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JUGEMENT DE DIEU — JUGEMENT JUDICIAIRE

M

4. NotreSeigneur ajoute un dernier détail à la notion du jugement dernier. Il parle ainsi à ses Apôtres : « À la régénération, quand le Fils de l’homme prendra place sur le trône de sa majesté, vous serez assis vous aussi sur douze sièges, jugeant les douze tribus d’Israël. » Matth., XIX, 28 ; Luc, xxil, 30. Les douze tribus désignent ici l’ensemble des disciples du Christ. En réalité, le Sauveur est le seul juge des vivants et des morts, mais il veut avoir, en quelque manière, les Apôtres comme assesseurs dans l’exercice de son pouvoir judiciaire, de même qu’il les a eus comme coopérateurs dans l’exercice de son pouvoir sanctificateur. I Cor., iii, 9. C’est une façon d’indiquer que, dans l’autre vie, ils conserveront la prééminence dont ils ont été honorés sur la terre. Saint Paul dit de son côté que les simples chrétiens jugeront les anges. I Cor., vi, 3. Ceci s’applique seulement aux mauvais anges, pour lesquels le teu éternel a été préparé, Matth., xxv, 41, et vis-à-vis desquels les saints auront toutes les supériorités, spécialement celle de leur fidélité à Dieu. Dans une nature inférieure comme la nature de l’homme, cette fidélité devient en effet la condamnation de la révolte des anges, doués d’une nature supérieure.

H. Lesêtre.

2. JUGEMENT JUDICIAIRE (hébreu : mispât, dîn, pelilî ; Septante : xpf(j.a, xpîuiç, Vulgate : judicium), exercice de la puissance judiciaire. Les deux derniers mots hébreux désignent, dîn, le tribunal et le jugement lui-même, Is., x, 2 ; etc., pelilî, le conseil des juges, Is., xxviii, 7 ; quant au mot mispât, il embrasse dans sa signification l’acte "même du jugement, Lev., xix, 15 ; Deut., i, 17, etc., le lieu du jugement, Job, ix, 32 ; Is., m, 14, etc., la cause qui fait l’objet du jugement, Num., xxvii, 5 ; Job, xiii, 18, etc., la sentence du juge, III Reg., iii, 28 ; xx, 40, etc., et enfin le crime qui motive la sentence. Deut., xix, 6 ; Jer., li, 9, etc. — L’exercice de la puissance judiciaire suppose toute une série d’actes, au sujet desquels la Sainte Ecriture fournit un certain nombre de renseignements.

Le tribunal.

Il était composé de juges choisis

parmi les anciens, les lévites et les prêtres, en nombre plus ou moins grand suivant l’importance des localités ou des causes. Le chef du peuple ou le roi avait naturellement le droit de haute justice. Voir Juge, col. 1833.

Le lieu du jugement.

Les juges siégeaient en un

endroit public, où tout le peuple pût accéder pour assister au jugement. C’était ordinairement à la porte de la ville, lieu de passage près duquel se trouvait un espace libre plus vaste qu’à travers les rues étroites. Deut., xvi, 18 ; xxi, 19 ; xxii, 15 ; Ruth, iv, 1 ; Job, xxix, 7 ; Ps. cxxvi, 5 ; Am., v, 10-15, etc. Quand la ville avait une place assez grande, on y rendait aussi la justice. Job, xxix, 7 ; Is., lix, 14 ; I Mach., xiv, 9. Les rois jugeaient dans la cour de leur palais. Salomon bâtit dans ce but un portique du trône, où il entendait les causes et prononçait ses sentences. III Reg., vii, 7. À Jérusalem, on jugeait parfois à la porte du Temple. Jer., xxvi, 10-11. Dans le second Temple, le sanhédrin avait pour lieu de séances une salle appelée lUkat gazif, et qui était située moitié dans le lieu saint et moitié en dehors. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, lui donne le nom de pou>^ et la place près du Xystus. Comme le mot Çu<rro « signifie « poli, aplani », le mot gazith qui a aussi ce sens désignerait non pas une salle « des pierres polies », ce qui pouvait s’appliquer à toutes les salles du Temple, mais la « salle du Xjstus », c’est-à-dire celle qui était voisine de la place ainsi nommée. Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 211. Les Juifs prétendent que le sanhédrin abandonna cette salle, quarante ans avant la ruine de Jérusalem, Schabbath, 15° ; Santiedrin, 41°, quand le droit de porter des sentences capitales lui eut été enlevé par l’autorité romaine. Il siégea alors d’abord dans le parvis des Gentils, puis

dans la basse ville. Mais cette assertion n’est pas recevable, car il est avéré que des séances ont été tenues dans cette salle peu avant la guerre de Judée. Notre-Seigneur fut jugé dans le palais de Caïphe, parce que les portes du Temple ne s’ouvraient jamais pendant la nuit. Middoth, I, 1. Schùrer, Geschichte des j. V., t. ii, p. 212-213 ; Friedlieb, Archéologie de la Passion, trad. Martin, Paris, 1897, p. 12-14 ; Lémann, Valeur de l’assemblée, Paris, 1876, p. 9-11. Le procurateur romain jugeait dans son prétoire. Voir Prétoire.

