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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/563

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MICHEL


Past, II’sér., t. i, p. 137-140 ; Jensen, Die Kosmologie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 280-287. Un autre mythe non cosmogonique raconte la lutte de Bel contre le dragon. Bel n’est probablement pas autre que Bel-Mardouk, mais le dragon n’est pas Tiâmat, c’est un monstre marin qui cherche à mettre à mal la * terre et ses habitants. Bel-Mardouk le terrasse et devient le maître du pays. Cf. Jensen, Mylhen und Epen, p. 4446, dans la Keilinschriftliche Bibliothek de Schrader, t. vi, Berlin, 1900. Ce mythe, très populaire en Chaldée, y a été souvent représenté. Dans une de ces représentations (voir fig. 263, col. 999), Bel a le diadème sur la tête et une double paire d’ailes aux épaules ; de chaque main il brandit la foudre trident contre le monstre. Ce dernier est une bête mâle, qui réunit les caractères du lion, du griffon, de l’oiseau et de l’habitant des eaux. Un mythe analogue se retrouve jusque dans la légende chrétienne, d’après laquelle des dragons sont terrassés par sainte Marthe, saint Front, saint Georges, etc. Aussi bien, rien n’était-il plus naturel que de prêter la figure d’un animal extraordinaire et terrible au mal physique ou moral dont on était délivré par un personnage puissant. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 369-383. Mais ces mythes ont-ils exercé une influence sur les écrivains sacrés ? Quelques auteurs le prétendent. La trace en serait visible dans les passages qui décrivent la lutte de Jéhovah contre Rahab, Job, ix, 13 ; xxvi, 12, 13, ou la puissance avec laquelle il contient la violence de la mer. Job, xxxviii, 8-11 ; Is., ii, 9, 10 ; Ps. lxxxix, 10-13, etc. Ils concluent de là que le combat de Michel contre le dragon, dans l’Apocalypse, ne serait qu’une réminiscence de la lutte de Jéhovah contre Rahab, et par conséquent une transposition facilement reconnaissable des mythes de Mardouk victorieux de Tiâmat, ou de Bel-Mardouk victorieux du dragon. Cf. H. Gunkel, Schôpfung und Chaos in, Vrzeitund Endzeit, Leipzig, 1895, p. 171-398 ; Bousset, Die Offenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 395, 398 ; Loisy, Les mythes babyloniens, Paris, 1901, p. 31-40. Buhl, Gesenius’Handwôrterb., Leipzig, 1899, p. 763, rapproche aussi Rahab de la Tiâmat babylonienne. Il y a en effet analogie entre certaines conceptions cosmogoniques des Hébreux et celles des Chaldéens. La communauté d’origine explique ces ressemblances de forme, sans qu’on soit toujours autorisé à étendre au fond même des idées l’analogie des expressions. De ce que des textes poétiques empruntent des images chaldéennes pour parler de la puissance créatrice de Jéhovah, Une suit pas logiquement que les écrivains sacrés se soient représenté Dieu sous la figure de Mardouk. Pour beaucoup de traditions d’ailleurs, avant de décider si les Hébreux sont tributaires des Chaldéens, il faudrait écarter par des arguments péremptoires l’hypothèse si naturelle de traditions primitives, plus ou moins modifiées par le génie inventif des poètes chaldéens, mais plus fidèlement conservées par les ancêtres directs d’Abraham, et, en tous cas, ramenées à leur pureté primitive par les auteurs inspirés. Cf. Loisy, Les mythes babyloniens, p. 101-102. Quant à l’assimilation établie entre Michel et Mardouk, le dragon satanique et Tiâmat, elle est plus contestable. On se figure difficilement que saint Jean ait été si bien au courant des mythes babyloniens et les ait transposés pour le besoin de son exposition doctrinale. Sans doute, il y a lutte entre Michel et le dragon comme entre Mardouk et Tiâmat. Mais faut-il faire dériver de l’épisode babylonien toutes les histoires bibliques qui opposent deux personnages l’un à l’autre ? Les héros babyloniens représentent des forces de la nature, les personnages de l’Apocalypse sont de purs esprits ; les premiers combattent inconsciemment pour l’organisation du monde physique, les seconds luttent intelligemment pour ou contre l’établissement du royaume spirituel ; Mardouk et Tiâmat sont des êtres

