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JUGES (LIVRE DES)


d’aide réciproque. Jud., i, 3. Juda ne tient donc pas la première place et ne marche pas dans l’intérêt de toutes les tribus. Au lieu de se réunir, celles-ci s’isolent de plus en plus et refusent parfois de porter secours à celles qui étaient opprimées. Elles laissèrent vivre au milieu d’elles les Chananéens, anciens habitants du pays ; elles s’unirent même à eux par des mariages et se laissèrent entraîner à partager leur idolâtrie. Les Chananéens, groupés autour de leurs rois, dominèrent les Israélites coupables et leur firent payer tribut. Quand les opprimés, repentants de leurs crimes, se soulevaient contre leurs oppresseurs, ils n’avaient pas d’armée régulière. Un chef de circonstance se mettait à la tête des soldats improvisés et mal armés, et s’il remportait la victoire, c’était par la ruse, la bravoure, plutôt que par la force de la discipline et l’habileté de la stratégie. Le sauveur du peuple, une fois la victoire gagnée, retournait à son champ et à ses affaires personnelles et n’exerçait aucune autorité officielle ni politique, ni administrative. Il ne rendait pas même la justice, excepté dans des cas exceptionnels, voir Juge, col. 1834-1835, les différends étant réglés par les anciens du peuple. Cet isolement des tribus faisait leur faiblesse et les exposait aux coups de . main de leurs ennemis. La vie privée était aussi simple que la situation politique. Chaque maison se suffisait pour les besoins quotidiens, et tous vivaient de la culture des champs et de l’élevage des troupeaux.

2° Israël servit Jéhovah durant toute la vie de Josué et des anciens qui l’avaient connu. Jud., ii, 7. Mais il s’éleva une autre génération qui n’avait pas été témoin des merveilles que Dieu avait opérées en faveur de son peuple. Elle se livra à l’idolâtrie et servit Baal et Astarthé. Jud., ii, 10-13. Mais l’infidélité n’était pas générale ; toutes les tribus n’apostasiaient pas en même temps. La contagion gagnait seulement l’une ou l’autre, et bientôt les malheurs ramenaient les coupables au culte du vrai Dieu. Nonobstant ces infidélités, trop fréquentes, mais passagères pourtant, Israël gardait sa cohésion comme peuple dans l’unité religieuse et dans le culte de Jéhovah. Il n’était permis à personne d’offrir des sacrifices à Dieu, sinon en présence de l’arche, et tous les Israélites étaient obligés de se rendre, trois fois par an, auprès de cette arche pour y célébrer des fêtes en l’honneur de Dieu. Sans doute, ces lois ont pu être violées plus d’une fois par des individus isolés, probablement même par des tribus entières, au moment de leur infidélité. Néanmoins, les réunions religieuses avaient lieu à Silo, Jud., xxi, 2 (sur la réunion à Bokim, Jud., ii, 1-5, voir t. i, col. 1843), chaque année. Jud., xxi, 19. C’est dans ce sanctuaire national que se célébrait le culte public, qui persévéra régulièrement, même lorsque les Danites eurent institué un culte particulier pour l’idole de Michas. Jud., xviii, 31. Cet étrange épisode ne prouve pas seulement l’unité religieuse d’Israël ; il montre encore l’existence des lévites et leur rôle important dans le culte. Il y avait donc un sacerdoce et des rites déterminés, qu’un particulier et une tribu entière cherchaient à imiter. L’unité religieuse d’Israël corrigeait en partie les graves inconvénients qui résultaient de la désagrégation politique des tribus. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 36-68 ; card. Meignan, De Moise à David, Paris, 1896, p. 363-375 ; F. de Hummelauer, Comment, in hb. Jud. £t Ruth, p. 16-20 ; Pelt, Histoire de l’A. T., 3e édit, 1901, ti, p. 334-339.

