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    1. PARALIPOMÈNES##

PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES)

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surnaluralisés et beaucoup sont coritrouvés. Le chroniste ne mérite donc aucune confiance.

Ces conclusions sévères ne sont plus guère adoptées dans leur rigueur par les critiques plus récents, qui les atténuent notablement. Les anciens critiques, en effet, méconnaissaient à tort l’existence, de certains documents, listes et recueils, accessibles au chroniste et utilisés par lui. Ils attribuaient à cet auteur une faculté d’invention que rien dans son œuvre n’autorise à admettre si riche et si productive. Il apparaît plutôt comme un compilateur, de documents. Le soin avec lequel il indique les sources consultées par lui est une garantie de son exactitude et de la diligence avec laquelle il a recueilli tous les renseignements propres à lui faire connaître la vérité. Il a donc travaillé d’après des documents antérieurs qu’il reproduit parfois textuellement, et il est impossible d’attribuer tous ses récits propres à des fictions ou à des falsifications volontaires. D’ailleurs, la manière dont il utilise les sources est mise en évidence par la comparaison de ses récits avec les récits parallèles du livre des Rois. L’accord est cottiplefpour les points essentiels, et les variantes ne sont, pour le fond, que des détails mieux précisés et plus développés, et pour la forme, des différences d’expression et de style, qui s’expliquent par le but parénétique et didactique de l’historien. Il faut en conclure que le chroniste a mis le même soin à utiliser les autres sources dont il cite les titres et qui ne nous sont pas parvenues, bien que nous ne puissions pas faire le contrôle. Par comparaison avec ce qu’il a fait du livre des Rois, nous pouvons affirmer que, s’il les a modifiés pour les rendre conformes à son but, il n’a pas changé la vérité objective des faits ; il a seulement donné à son récit une empreinte subjective et personnelle qui lui est particulière, et le distingue de l’exposition plus objective du livre des Rois.

Ces conclusions ont été soutenues et la véracité du chroniste défendue contre les attaques des anciens rationalistes par des écrivains protestants et catholiques. Voir Dahler, De librorum Paralipomenon auctoritate atque fide historica, Strasbourg, 1819 ; un anonyme catholique, dans Theologische Quartalschrift, 1831, p. 201-261 ; Movers, Krilische UntersucKungen ùber die biblische Chronik, Bonn, 1834 ; Keil, Apologetisc /ier Versuch ùber die Bûcher der Chronik, Berlin, 1833 ; Einleitung, 3e édit., p. 461-476 ; Dillmann, Chronik, dans Realencyklopâdie fur Théologie, de Herzog, 1854, t. ii, p. 693 ; Welte, Einleitung, t. H, p. 161231 ; E. Nagl, Die nachdavidische Kônigsgeschichle Isræls ethnogruphisch und geographisch Beleuchtet, Vienne, 1905.

Enfin, des faits qui sont relatés dans les Paralipomènes et dont l’authenticité était mise en suspicion par les critiques modernes, ont été heureusement confirmés par les découvertes récentes. Sur la prise de Jérusalem par Sésac, II Par., xii, 2-9, et sur l’invasion des Moabites en Palestine, II Par., XX, voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, & édit., Paris, 1896, t. iii, p. 416-422, 464-474. D’autres faits ont été rendus très vraisemblables par la connaissance plus approfondie que nous avons des choses de l’Assyrie. Sur la captivité de Manassé à Babylone, voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1890, t. iv, p. 62-67. Cette confirmation inattendue peut donner l’espoir que de nouvelles découvertes justifieront encore sur d’autres points contestés l’exactitude du chroniste. . Cependant, les critiques plus récents cherchent à tenir un juste milieu entre ces deux positions opposées. Ils ne peuvent considérer tous les récits propres du chroniste comme sûrs et authentiques, puisque, prétendent-ils, quelques-uns sont en désaccord formel avec le livre des Rois. Ils ne nient pas que le chroniste ait utilisé des sources antérieures autres que ce livre canonique ;

