Aller au contenu

Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/946

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
4835
4836
JUGE


enfants d’Israël montaient vers elle pour être jugés. Jud., rv, 5 ; cf. x, 2, 3 ; xii, 7, 8, 11, 13. Les deux derniers Juges réunirent à l’autorité politique le pouvoir judiciaire. Le grand-prêtre Héli exerça la fonction de juge » I Reg.. iv, 18. Samuel jugeait à Rama, sa demeure ordinaire, et chaque année il se transportait successivement à Béthêl, à Galgala et à Masphath, pour y rendre la justice, I Reg., vii, 15-17 ; il jugeait avec une équité et un désintéressement auxquels tout le peuple dut rendre hommage. I Reg., xii, 2-7. — 3. La judicature suprême rentra naturellement dans les attributions des rois. I Reg., viii, 5, 6, 20. Pour les causes graves on se rendait auprès d’eux. Ainsi font la veuve de Thécué vis-à-vis de Daud, II Reg., xiv, 4-11, et les deux femmes qui se disputent l’enlant devant Salomon. III Reg., iii, 16-27. Absalom mit à profit ces recours continuels du peuple au roi pour attirer l’influence de son côté et promettre à tous de juger leurs affaires avec plus d’attention que David et ses officiers. II Reg., xv, 2-6. Salomon, qui avait conscience de l’importance de ses fonctions judiciaires, demanda spécialement à Dieu de lui donner à cette fin la sagesse et le discernement. III Reg., m. 9. David prit soin que la justice fût dignement rendue dans tout son royaume, et il désigna six mille lévites pour remplir les fonctions de juges et de magistrats. I Par., xxiii, 4 ; xxvi, 29. Le roi Josaphat réorganisa l’administration de la justice dans le royaume de Juda. Il établit des juges dans chaque ville forte, en rappelant à ceuxci qu’ils avaient à rendre leurs sentences au nom de Dieu. À Jérusalem, il constitua un tribunal supérieur composé de prêtres, de lévites et de chefs de famille ou anciens, chargés de juger les causes qui leur seraient déférées des autres villes. Au-dessus d’eux, il y avait deux juges suprêmes, le grand-prêtre pour les questions religieuses et un officier royal pour les questions qui intéressaient la royauté. II Par., xix, 5-11. Cette organisation rétablissait ce qui avait pu dépérir depuis David et, en tout cas, le développait avantageusement. On voit que les anciens siégeaient à côté des lévites et des prêtres, mais qu’on reconnaissait deux juges suprêmes, selon que les affaires présentaient un caractère religieuxou civil. Le tribunal de Jérusalem ne constituait pas plus une cour d’appel que celui qui avait été institué par Moïse. On se contentait de lui soumettre les , causes graves, comme un meurtre, ou les cas qui offraient une sérieuse difficulté au point de vue des lois ou de leur interprétation. — 4. Durant leur déportation en Assyrie et en Babylonie, les Israélites profitèrent de l’indépendance relative que leur laissaient leurs vainqueurs. Soumis aux juges du pays dans les contestations qu’ils pouvaient avoir avec les habitants, voir Captivité, t. ii, col. 234, ils avaient la faculté de recourir parfois, comme cela se fait encore aujourd’hui dans l’empire ottoman, à des juges de leur nation dans les questions qui ne concernaient que des Israélites, et ces juges pouvaient prononcer même la peine de mort, ainsi qu’on le voit par l’histoire de Susanne, Dan., xiii, 5, 28, 41, 62, dans laquelle d’ailleurs le peuple intervient pour approuver la sentence.

Après la captivité.

1. Dans la lettre par laquelle

Artaxerxès confère à Esdras des pouvoirs sur la Palestine, il lui enjoint d’établir des juges et des magistrats pour rendre la justice à tout le peuple, et porter des peines contre ceux qui transgressent soit la loi de son Dieu, soit la loi du roi. I Esd., vii, 25, 26. Ces juges ont donc, comme ies anciens, charge d’exercer leur pouvoir sur les questions religieuses et sur les questions civiles. Quand il s’agit de réglementer la situation des Israélites mariés avec des étrangères, Esdras lui-même est à la tête d’un tribunal composé de chefs de famille. I Esd., x, 14-17 ; Judith, x, 6. — 2. À partir de la domination grecque, les Juifs instituèrent des tribunaux réguliers qui prirent le nom do sanhédrins : le grand sanhédrin

