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    1. MARIE##

MARIE, MÈRE DE DIEU

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femme ». Cf. Tertullieti, De virgin. vel., 6, t. ii, col. 897 ; S. Cyrille Hieros., Catech., xii, 31, t. xxxiii, col. 766 ; S. Jérôme, In epist. ad Galat., Il, 4, t. xxvi, col. 372. 2° L’Apocalypse. — Saint Jean ne nomme pas une seule fois la Sainte Vierge par son nom de « Marie » ; il l’appelle « mère de Jésus ». Joa., H, 1, 3 ; xix, 25, 26. Les rapports plus intimes qu’il a eus avec elle, durant un bon nombre d’années, la connaissance plus parfaite qu’il a acquise de sa sainteté et l’intelligence qu’il a dû avoir de sa mission auprès de l’Église naissante, permettent d’attendre de lui au moins quelque allusion à cette Vierge dont la garde lui avait été confiée. Cette allusion paraît de prime abord se rencontrer dans le passage suivant de l’Apocalypse, xii, l-6 : « Une grande merveille apparut dans le ciel : Une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles. Elle portait dans son sein, criait en enfantant et était à la torture pour enfanter. Un autre signe apparut dans le ciel : Un grand serpent roux, ayant sept têtes et dix cornes… Le serpent se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son fils quand elle l’aurait mis au monde. Et elle enfanta un fils qui devait gouverner toutes les nations avec une verge de fer. Et son fils fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la femme s’enfuit dans la solitude, où elle avait une demeure préparée par Dieu. » La femme décrite dans ce passage est avant tout l’Église, dont saint Jean annonce les destinées dans tout le cours de ce livre. C’est l’Église et non la Sainte Vierge, qui crie et souffre pour mettre au monde ses enfants. Mais Marie est à la fois la figure et le personnage le plus saillant de l’Église. Marie et l’Église se superposent l’une à l’autre dans la vision de saint Jean, et, si certains traits conviennent mieux à cette dernière, d’autres semblent mieux s’adapter à la Sainte Vierge. C’est elle dont le Fils a gouverné les nations avec la verge de fer, Ps. ii, 9, et ensuite a été enlevé vers Dieu et vers son trône, au jour de son ascension, pendant que la femme, sa mère, se retirait dans la solitude préparée par Dieu, sous la garde de l’apôtre saint Jean. Marie et l’Église ont également le soleil pour parure, la lune pour escabeau, les étoiles pour couronne. Le serpent, le diable du paradis terrestre, Apoc, xii, 9 ; xx, 2, a voulu dévorer l’enfant de Marie dès sa naissance, quand il le fit poursuivre par Hérode ; à mesure que l’Église enfante les âmes à la grâce, il est encore là pour les perdre. Bien que l’Église soit au premier plan dans cette description, il paraît donc indéniable que saint Jean avait aussi la Sainte Vierge devant les yeux. Cette idée est déjà exprimée dans le Serm. IV de symbolo ad catechum., 1, attribué à saint Augustin, t. XL, col. 661, où on lit au sujet du texte de l’Apocalypse : « Personne de vous n’ignore que le serpent est le diable. Cette femme désigne la Vierge Marie qui, dans une intégrité parfaite, a engendré notre chef, et qui a représenté en « Ile-même la figure de la sainte Église ; de sorte que, <le même qu’elle est restée vierge en engendrant son Fils, ainsi l’Église ne cesse d’engendrer ses enfants sans perdre sa virginité. » Cette interprétation, bien que n’ayant très probablement pas saint Augustin pour auteur, tire une importance particulière de ce fait que l’Église l’a insérée dans son office. In vigil. Pentecost., II Noct., lect. v. L’Église a également introduit le passage de l’Apocalypse dans l’office de l’Immaculée Conception, Il Noct. resp. vi, ce qui indique la légitimité de son application à la Sainte Vierge. Cette application avait d’ailleurs été déjà faite par d’autres anciens auteurs, celui d’une Exposit. in Apocal., dans les œuvres de saint Ambroise, t. xvii, col. 876 ; Haymon d’Halberstadt, In Apoc, ni, 12, t. cxvii, col. 1080 ; Alcuin, Comm. in Apoc, v, 12, t. C, col. 1152 ; Cassiodore, Complexion. in Apoc, ad xii, 7, t. lxx, col. 1411 ; Richard de S. Victor, Explic. in Cant., 39, t. cxcvi, col. 517 ; Rupert, Comm. in Apoc, vii, 12, t. clxix, col. 1039 ; S. Bernard, Serm.