flottants, mal définis, dont les exploits sont conçus d’une manière qui défie le bon sens ; Michel et Satan ont une histoire dont la Bible fournit les éléments, avec parcimonie, sans doute, mais assez nettement ; leur rôle se développe logiquement, depuis la tentation de PÉden jusqu’aux derniers événements prédits ou décrits par l’Apocalypse. Saint Jean n’avait pas à emprunter les éléments descriptifs de sa vision à des traditions étrangères ; si, sous ce rapport, il voulait suivre des modèles, il en trouvait parmi les anciens prophètes d’Israël, qu’il a d’ailleurs imités si souvent. Mais à supposer même qu’on pût démontrer une certaine dépendance du récit de saint Jean par rapport au mythe babylonien, comme on a pu le faire pour la vision des chérubins d’Ézéchiel, voir Chérubin, t. ii, col. 664, n’en resterait pas moins à constater l’originalité de sa doctrine et l’harmonie parfaite de sa vision avec toutes les données prophétiques et apocalyptiques de la Bible. Cf. Jacq. Simon (Loisy), Chronique biblique, dans la Revue d’hist. et de liltér. relig., Paris, 1897, p. 467.

3° Dans ce passage de l’Apocalypse, Michel apparaît clairement comme le protecteur de l’Église, à l’égard de laquelle il remplit la même fonction qu’autrefois à l’égard d’Israël. Au début de l’histoire des Israélites, Satan avait cherché à nuire à l’ancien peuple en intervenant à propos du corps de Moïse et Michel l’avait combattu. Dès le commencement de l’Église, Satan s’efforce encore de faire périr ses enfants et Michel le terrasse. L’archange est donc à bon droit considéré comme protecteur de l’Église. Daniel, xii, 1, avait déjà annoncé ce rôle, en présentant Michel comme défenseur du peuple élu, à l’époque messianique et à la fin des temps. L’Église lui reconnaît officiellement ce titre. Elle l’appelle le « préposé du paradis », II Noct., 2 ant., xxix Sept. ; le « prince de la milice des anges », il Noct., resp. 1 ; « prince très glorieux, » u Vesp., ad Magnif., et, dans les litanies des saints, elle lui assigne la première place après la Sainte Vierge. Elle implore son secours : « Archange Michel, viens au secours du peuple de Dieu, » nNoct., ant. 1, xxix septemb. ; « c’est lui qui se tient debout pour vos fils, >' resp. 3. À cause de sa lutte victorieuse contre l’ennemi du salut des âmes, elle le considère surtout comme le défenseur des âmes que vont passer dans l’autre vie. C’est lui « à qui Dieu a confié les âmes des saints, pour qu’il les conduise au joyeux paradis », // Noct., resp. 2 ; il est le « messager de Dieu pour les âmes justes ». /// Noct., ant.l. « Archange Michel, je t’ai établi prince sur toutes les âmes à recevoir. » Laud., ant. 3. À l’alléluia de la messe de sa fête, comme dans la prière qui suit la messe, elle lui dit : « Saint archange Michel, défends-nous dans le combat, pour que nous ne périssions pas dans le terrible jugement. » À l’olfertoire de la messe des Morts, elle demande que « le porte-étendard saint Michel les introduise dans la sainte lumière », et, dans les prières pour la recommandation de l’âme des agonisants, elle supplie « que saint Michel les reçoive, lui, l’archange de Dieu, qui a mérité d’être placé à la tête des milices célestes ». C’est dans la même pensée qu’elle nomme l’archange parmi les saints auxquels se fait la confession des péchés, afin qu’il défende le pécheur repentant. Déjà, dans la tradition juive, Chagigah, 11 6 ; Menachoth, 110 a, l’ange Michel était considéré comme offrant à Dieu chaque jour les âmes justes sur l’autel de la Jérusalem céleste. La pensée de l’Église sur le saint archange Michel est heureusement exprimée par les hymnes composées en son honneur par Raban Maur, Notker le Bègue, Adam de Saint-Victor, etc. Cf. U. Chevalier, Poésie liturg. Iradit. de l’Église cath. en Occident, Tournai, 1894, p. 237-242.

— Voir Ma’Germain et Brin, Saint Michel archange, 2e édit., in-18, Paris, 1883 ; Frd. Wiegand, Der Erzengel Michæl in der bildenden Kunst, in-8°, Stuttgart,