La comparution devant le tribunal.

Quand un

crime avait été commis, le coupable était amené au tribunal par les parents de celui qui avait été trappe ou par les témoins. Un meurtrier connu était poursuivi par le Goêl. Voir Goel, col. 261. Si le meurtrier restait inconnu, les autorités locales les plus voisines du lieu du crime étaient dans l’obligation de dégager solennellement leur responsabilité. Deut., xxi, 1-9. Celui qui avait été lésé dans ses biens ou dans ses droits déférait aux juges celui dont il avait à se plaindre, et ce dernier, sans nul doute, était contraint par la force de paraître devant les juges quand il hésitait à le faire de bon gré. Deut., xix, 12. Le père et la mère menaient eux-mêmes aux juges le fils incorrigible qui méritait le châtiment. Deut., xxi, 19. Les juges prenaient ordinairement l’initiative des poursuites contre ceux qui transgressaient gravement la loi religieuse. Lev., xxiv, 11 ; Joa., viii, 3 ; Matth., xxvi, 47 ; Act v xxi, 30, etc. Dans les différends qui se rapportaient à des questions d’intérêt, les deux partis se donnaient d’un commun accord rendez-vous devant les juges. Ils comparaissaient toujours en personne. Celui qui accusait se tenait à droite de l’accusé. Zach., iii, 1. L’accusé ou celui qui se croyait lésé dans ses droits se présentait, au moins dans les derniers temps, en costume de deuil. Zach., iii, 3 ; Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 4.

L’instruction de l’affaire.

L’affaire se traitait directement

entre les partis et les juges. Il n’y avait ni accusateurs ni avocats. Il était cependant recommandé à ceux qui se trouvaient en mesure de le faire de prendrela défense des faibles, des veuves et des orphelins, [s., i, 17 ; xxix, 21 ; Am., v, 10. C’est ce que fit excellemment Daniel en laveur de Suzanne. Dan., xiii, 45-62. — La preuve était fournie par des témoins, qui ne pouvaient jamais être moins de deux. Num., xxxv, 30 ; Deut., xvii, 6 ; xix, 15 ; Dan., xiii, 28 ; Matth., xxvi, 61. Leur témoignage était corroboré par le serment et sa valeur devait être prudemment examinée par les juges. Il va de soi que les deux témoins devaient s’accorder ensemble, Marc, xiv, 56, et que, pour mieux s’assurer de leur véracité, on les interrogeait à part quand il semblait nécessaire. Dan., xiii, 51-59. Le faux témoin subissait la peine qu’il avait tenté de ménager à l’innocent. Deut., xix, 16-21 ; Dan., xiii, 61, 62. Voir Témoin. — À défaut de témoins, on exigeait le serment de la part de celui qui était en cause. Exod., xxii, 11 ; Num., v, 19-22 ; III Reg., viii, 31, II Par., vi, 22. Voir Jurement. — Dans les plus anciens temps seulement, on recourut au sort afin que par ce moyen Dieu fît connaître le coupable. Jos., vii, 13-19 ; I Reg., xiv, 40-43 ; Prov., xvi, 33 ; xviii, 18. — La, question ou torture de l’inculpé n’apparaît chez les Juifs que sous les Hérodes et est par conséquent d’importation étrangère. Josèphe, Bell, jud., i, xxx, 3.

La sentence.

Quand les juges étaient suffisamment

éclairés sur le cas porté devant eux, ils rendaient leur sentence. Cette sentence s’inspirait des prescriptions de la Loi. Comme la Loi ne prévoyait pas tous les. cas, on jugeait par analogie, d’après les coutumes, et en tenant compte des règles de l’équité naturelle. Quand le cas leur paraissait trop grave ou trop difficile à régler, les juges en renvoyaient l’examen à un tribunal plus élevé et plus éclairé. Deut., xvii, 8-12 ; II Par., xix, 5-11*

— La sentence était orale, comme toute la procédure.