de xii prœrog. B. V. M., 3, t. CLXXxm, col. 430, etc. Bossuet, qui dans son Explication de l’Apocalypse, Bar-le-Duc, 1870, t. ii, p. 228, entend de l’Église le commencement du chapitre xii, ne laisse pas ailleurs, Serm. pour la fête de VAssompi., 2e p., t. vil, p. 643, d’appliquer les mêmes paroles à la Sainte Vierge. Newman, Du culte de la Sainte Vierge dans l’Église catholique, p. 62-71, explique le silence des plus anciens Pères, par rapport à cette interprétation, en remarquant qu’ils ne demandaient des lumières à la Sainte Écriture que sur les points de doctrine attaqués de leur temps. Il ajoute que l’idée de la Vierge avec son Enfant était familière aux premiers chrétiens, comme le démontrent les peintures des catacombes, et que « l’Église n’eût pas été représentée par l’Apôtre sous cette image particulière, si la bienheureuse Vierge Marie n’eût pas été élevée au-dessus de toute créature et vénérée par tous les fidèles ». P. 68 ; cf. Hist. du développement de la doct. chrét., trad. J. Gondon, , Paris, 1848, p. 385-387. Il n’y a pas là, en ce qui concerne la Sainte Vierge, un simple sens accommodatice, comme on l’a prétendu quelquefois, cf. Drach, Apocal., Paris, 1873, p. 114, mais un vrai sens littéral, qui tantôt lui convient à elle seule et tantôt convient en même temps à l’Église. Cf. R. M. de la Broise, Mulier amicta sole, dans les Études des RR. PP. Jésuites, t. lxxi, avril-juin 1897, p. 289 ; Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes, t. iv, p. 59-84.

VIII. Chez les premiers chrétiens. — Les monuments des premiers âges du christianisme révèlent quelle place tenait déjà la Sainte Vierge dans la piété et dans le culte. — 1° Aucune peinture ne nous a conservé les traits de la mère du Sauveur. Les madones byzantines, dites de saint Luc, ne datent guère que du vr= siècle et ne reproduisent qu’un type de convention. On en connaît au moins vingt-sept exemplaires, dont dix dans la seule ville de Rome. Cf. Lecanu, Histoire de la Sainte Vierge, p. 454-456. Voir Martigny, Dict. des antiq. chrét., Paris, 1877, p. 792. Aussi saint Augustin, De Trinit., viii, 5, t. xi.il, col. 952, pouvait-il dire : « Nous ne connaissons pas la figure de la Vierge Marie… Son visage était-il tel qu’il se présente à notre esprit quand nous parlons d’elle ou que nous nous la rappelons, nous n’en savons absolument rien, nous ne le croyons pas. » Les images de Marie qu’ont exécutées les premiers chrétiens ne sont donc pas des portraits. La plus ancienne est celle du cimetière de Priscille. Elle représente la Vierge tenant l’enfant Jésus comme pour l’allaiter ; une étoile brille au-dessus d’elle et près d’elle se tient un prophète, Isaïe, ou peut-être Michée (t. i, fig. 102, col. 394). La peinture est d’un beau style classique, comparable à celui des peintures de Pompéi. On s’accorde à la dater du commencement du n « siècle. La Vierge est plusieurs fois figurée dans des scènes de l’adoration des mages, au me siècle, dans les cimetières de Domitille et de Calixte ; au iv « , dans celui des Saints-Pierre-et-Marcellin. Voir fig. 170 et 171, col. 547. Dans cette dernière scène, elle apparaît nu-tête, contrairement à l’usage. Au cimetière Ostrien, la Vierge est représentée avec une gracieuse figure, les bras à demi étendus et l’enfant Jésus devant elle (fig. 220). Cette peinture, qui est du rv « siècle et postérieure à Constantin, a servi ensuite de type à beaucoup d’autres. Les saints figuraient sur les tombes des premiers chrétiens surtout comme avocats des âmes. Or Marie était avocate par excellence, ainsi que la nomme saint Irénée, Adv. hseres., v, 17, t. vii, col. 1175. Aussi est-elle toujours à la place d’honneur, ordinairement assise sur une chaise voilée, ce qui marque la puissance qu’on lui attribue. « Assurément on ne peut affirmer que ces images elles-mêmes aient été d’abord un objet de culte ; on avait trop soin, dans les premiers siècles, d’écarter tout ce qui avait quelque ressemblance avec l’idolâtrie…