ils discutent seulement la Valeur historique dé ces sources, ou la manière dont le chroniste les a employées. Sans dénier la part de la tradition qu’on ne doit pas négliger, surtout à propos des coutumes religieuses, ils se tiennent sur la réserve relativement à ce que le chroniste rapporte de l’organisation de la tribu sacerdotale et à quelques points particuliers. On ne peut rejeter en bloc les additions du chroniste et chacune d’elles doit être examinée séparément et pour elle-même. Quant aux modifications, abstraction faite de celles qui sont dues aux copistes et qui sont assez nombreuses, au moins dans les généalogies, et de celles qui proviennent de la diversité des sources, il en reste auxquelles l’esprit de tendance ne paraît pas étranger, par exemple celle qui rattache Samuel à la tribu de Lévi. À cette cause ils rapportent aussi le grossissement des chiffres, le classement chronologique des événements de quelques règnes, par exemple ceux d’Asa et de Josias, l’influence des idées théologiques de l’époque postérieure au retour de la captivité, l’importance donnée aux lévites dans les solennités antérieures à l’exil, le patriotisme et le royalisme du chroniste, et sa croyance stricte à la doctrine de la rétribution ici-bas. Le chroniste aurait donc vu parfois l’histoire ancienne à travers un prisme, et il aurait décrit le passé avec les couleurs de son temps. En tout cela, sa bonne foi serait hors de cause. Quoi qu’on pense de ses procédés et de son système, son honnêteté est incontestable. Il n’a pas cru ni voulu tromper ses lecteurs ou fausser l’histoire. Il s’est borné à raconter l’histoire telle qu’elle aurait dû se passer, si les institutions contemporaines avaient déjà existé. Il a transporté en arrière le présent, sur lequel il nous renseigne très fidèlement. Cf. A. Kuenen, Histoire critique des livres de l’A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 482-495 ; Cornill, Enleitung in dos A. T., p. 122-125 ; L. Gautier, Introduction à l’Ancien Testament, t. ir, p. 370-378. Sa méthode n’est pas strictement historique. Il met dans la bouche de ses personnages des discours qu’ils n’ont pas tenus ; il juge leurs actes d’après son propre point de vue. Il reproduit fidèlement les idées théocratiques de son temps. Il laisse hors de son cadré tout ce qui est étranger. On se tromperait en pensant qu’il a cru par son silence cacher les faits défavorables à David et à Salomon ; ils étaient connus de ses contemporains. Son silence s’explique plutôt par les circonstances de son époque : il fortifie la foi de son temps en traçant une image idéale du passé. Ses contemporains envisageaient l’histoire comme lui. Personne ne doutait alors que les choses se soient passées telles qu’il les décrit. Dans l’ensemble donc, il reproduit les idées traditionnelles, mais développées sous une forme littéraire spéciale et en vue de l’enseignement et de l’édification. Driver, Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 569571 ; Strack, Einleitung in das A. T., 6e édit., Munich, 1906, p. 163-164.

Le P. de Hummelauer, op. cit., t. i, p. 5, se propose d’examiner plus tard si les récits des Paralipomènes sont strictement historiques, ou s’ils exposent l’histoire sous une forme plus libre que celle que suivent les historiens modernes. Il admet déjà, p. 210, que les différences entre les Paralipomènes et le livre des Rois peuvent provenir non pas de sources spéciales, mais de la manière dont le chroniste utilise le livre des Rois, en en faisant, sous l’inspiration divine, une paraphrase ou un midrasch qui, tout en développant le récit primitif, ne le fait pas par des développements étrangers à la vérité historique. D’ailleurs, il a volontairement modifié le texte des Rois en remplaçant des termes obscurs et vieillis par des expressions plus claires et plus modernes, en omettant ou changeant à dessein quelques faits, en employant des euphémismes. Il voulait édifier ses lecteurs ; il ne se proposait pas d’écrire une histoire