XI. État du texte. — 1° Texte hébreu. — L’édition massorétique n’a pas un texte de tous points parfait ; toutefois, elle est ici moins fautive que dans d’autres livres de l’Ancien Testament. Ms r Kaulen, Einleitung, p. 184-185, cite un certain nombre d’exemples, qui prouvent que ce texte est inférieur à celui sur lequel a « té faite la version dite des Septante. Les critiques se .sont spécialement exercés sur le cantique de Débora et


ils en ont discuté le texte hébreu. Notons seulement que leurs observations ne sont pas toutes justifiées et qu’il y a lieu de les contrôler. — 2° Texte grec. — La version des Septante se présente à nous, pour le livre des Juges, sous deux formes très distinctes. La première se retrouve dans le Codex Alexandrinus, a, et quelques autres manuscrits grecs, en particulier, parmi les onciaux, les Codices Sarravianus, Coislinianus et Basiliano-Vaticanus. Les versions syriaque-hexaplaire, arménienne, éthiopienne et ancienne latine sont apparentées à cette forme du grec, qui est aussi en gros le texte cité par les écrivains égyptiens, Clément d’Alexandrie, Origène et Didyme. C’est l’ancienne et primitive traduction grecque, plus ou moins retouchée pour la rapprocher de l’hébreu. Les critiques y reconnaissent généralement la recension de Lucien. Cependant M. Moore a distingué, d’après les variantes, trois recensions de cette première forme : celle de VA lexandrinus, reproduite encore dans la Polyglotte d’Alcala ; une deuxième représentée par les cursiꝟ. 54, 59, 75, 82 de Holmes et Parsons, qui serait le texte de Théodoret ; une troisième, constituée par l’édition aldine d’après les cursiꝟ. 120 et 121. S’il était certain que Théodoret a suivi la seconde recension, on ne pourrait pas regarder V Alexandrinus comme un témoin de la recension de Lucien, que Théodoret a très probablement employée. La seconde forme du texte grec se remarque dans le Vatieanus, b, le Codex Musei britannici Add. 2002, de nombreux cursifs grecs et dans la version sahidique. Saint Cyrille d’Alexandrie se sert de cette forme ; ce qui a porté Moore à conclure qu’elle date du IVe siècle. Elle n’est pas une version nouvelle faite sur l’hébreu ; il semblerait qu’elle mêle les leçons des Septante avec celles d’Aquila. Si on ne peut affirmer qu’elle est la recension d’Hésychius, comme l’avait pensé Grabe, il n’y a pas à douter de son origine égyptienne. P. de Lagarde, Septuaginta-Studien, Gœttingue, 1892 ; Brooke et Mac Lean, The Book of Judges in Grée !  : accordmg to the text of Codex Alexandrinus, Cambridge, 1897 ; Moore, Critical and exegetical Comm. on Judges, Edimbourg, 1895 ; Swete, An introduction to the Old Testament in greek, Cambridge, 1900, p. 333-334, 442, 446-447 ; Lagrange, Le livre des Juges, p. xvi-xix. — 3° Textes latins. — 1. La vieille Vulgate latine, qui est un témoin de la première forme du texte grec, a été éditée en partie, i-xx, 31, d’après le Codex Lugdunensis, par M. Ul. Robert, Heptateuchi partis posterions versio latvna antiquissima, in-4°, Lyon, 1900, p. 105-155. C’est un texte « italien », ou à tout le moins un texte revisé, probablement au ive siècle, qui par là se rapproche du groupe des textes « italiens ». Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Paris, 1901. t. i, p. 151. — 2. Saint Jérôme a traduit un texte hébreu à peu près semblable au texte massorétique ; mais, pour que sa version soit intelligible, il a rendu l’original assez librement. Le P. de Hummelauer, Comment, in l. Judic., p. 20-22, a signalé les passages dans lesquels notre version latine diffère de l’hébreu.

XII. Commentateurs. — 1° Pères. — Origène, Selecta in Judices, t. xii, col. 949-950 ; In lib. Judic. homilise (au nombre de neuf dans la traduction latine de Rufln), tbid., col. 951-990 ; Adnotatwnes m Judices, t. xvii, col. 37-40 ; la suite des homélies d’Origène sur les Juges se trouve dans Ma r Batiftol, Tractatus Origenis de libris SS. Script., Paris, 1900 ; S. Éphrem, In librum Judicum, Opéra omnia, Rome, 1737, t. i, p. 308-330 ; S. Augustin, Locutiones in Heptateuch., t. VII, t. xxxiv, col. 5*41-548 ; Qusest. in Heptateuch., t. VII, ibid., col. 791-824 ; Théodoret, In Judices, t. lxxx, col. 485518 ; Procope de Gaza, Comment, in Judices, t. lxxxvii, 1* pars, col. 1041-1080 ; S. Isidore de Séville, Qusest. in l. Judic., t. lxxxiii, col, 379-392. — 2° Du moyen âge.

— V.Bède, Qusest. super lib. Judicum, t. xciii, col. 423 III. - 50