qui siégeait à Jérusalem et se composait de soixante et onze juges, de petits sanhédrins composés de vingt-trois membres et siégeant dans les villes qui avaient au moins cent vingt hommes, enfin des tribunaux inférieurs composés seulement de sept juges, parmi lesquels trois seulement siégeaient pour certaines affaires de moindre importance. Megilla, 26 a. Josèphe, Ant. jud., IV, rai, 14, dit que dans chaque ville il y avait sept magistrats ou juges à chacun desquels on donnait comme aides deux lévites. L’historien attribue cette constitution aux anciens tribunaux, bien que les Livres Saints n’entrent point dans ce détail. Les tribunaux plus récents ne connaissaient que sept ou vingt-trois juges. Sanhédrin, i, 6 ; x, 2, xi, 2. Voir Sanhédrin. On ne pouvait être juge que si l’on était homme de sagesse, de vertu et de tenue respectable. Sanhédrin, ꝟ. 17 a. On récusait les. vieillards trop âgés, les eunuques, ceux qui n’avaient pas d’enfants et les proches parents de l’accusé ou desparties. — 3. Sous la domination romaine, qui respectait autant que possible les institutions nationales, les anciens juges conservèrent leur organisation et leur compétence sur les matières religieuses et civiles. Il y avait des tribunaux locaux, appelés <xuvé8pice, Matth., x, 17 ; Marc, xiii, 9, dont quelques-uns ne jugeaient que des causes de moindre importance. Matth., v, 22 ; Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 1. Ces tribunaux étaient probablement composés d’anciens. Luc, ra, 3. Cf. Schebiith, x, 4. Mais comme le procurateur romain se réservait le jus gladii, les causes capitales furent soustraites à la connaissance même du grand sanhédrin. Joa., xviii, 31. Les procurateurs se réservèrent également les causes les plus importantes, comme celles de saint Paul, Act., xxiv, 1-3 ; xxv, 6, mais en laissant à l’accusé, selon le droit romain, la faculté d’en appeler à César. Act., xxv, 11-12. Dans les affaires ordinaires, surtout quand elles étaient d’ordre religieux, le sanhédrin de Jérusalem et les autres tribunaux du pajs continuaient à exercer leur juridiction. Joa., v, 16 ; vii, 45 ; viii, 5 ; ix, 18-34 ; xi, 47 ; xviii, 19-23 ; Act., iv, 5-7 ; v, 17, 27, etc. Il faut noter toutelois que le sanhédrin de Jérusalem, au moins depuis la mort d’Hérode le Grand, n’avait plus juridiction que sur la Judée proprement dite. La Galilée et la Pérée échappaient à son action directe. Luc, xxiii, 5-7. Le sanhédrin ne se résignait pas volontiers à cettediminution de pouvoir. Il s’efforçait de maintenir son influence même sur ces provinces qui obéissaient à des princes distincts du procurateur, Luc, iii, 1, et il envoyait des émissaires pour surveiller ce qui s’y passait. Matth., xv, 1 ; Marc, iii, 22 ; vii, 1 ; Luc, v, 17 ; Joa., i, 19 ; vii, 25. Il ne put agir juridiquement contre Notre-Seigneur que quand ce dernier vint de lui-même en Judée. Cf. Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 176-187.

Ghez les chrétiens.

Les premiers chrétiens

eurent naturellement à se soumettre aux juges locaux, dans les différents pays où ils vivaient. Cependant saint Paul ne veut pas que les fidèles, quand ils ont entre eux des sujets de discussion, recourent aux juges païens. Il leur recommande de prendre alors pour arbitres même les plus humbles de leurs frères, ou au moins, parmi ces derniers, des hommes sages qui soient capables de rendre une sentence équitable. I Cor., vi, 1-7. Quelques Pères, Tertullien, De coron, miht., 11, t. ii, col. 92 ; saint Augustin, Enchirid., lxxviii, t. XL, col. 269, etc., ont conclu de là à la défense pour les chrétiens d’intenter des procès, au moins devant des juges qui ne partagent pas leur foi. Mais la parole de saint Paul n’a pas été regardée dans l’Église comme autre chose qu’un conseil applicable seulement aux circonstances dans lesquelles se trouvaient les premiers chrétiens. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xlviii, a. 8, ad 4°"-.

II. Obligations des juges.

1° Les juges rendent la justice au nom même de Dieu. Exod., xviii, 15 ; xxi, 6 ;