt à l'âge de cent cinq ans (ou cent cinq ans après son mariage). Durant ce laps de temps et plusieurs années après sa mort, aucun ennemi n’inquiéta Israël. La Vulgate ajoute : « L’anniversaire de sa victoire fut compté par les Hébreux au nombre des jours saints et il est célébré par eux jusqu'à l’heure actuelle, » xvi.

Généalogie de Judith.

Elle est assez différente

suivant les textes. Voici celle de la Vulgate : nous donnons, quand il y a lieu, entre parenthèses, les variantes du grec et du syriaque. Judith était fille de Mérari, fils d’Idox ("ÛÇ, 'Ûz), fils de Joseph, fils d’Ozias ('O^i-fa, 'Ozziêl), fils d'Élai ('EXxe'.à uîoO 'ffXsioû, Elqanâ), fils de Jamnor (le Vaticanus omet ce nom et les trois suivants,-le Sinaiticus et l’A lexandrinus portent : 'Avavtoî, Jianân), fils de Gédéon (Gab'ûn), fils de Raphaîm (Dafnin), fils d’Achitob (après Achitob le syriaque intercale Nain), fils de Melchias (XeXxefoi ;), fils d'Élan ('EXsâë, Gir)., fils de Nathanias (Na8 « va^X), fils de Salathiel (SaXa|Ai » i)., Samuel), fils de Siméon (Eocpa<ra8aQ, fils de Ruben ('Iapar^, Israël). Le dernier nom, dans la Vulgate, est certainement fautif. Il faut lire Israël, avec le grec et le syriaque, au lieu de Ruben. Judith appartenait à la tribu de Siméon, ix, 2 (grec). Le Sarasadai du texte grec est un descendant de Siméon qui vivait au temps de l’Exode. Num., i, 6, 11, 12 (Surisaddai). Son fils était Salamiel, comme le grec l'écrit correctement, et non Salathiel (Vulgate) ou Samuel (syriaque). Manassès étant également de la tribu de Siméon, viii, 2 (grec), ainsi qu’Ozias chef de Béthulie, VI, 11 (grec, VI, 15), on suppose que la ville de Béthulie fut occupée par une troupe de Siméonites, lors de leur grande émigration, sous Ézéchias. I Par., IV, 39-41.

Moralité des hauts faits de Judith.

Plusieurs

écrivains se sont donné beaucoup de peine pour justifier de tout point quelques actions de Judith : le danger auquel elle expose sa vertu, les moyens qu’elle emploie pour tromper et séduire Holoferne, l'éloge qu’elle semble faire de la vengeance de Siméon. Pour répondre à ces difficultés, il suffit de ces quelques remarques : 4. L'Écriture n’approuve pas tout ce qu’elle raconte ; et, même dans les saints personnages, elle ne propose pas toutes les actions indistinctement à notre imitation ; surtout dans l’Ancien Testament, où l’idéal de sainteté est moins sublime. — 2. La bonne foi de Judith parait incontestable et l’on peut tout au moins louer son inten tion. Voir S. Thomas, IIa-IIæ, q. ex, a. 3. — 3. Si Holoferne est trompé par les paroles de Judith, c’est à luimême qu’il doit-imputer son erreur. S’il n’eût été aveuglé par la passion, il aurait dû flairer un piège, une ruse de guerre, de la part de la belle transfuge. Or jamais les slratagèmes entre belligérants n’ont été condamnés et le droit des gens, à cette époque, les autorisait. — 4. Enfin, Judith mentionne bien l’action d'éclat de Siméon son aïeul, mais sans louer la manière injuste et déloyale dont il tira vengeance des Sichémites. D’ailleurs, si elle l’approuvait, ce ne serait qu’en vertu d’une erreur invincible contre laquelle la sainteté ne prémunit pas toujours. — Judith est donc digne par sa piété, sa chasteté éprouvée, son ardent patriotisme, son courage et son désintéressement, des éloges que les Pères lui décernent à l’envi. Elle a mérité d'être une des figures les plus attachantes de la Vierge Marie qui, comme Judith, a vaincu le grand adversaire, sauvé son peuple et délivré le venre humain. Aussi beaucoup de passages empruntés à ce livre sont-ils entrés dans la liturgie catholique. Ajoutons que les exploits de Judith ont inspiré d’innombrables artistes, sculpteurs, peintres et littérateurs. Cf. Palmieri, De verit. histor. Ulri Judith, Golpen, 1886, p. 47-48 ; Serarius, In Tobiam, Judith, etc., commentarius, Mayence, 1599, p. 357-372.

F. Prat.

    1. JUDITH (LIVRE DE)##


3. JUDITH (LIVRE DE). — J. TEXTE ET VERSIONS. —

Nous ne possédons plus le texte original de ce livre. Ceux qui, à la suite de Louis Cappel, le croyaient composé en grec ont été victorieusement réfutés parMovers et Fritzsche. Les hébraismes perpétuels (par exemple o-çdôpa erçôSpa, traduisant me'ôd me'ôd, répété une trentaine de fois), presque toutes les conjonctions remplacées par x « i, l’absence à peu près complète de& particules dont le grec fait si grand usage (oiv, apa, ts ne paraissent jamais, [iév une seule fois, 8é et àlXâ manquent totalement dans certains chapitres), plusieurs nonsens qui ne s’expliquent que par des fautes de traduction et autres indices semblables prouvent à l'évidence une origine sémitique. Cf. Cornely, Introduclio, t. ii, part, i, p. 392-393. L’araméen lui-même ne rend pas compte de tous ces phénomènes et il semble nécessaire de supposer un original hébreu. Cependant, Origène ne connaissait de son temps aucun texte hébreu de Judith et les Juifs qu’il consulta n’en surent pas davantage. Epist. ad. Afric., t. xi, col. 80. Au contraire, les Juifs de Palestine en possédaient un texte chaldéen (ou araméen) > et le rangeaient parmi les apocryphes. C’est sur ce texte que saint Jérôme fit sa version. Prsefat. in Judith, t. xxix, col. 37.

Version grecque.

Il en existe une trentaine de

manuscrits assez différents entre eux et qu’on a vainement tenté jusqu’ici de réduire à trois ou quatre familles. Il faut dire qu’ils n’ont pas encore été collationnés avec assez de soin. Cf. Scholz, Commentar ûber das Buch Judith, 2e édit., Leipzig, 1898, p. xvii-xxiii. On trouve en appendice dans ce commentaire, p. H-CXXH, deux textes grecs, intégralement reproduits, dont la comparaison est intéressante. Le premier n’est autre que celui de l'édition sixtine, basée sur le codex du Vatican ; le second est une copie du cod. 71, conservé à Paris, notablement plus court et, au dire de Scholz, le plus précieux au point de vue critique. Une édition critique du livre de Judith a été publiée par Fritzsche, Lib. apocr. Vet. Test, grsece, Leipzig, 1871, p. 165-203 ; une autre, en 1891, par Swete, The Old Testament in Greek, t. ii, p. 781-814 (au bas des pages sont les variantes des principaux codex). Le texte du manuscrit de Paris, supplément grec, 609, qu’on croit représenter la revision d’Hésychius, est imprimé, parallèlement avec celui de l'édition sixtine, dans F. Vigouroux, La Bible polyglotte, t. iii, 1902, p. 528-602. Le texte syriaque, peu différent du texte grec, se trouve, dans la Polyglotte de Walton et a